« Les exosquelettes appartiennent à la grande famille des dispositifs d’assistance physique (DAP), avec pour particularité d’être directement revêtus par les salariés pour épouser leurs gestes. Sachant que la majorité d’entre eux, actuellement disponibles sur le marché, sont passifs, c’est-à-dire non motorisés », explique Pascal Girardot, responsable du domaine « Prévention de l’usure professionnelle » à l’OPPBTP. Et de poursuivre : « Plusieurs métiers du BTP s’intéressent de près aux exosquelettes. C’est le cas des peintres et des maçons, mais aussi des électriciens, des plaquistes ou encore des couvreurs, essentiellement pour leurs travaux contraignants réalisés les bras en hauteur. »
Toutefois, malgré cette appétence pour les exosquelettes, dont les prix varient de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros selon la technologie utilisée, moins d’un pour cent des entreprises du bâtiment en sont aujourd’hui équipées. Il faut dire que ces nouveaux dispositifs posent de nombreuses questions, et qu’il n’est pas toujours facile pour les entreprises de faire le bon choix face à une offre de plus en plus abondante, parfois présentée, à tort, comme apportant des solutions clé en mains. Trop souvent l’investissement dans un exosquelette se solde par un échec, faute d’une étude préalable ciblée sur les besoins réels de l’entreprise et les conditions d’usage des bénéficiaires du dispositif d’assistance. La démarche d’appropriation d’un exosquelette ne doit pas non plus être négligée, alerte Pascal Girardot : « L’exosquelette est un outil bien particulier qui modifie le schéma corporel de celui qui le porte, sa méthode de travail, voire sa charge mentale. »
Pour éviter de faire fausse route et pour accompagner les chefs d’entreprise vers des dispositifs d’assistance efficaces et adaptés, la FFB Nouvelle-Aquitaine et la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) Aquitaine ont signé en septembre 2022 une convention de partenariat, en collaboration avec l’OPPBTP. Son objectif : engager une action expérimentale permettant à cinq entreprises du bâtiment de Nouvelle-Aquitaine de bénéficier d’un accompagnement technique et financier dans le choix, la conception et l’acquisition d’un exosquelette.
Parmi les cinq entreprises accompagnées, la Société de Charpente Agenaise (SCA), dirigée par Pascal Mel, fait figure de pionnière. Avant même de s’engager dans le dispositif régional partenarial, cette entreprise avait déjà mis en place un audit, au sein d’une démarche Lean, pour trouver des pistes permettant d’améliorer les conditions de travail de sa quinzaine de salariés. « Face à de fréquents arrêts de travail justifiés par des problèmes de dos, je me suis intéressé aux exosquelettes. Mais, je ne voulais pas y aller n’importe comment pour ne pas créer de faux espoirs, ni investir inutilement. En pratique, un ergonome est intervenu pour étudier deux de nos activités, la pose de couverture et la fabrication d’ossatures bois, chacune nécessitant des efforts musculaires importants et des postures contraignantes », raconte Pascal Mel. Et d’ajouter : « Pour consolider notre démarche initiale, nous avons décidé d’intégrer le partenariat FFB/Carsat. Dans ce cadre, nous avons conçu une maquette de charpente de 30 m² pour pouvoir tester un exosquelette en situation réelle. Et nous avons aussi filmé cette expérimentation à l’aide d’un drone pour analyser finement chaque geste. »
La prochaine étape pour l’entreprise SCA consistera à renseigner des fiches de suivi sur plusieurs mois pour déterminer l’apport des exosquelettes, leurs limites et leurs éventuels écueils, comme le report de charges sur d’autres endroits du corps. La multiplication des expérimentations in situ sur les exosquelettes devrait permettre à l’ensemble de la filière du BTP de mieux appréhender cette solution facilitatrice sur les chantiers.