C’est l’un des emblèmes de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques). Surplombant l’océan à l’extrémité nord de la plage du centre-ville, l’hôtel du Palais est l’un des trente et un « palaces » français, le seul à appartenir à une commune. Construit en 1854 pour l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, l’établissement, initialement baptisé « villa Eugénie », a subi plusieurs modifications au cours de son histoire. Transformé en hôtel de luxe en 1903 après avoir été ravagé par un incendie, le bâtiment formant le « E » d’Eugénie dans un plan se distingue par son style architectural, mêlant notamment les influences des styles Second Empire et néo-Louis XIII. Le riche décor intérieur rappelle, quant à lui, le faste du couple impérial.
Une rénovation alliant tradition et modernité
Vieillissant et inadapté aux standards internationaux de l’hôtellerie de luxe, l’établissement cinq étoiles nécessitait d’être modernisé. C’est ainsi que d’importants travaux de rénovation ont été menés en trois phases réparties sur quatre années, d’octobre 2018 à juin 2022, dont une pause à l’été 2019 pour accueillir les chefs d’État à l’occasion du G7. Le maître d’ouvrage avait confié la rénovation en entreprise générale à Eiffage Construction. Au total, les 154 chambres, les espaces d’accueil et l’ensemble du sous-sol accueillant les services de l’hôtel ont été refaits à neuf, l’entreprise Pradeau Morin (filiale d’Eiffage Construction) se chargeant de restaurer les façades et les toitures, inscrites aux monuments historiques. La façade en briques, soumise aux assauts salés des embruns marins, a subi un décapage complet avant de retrouver son éclat grâce à la mise en œuvre de 15 000 litres de peinture.
La création de deux colonnes de faux marbre
C’est dans le hall d’accueil, modifié pour créer un accès supplémentaire à la terrasse, que se trouve l’une des plus belles prouesses techniques du chantier. Afin de respecter l’esprit des lieux, il fallait que la nouvelle ouverture forme une symétrie parfaite avec l’existant. Deux majestueuses colonnes de marbre devaient ainsi être reproduites à l’identique. Problème : le filon de ce marbre vert veiné – le « vert campan » que l’on retrouve au château de Versailles –, issu d’une carrière pyrénéenne, était épuisé. Estimant que la mise en œuvre d’un autre type de marbre n’aurait pas permis la reproduction à l’identique des colonnes existantes, les maîtres d’œuvre – les architectes Didier Beautemps et Valeria Sanchez de l’Atelier COS, à Paris – décidèrent de confier leur réalisation à… un peintre décorateur !
Des textures de matières imitées à la perfection
« Mon métier consiste à imiter à la perfection toutes sortes de matières comme la rouille, le bois ou, en l’occurrence, le marbre », explique Lyonel Barraquet, peintre décorateur de renom, élu Meilleur Ouvrier de France (MOF) en 2019 et choisi par Eiffage Construction pour réaliser ce trompe-l’œil. Ce marbre particulier, Lyonel Barraquet – qui est aussi salarié à plein temps de l’hôtel pour les travaux de restauration courants (voir encadré) – le connaît bien : « Le travail que j’avais réalisé pour le concours d’obtention de mon titre de MOF comportait un panneau en vert campan, j’ai donc pu m’entraîner de longues heures sur ce motif décoratif. » Cet entraînement n’aura pas été vain. « Quand on me regarde faire, on croit que c’est facile. » Évidemment, il n’en est rien. Le peintre décorateur est un virtuose. Ses talents ont notamment pu s’exercer à Paris pendant huit ans, au sein de l’atelier des artisans du patrimoine Bénart & Daugert, et à New York pendant deux ans, où il a œuvré à la décoration de l’intérieur de nombreuses célébrités.
Le peintre utilise un pinceau à deux mèches, qu’il fait virevolter et pivoter dans sa main de droite à gauche pour créer des motifs en « crochets » qui reproduisent à l’identique les veinures naturelles du marbre. Au final, dix jours de travail ont été nécessaires à Lyonel Barraquet pour couvrir l’intégralité des deux imposantes colonnes de staff de cinq mètres de hauteur. « Avec leur finition en vernis satiné, l’illusion est parfaite, même lorsque vous vous rapprochez ! » assure-t-il.
Fausses moulures et faux bois pour les portes d’ascenseur
Au cours d’une deuxième phase de travaux, le savoir-faire de cet artisan d’art a de nouveau été sollicité. Il s’agissait cette fois-ci de couvrir sur cinq étages les portes de l’ascenseur du hall d’honneur d’un trompe-l’œil composé de fausses moulures et de faux lambris en bois de noyer. « Le décor était identique sur tous les étages, mais j’ai fait quelques petites variations en répartissant notamment de manière aléatoire et donc “naturelle” les nœuds dans le bois », confie le peintre décorateur. À raison de cinq jours en moyenne par porte, un peu plus de trois semaines ont été nécessaires à celui qui n’utilise que des peintures acryliques – « parce qu’elles sèchent rapidement, sont résistantes et ne jaunissent pas avec le temps » – pour achever son œuvre.