Pour diminuer son empreinte carbone, la filière béton a décidé de concentrer ses efforts sur le ciment, qui représente les trois quarts des émissions du béton armé. Pour réduire le premier tiers des émissions du ciment, la filière entend agir sur sa fabrication, en remplaçant le combustible fossile utilisé par des déchets contenant de la biomasse (10 % de réduction environ), et en optimisant l’efficacité énergétique des process (3 %). Elle entend aussi réduire la part de clinker dans le ciment (11 % de réduction des émissions), atteignant ainsi l’objectif de 24 % d’émissions économisées par tonne de ciment en 2030, conformément à la feuille de route publiée par le Syndicat français des industries cimentières (SFIC) en mai 2021(1).
La réduction de la part de clinker dans le ciment est déjà une réalité. « Historiquement, les ciments contenaient tous au minimum 65 % de clinker, mais deux nouvelles normes européennes, la EN 197-5 et la EN 197-6, la première publiée en 2021 et la seconde attendue début 2023, permettent de réduire ce pourcentage de 64 % au maximum jusqu’à 35 % », explique Laurent Izoret, directeur délégué Produits, Applications & Recherches au SFIC. La première de ces normes entérine l’arrivée de ciments nouveaux, dits « ternaires » (en dehors des ciments CEM V actuels), dans lesquels le clinker est associé à deux autres composants déjà connus, comme le laitier de haut-fourneau, les cendres volantes, les pouzzolanes naturelles calcinées ou le calcaire, et qui sont promis à un bel avenir. Quant à la seconde, elle introduit, pour la première fois depuis 1994, un composant nouveau, les fines de béton recyclées, qui font entrer le ciment dans l’économie circulaire.
Mais le chantier le plus important reste la réduction du CO2 lié aux émissions « fatales », issues de la réaction chimique au moment de la fabrication du ciment, qui représentent les deux tiers des émissions totales de cette industrie et exigent des technologies de rupture. Ainsi, plusieurs projets sont déjà lancés pour la mise au point de procédés de captage et de stockage du CO2 émis à la source par les cimenteries, à l’échelle européenne et avec le soutien de fonds européens et des pouvoirs publics. « Il s’agit d’un chantier complexe, qui nous amène à concevoir des infrastructures de compression et d’acheminement, soit pour stocker durablement le carbone, soit en prévoyant de le réutiliser, par exemple en le mélangeant avec de l’hydrogène pour en faire un carburant non fossile, explique Laure Hélard, déléguée générale du SFIC. Ce type de solution est un passage obligé pour pouvoir atteindre les 80 % de réduction de CO2 ambitionnés à terme. »
Ces solutions exigeant des investissements lourds et l’utilisation d’une énergie décarbonée bénéficieront du dispositif de la taxe carbone – mis en test en octobre 2023 pour une entrée en vigueur en 2026 ou 2027 – qui permettra au ciment produit en Europe de rester compétitif par rapport aux importations en provenance de pays extérieurs à l’Union.
En parallèle, la quête de solutions bas carbone innovantes se poursuit, notamment en France, avec une R & D active par exemple sur l’optimisation des activateurs de prise du béton, ou encore la carbonatation accélérée des granulats de béton recyclé. Qu’il s’agisse de solutions à court ou à long terme, la filière ciment et béton est engagée sur le chemin de la décarbonation, répondant ainsi à la RE 2020 qui fixe la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments à 35 % en 2030, et visant la neutralité carbone en 2050.
(1) https://www.conseil-national-industrie.gouv.fr/actualites/comites-strategiques-de-filiere/construction/decarbonation-la-feuille-de-route-de-la-filiere-ciment-horizon-2030-et-2050