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Reconstruction de la flèche de Notre-Dame de Paris : défis techniques relevés par les charpentiers
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L’alliance inédite de quatre charpentiers
Fait inédit dans l’histoire du patrimoine : quatre entreprises de charpente habituellement concurrentes ont uni leurs compétences pour relever le défi de la reconstruction de Notre-Dame. « Pour répondre à un appel d’offres avec un tel niveau d’exigence technique et des délais aussi courts, il faut les meilleurs charpentiers du territoire et des moyens logistiques considérables.
La seule option envisageable était d’unir nos forces pour progresser main dans la main », explique Julien Le Bras. Entre ces entrepreneurs passionnés, l’alchimie a été immédiate.
« Le premier challenge était d’apprendre à travailler avec des entreprises concurrentes que l’on ne connaissait pas, dès l’appel d’offres. Mais cela s’est fait très naturellement », souligne Édouard Neil, directeur d’agence au sein de MDB – Métiers du Bois. Pour réussir ce groupement original, les charpentiers ont élaboré un guide des bonnes pratiques en amont de l’appel d’offres, avec des règles simples.
« Nous nous sommes notamment engagés à ne pas débaucher les salariés des autres entreprises et à toujours nous exprimer au nom du groupement et non de façon individuelle », précise François Asselin.
Une éventuelle rivalité s’est estompée très vite pour laisser place à l’intelligence collective. « Nous avons mené ce projet tous ensemble comme si nous formions une seule et même entreprise. Nous avons mélangé les compagnons et les ateliers, partagé les techniques, les petites astuces…
Les choses se sont faites naturellement. C’est une aventure humaine extraordinaire », conclut Aurélien Lefevre.
Le choix du bois, enjeu majeur de la reconstruction
Premier défi de taille pour ces professionnels : contrôler et sélectionner toutes les pièces de bois de la charpente, en éliminant celles dont les défauts pourraient nuire à la structure. La flèche qui culmine à près de 100 m de hauteur est en effet la partie la plus haute de l’édifice, et donc la plus exposée.
« Les bois évoluent : ils vont sécher au fur et à mesure des décennies, ce qui signifie que les sections vont se rétracter et que les mécanismes de transfert des charges vont évoluer. Nous devions donc réussir à concevoir une charpente qui soit structurellement conforme au moment où nous allions la poser, mais qui sache aussi évoluer dans le temps », précise Julien Le Bras, P.-D. G. du groupe Le Bras Frères.
À cela s’ajoutent des contraintes de poids. « Au total, 400 t de chêne vont reposer sur la croisée des transepts. Pour intégrer les déformations à venir dans la reconstruction, nous avons dû faire appel à une ingénierie de très haut vol, avec des difficultés magistrales au niveau de la technique d’assemblage. C’est certainement l’ouvrage de charpente de monuments historiques le plus complexe que l’on ait pu réaliser à l’échelle de notre génération de charpentiers », ajoute François Asselin, président de l’entreprise Asselin.
Le défi du calcul des assemblages
Tels des enquêteurs, les charpentiers du groupement ont mené un important travail de recherche historique en étudiant les nombreuses archives des plans de la flèche à leur disposition, complétant ainsi la mission réalisée en amont par les architectes en chef des monuments historiques, maîtres d’œuvre, pour concevoir le dossier nécessaire à la consultation.
Objectif : « lire » la charpente, c’est-à-dire comprendre comment elle a été construite et comment les assemblages fonctionnaient à l’époque afin de retracer les épures, la forme de la flèche et la géométrie, sans pour autant tout reproduire à l’identique.
« En relation permanente avec l’équipe de maîtrise d’œuvre, nous avons modifié certains assemblages pour intégrer les règles de calcul et les normes actuelles qui ne sont pas les mêmes qu’il y a cent cinquante ans. Nous avons également adapté l’ouvrage aux nouvelles conditions climatiques d’aujourd’hui et de demain pour assurer sa pérennité.
On sait que dans cinquante ans, le vent et les tempêtes seront encore plus forts », explique Aurélien Lefevre, directeur général de Cruard Charpente.
Chaque assemblage a ensuite été calculé et dessiné en 3D via un bureau d’études. « Les assemblages de charpente bois-bois de Notre-Dame comportaient parfois plus de vingt pièces venant se croiser, ce qui a nécessité un travail de traçage et de taille de charpente au sommet des exigences techniques du métier de charpentier », poursuit Julien Le Bras.
Une façon de perpétuer et de faire rayonner les savoir-faire ancestraux comme le trait de charpente, classé patrimoine mondial à l’Unesco. « Aujourd’hui, les charpentes sont souvent conçues par des robots.
Le chantier de Notre-Dame nous permet de transmettre à nos apprentis des techniques anciennes comme le traçage des épures, le lignage et le piquage à la main », se réjouit Édouard Neil, directeur d’agence au sein de MDB – Métiers du Bois.
La totalité de la charpente de la flèche de la cathédrale sera reconstruite d’ici la fin 2023, avec une réouverture de l’édifice au public annoncée pour le 8 décembre 2024.
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