Sur environ trois mille grues en utilisation quotidienne, « il y a un peu moins d’une dizaine d’événements majeurs – à savoir, un effondrement qui nécessite l’intervention des secours », informe Manuel Martin, responsable du domaine « Gros Œuvre » à la direction technique de l’OPPBTP. Un chiffre constant d’année en année. Sauf qu’en 2022 l’organisme de prévention a alerté l’UMGO-FFB (Union de la Maçonnerie et du Gros œuvre) « face à une recrudescence d’accidents dus notamment à une problématique de stabilité de fondation », indique Pascal Michaud, président de la commission Prévention de l’UMGO-FFB.
Chantiers en ville avec des accès parfois compliqués, bâtiments conçus à partir d’éléments préfabriqués lourds à manipuler : « Parfaitement adaptées à nos métiers et à leurs contraintes, les grues à tour sont utilisées par de plus en plus d’ETI, TPE, et PME. Néanmoins, elles demandent de nombreuses précautions, des contrôles et des connaissances pour bien les dimensionner et bien les implanter », précise le président de la commission Prévention. D’autant que les types d’accidents sont identifiés, comme le rappelle le responsable de l’OPPBTP : « Ils peuvent être liés à l’environnement – la présence trop proche d’une autre grue, d’un autre engin de chantier – ou à une erreur d’appréciation du grutier. Ils peuvent être provoqués par une mauvaise utilisation ou un mauvais calcul des capacités de levage. Par ailleurs, si les bulletins météo permettent d’alerter les chantiers afin d’arrêter les grues, et ainsi de les sécuriser, des vents violents qui dépassent les modèles historiques de Météo France peuvent provoquer leur chute. Malheureusement, parfois, la grue peut être en service à ce moment-là. »
Un mémo suivi d’un guide d'implantation de grue à tour
Autre aspect de l’implantation d’une grue à tour en sécurité : « Il existe toute une réglementation qui doit être appliquée et contrôlée, ajoute Pascal Michaud. Mais les chefs d’entreprise qui n’ont pas l’habitude d’installer des grues ne sont pas au fait de ces obligations, qui, de plus, sont éparses. » Raison supplémentaire pour laquelle l’OPPBTP et l’UMGO-FFB se sont réunis « afin d’établir un process qui appréhende les problématiques de levage et pour garantir que la grue soit bien dimensionnée et utilisée dans des conditions de sécurité maximale », reprend Manuel Martin.
Ce process a pris aujourd’hui la forme d’un mémo et fera l’objet, au premier semestre 2023, d’un guide. « Ces documents ont été pensés pour rendre accessible l’ensemble des réglementations et des outils dans un même support, souligne le responsable OPPBTP. Nous avons souhaité apporter une réponse opérationnelle à des chefs d’entreprise qui peuvent être perdus au moment de choisir une grue à tour. » Et qui parfois choisissent un engin de levage par défaut, « parce qu’ils sont habitués à utiliser tel modèle ou parce qu’il est disponible dans leur parc de matériel. Mais il faut la bonne grue au bon endroit et au bon moment ».
Le point de départ de ce mémo et du prochain guide est d’abord d’aider le chef d’entreprise et son encadrement à identifier leurs besoins et à examiner l’adéquation des charges. « La capacité de la grue doit être définie selon l’environnement du chantier, l’exposition au vent – en plus de la charge en bout de flèche, sa prise au vent peut mettre la grue en insécurité –, le terrain, les fondations de l’engin de levage. Même si une grue à tour est auto-stable, il peut être nécessaire, en fonction de son environnement et de la nature du sol, de l’ancrer et de la sécuriser », précise Manuel Martin.
Sachant que, le plus souvent, les entreprises « ont recours à des petites grues assez agiles et ne prennent pas suffisamment de recul pour réaliser l’examen d’adéquation des charges ; elles posent leur grue sur des plaques de répartition, et la plupart du temps tout se passe bien ». Jusqu’au jour où… « Ces questions de dimensionnement des fondations, d’adéquation des charges, ou encore d’analyse du site par rapport à l’exposition au vent sont très importantes, appuie Pascal Michaud. Outre l’étude des sols qui peut être fournie par le maître d’ouvrage, des bureaux d’études sont compétents pour calculer les fondations de la grue selon la capacité requise par rapport aux charges à porter, aux effets de site et aux éventuelles interférences. »
L’importance des contrôles externes de grue à tour
Le mémo élaboré par l’OPPBTP et l’UMGO-FFB est aussi là pour rappeler « qu’il existe des rapports de bureaux de contrôle pour valider toutes ces étapes », informe Manuel Martin. Le contrôle externe est le meilleur moyen pour l’employeur de s’assurer que les grues sont bien configurées et bien installées sur son chantier. « Le chef d’entreprise doit s’assurer du bon montage de la grue à tour, et les missions de contrôle sont un moyen de garantir la validation de toutes les étapes et de répondre à l’obligation de sécurité », précise-t-il. D’autant que, parfois, des raccourcis périlleux peuvent être opérés pour des raisons de délais, « en installant par exemple des grues sur des bétons qui ne sont pas assez matures, indique Manuel Martin. Pour assurer la stabilité, les fondations doivent être résistantes. Le jour de la réception de la grue, le bureau de contrôle va vérifier son bon montage en faisant des essais statiques et dynamiques. Des coefficients de charge et de durées sont appliqués en fonction des capacités des machines ».
L’intervention d’un bureau de contrôle, qui représente un coût modeste pour l’entreprise, doit être intégrée dans le délai. « Réglementairement, si la grue n’a pas été vérifiée, elle ne peut pas être utilisée. Ce contrôle est aussi une assurance », martèle le président de la commission Prévention de l’UMGO-FFB, qui souligne également l’importance du facteur humain : « D’une part, une grue sur un chantier signifie qu’elle est manipulée par un grutier, détenteur d’une autorisation de conduite [cf. dispositif du Caces]. D’autre part, lors des opérations de levage, il faut maîtriser les procédures de communication par gestes entre le grutier et le personnel de chantier. Les grutiers font partie des personnels rares. Parfois, on peut être amené à faire appel à un opérateur peu expérimenté. En plus d’une implantation en sécurité, il faut rester vigilant avec une personne qui débute. » D’autres règles liées à la sécurité lors de l’utilisation d’une grue à tour feront, elles aussi, l’objet d’une prochaine parution.