À l'heure des LegalTech pour les services juridiques ou des MedTech pour le domaine médical, marquant la transformation de secteurs entiers sous les coups de boutoir de l'intelligence artificielle, « l'écosystème bâtiment » doit se préparer au BatTech.
Pour cela, la FFB a lancé une mission interne sur ce sujet.
Le rapport de ce groupe de travail, sans masquer les incertitudes existantes, explore quelques premières pistes.
Pour le secteur : des défis à relever
Les premières structures à avoir utilisé l'IA sont celles qui disposaient de beaucoup de données : télécommunications, banques, assurances, sites de vente... sans parler de Google ou de Facebook qui ont construit leur puissance sur ce nouvel or.
Dans le bâtiment, la question des données s'avère plus complexe :
- le secteur compte de nombreux métiers (donc d'intervenants) et près de 400 000 entreprises de toutes tailles?;
- les données d'un chantier ou de toute intervention n'apparaissent pas suffisamment organisées pour être structurées en l'état?;
-
les données sont rarement partagées, chacun gardant ses prérogatives sur son domaine d'activité.Toutefois, des facteurs bousculent déjà les pratiques : le BIM (Building Information Modeling/Model/Management) et le développement des objets connectés.
Vient s'y greffer un accélérateur : la transition écologique et énergétique qui vise une meilleure gestion des ressources naturelles et leur préservation, et, par conséquent, une meilleure analyse des usages et des consommations.
On le voit, plusieurs enjeux restent à appréhender en matière de données : leur typologie, leur foisonnement, leur structuration, y compris leur accès et la gouvernance à mettre en place, leur fiabilité, l'interopérabilité des outils, la créativité qui sera générée et la cybersécurité qui mérite une grande vigilance.
À terme, l'IA conduira très certainement à une interpénétration entre la réalisation des travaux et l'offre de services d'entretien, d'optimisation des consommations, des contrats divers et variés, etc.
Cette mutation impose de s'interroger sur les nouveaux modèles, les nouvelles tâches et les nouvelles formes d'organisation à mettre en oeuvre, d'autant que des acteurs inattendus pourraient émerger dans le secteur, tout comme ce fut le cas dans l'hôtellerie.
Il en ressort d'ores et déjà une conséquence forte : maîtriser cette révolution technologique imposera l'acquisition de compétences nouvelles et des mutations dans le secteur.
C'est aussi une formidable occasion de changer l'image du bâtiment, attirer les jeunes et faire des entreprises des productrices de données, ces dernières ayant bien entendu de la valeur.
Pour les entreprises : des tâches qui pourraient être accompagnées par l'IA à moyen terme
Conception et réalisation du chantier
- Favoriser le développement de simulations à partir de données préimplémentées ou de précédents cas d'usage, en intégrant les contraintes réglementaires (plans locaux d'urbanisme...)?;
- optimiser les plans (récolement, synthèse, constitution de DOE facilitée grâce aux casques connectés, création d'un double virtuel...)?;
- améliorer la connaissance des sols et sous-sols (composition, réseaux...)?;
- s'assurer, grâce à des capteurs, que la formulation du béton s'est conservée dans le temps?;
- faciliter la réalisation d'opérations délicates ou dangereuses : aides à la précision à partir de lunettes connectées ou grâce à des robots qui pourraient intervenir sur des espaces présentant des risques (chantiers de désamiantage, par exemple)?;
- faciliter la tâche des chefs de chantier qui, confrontés à une difficulté, pourraient interroger une IA (entraînée avec de nombreux cas d'usage et retours d'expérience) par le biais d'un logiciel de dialogue naturel (chatbot)?;
- mieux gérer les approvisionnements de chantier?;
- retranscrire en direct des comptes rendus de chantiers énoncés oralement?;
- permettre de mieux maîtriser ou d'anticiper les aléas ou les risques de chantier (temps, budgets, défaillances...) et, de manière générale, améliorer la coordination (ordonnancement, planning, chemin critique, recalage automatique...) des différents corps d'état?;
- alerter lorsqu'un compagnon réalise un mauvais geste pour sa santé (moins d'accidents du travail), ou doter par exemple les travailleurs isolés de chaussures connectées (capacité à reconnaître des situations où la personne est en difficulté)?;
- inspecter les chantiers avec des robots et des drones (détection de malfaçons, suivi de la progression des travaux)?;
- prédire les comportements de matières (dureté du béton), de pièces ou de points d'usure avec des capteurs vibratoires, par exemple, et permettre une meilleure gestion de la maintenance d'équipements (maintenance prédictive ou proactive, voire automatisée à distance dans certains cas)?;
- prédire le volume quotidien de déchets sur un chantier?;
- réduire les réserves à la livraison en travaillant sur les processus de coordination.
Plus qu’une révolution technologique, c’est une révolution culturelle que les entreprises vont devoir affronter avec l’arrivée de l‘IA.
La donnée devient un actif immatériel à valoriser pour se moderniser, gagner en agilité et être compétitif dans l’ère numérique.
Il est important que les entreprises puissent être accompagnées dans leur démarche de transition numérique et que soit financée la formation des compagnons. L’environnement législatif doit être facilitateur.
Exploitation et maintenance des bâtiments
- Améliorer la qualité de l'air et le confort intérieur des locaux (logements, bureaux, bâtiments administratifs, équipements publics, entrepôts...) grâce aux objets connectés?;
- mieux anticiper les pathologies du bâtiment et/ou le service après-vente (SAV), voire être en mesure d'analyser la sinistralité (analyse des données liées aux sinistres) et créer un outil de prévention des risques du bâtiment?;
- optimiser la gestion des ressources (eau, air) et des énergies (gaz, fioul, bois, charbon, vapeur, électricité, énergies renouvelables).
Opérations en amont, besoins et chiffrages
- Mieux qualifier les besoins des clients et des demandes entrantes, ou aider à la mise en place de configurateurs de devis pour une réponse plus rapide?;
- gérer les réponses courantes aux clients (confirmation de dates d'intervention, planning, relance de devis...)?;
- accompagner la prise de décisions (aider à réaliser des choix objectifs)?;
- rechercher et identifier les prospects (marketing ciblé)?;
- gérer les appels d'offres, grâce au traitement automatique du langage naturel (NLP), en extrayant et classifiant des informations des documents?;
- alerter en matière de facturation et de comptabilité.
Gestion des compétences, recrutement et gestion d'entreprise
- Améliorer le processus de recrutement de talents adaptés aux besoins?;
- adapter les formations et fidéliser le personnel?;
- reconnaître les pièces comptables, gérer des alertes?;
- gérer les questions de maintenance interne à l'entreprise (parcs de véhicules ou autres matériels), etc.
L'émergence de la commande vocale pourrait aussi révolutionner les pratiques : certains prédisent déjà qu'elle va conduire à la fin des interfaces graphiques pour certains usages (fin des modes d'emploi papier livrés avec les chaudières ou autres appareils électriques, par exemple) et que des interactions seront possibles avec des objets sans avoir recours à des écrans de smartphone notamment.
Pour aller plus loin
Vous pouvez télécharger le rapport de la FFB Intelligence artificielle et bâtiment.
Comprendre, anticiper et agir : des opportunités pour la profession sur le site Internet de votre fédération, dans l’espace adhérent.