Une 2ème ordonnance1 vient de prendre d’autres mesures temporaires (jusqu’au 31/12/2020) pour
tenter d’éviter les dépôts de bilan : renforcement et accélération des procédures, allongement des
délais de paiement, privilège supplémentaire accordé aux nouveaux soutiens financiers, notamment
I – Renforcement de l’alerte
Un commissaire aux comptes, désigné dans une société, dispose d’un droit d’alerte lorsqu’il constate
l’existence de difficultés financières dans un contexte dégradé de l’entreprise. Il doit respecter une
procédure d’alerte en plusieurs étapes, auprès du dirigeant et constater sa réponse ou l’inefficacité
apparentes des mesures prises avant de réitérer ses demandes et d’informer le Président du tribunal
de commerce.
L’ordonnance du 20 mai 2020 accorde aux commissaires aux comptes, la possibilité d’informer le
président du tribunal de commerce dès sa 1ère demande de justification auprès du dirigeant qui
resterait silencieux ou déciderait des mesures très insuffisantes, malgré l’urgence de la situation.
Le CAC est délié de son secret professionnel vis-à-vis du président du tribunal.
II – Procédure de conciliation plus efficace
La nature de la procédure de conciliation est temporairement affectée par ces nouvelles dispositions :
essentiellement amiable et contractuelle, la conciliation pourra, éventuellement, revêtir un aspect
judiciaire : lorsqu’un créancier, appelé à la conciliation, n’accepte pas la suspension de l’exigibilité de
sa dette demandée par le conciliateur, le débiteur, et cela est nouveau, peut saisir le président du
tribunal d’une requête tendant à :
- Interrompre ou interdire toute action judiciaire en paiement ou en résolution de contrat de la part
de ce créancier,
- Arrêter ou interdire toute procédure d’exécution de la part de ce créancier,
- Obtenir le report ou l’échelonnement des sommes dues.
Les observations du conciliateur sont jointes à la requête, de façon à renforcer le bien- fondé des
demandes et la viabilité de la situation du débiteur.
Ces mesures sont valables pendant toute la durée de la conciliation.
Il s’agit effectivement, de donner une « bouffée d’oxygène » temporaire au débiteur, mais cela aboutit
à faire pression sur les créanciers qui refusent d’accorder des délais, puisqu’ils risquent de subir une
procédure pour les y obliger. Le risque est de créer un effet « domino » sur les différents acteurs
économiques, qui vont pâtir eux-mêmes des délais de paiement décidés par le juge.
Par ailleurs, le débiteur peut demander des délais de paiement au juge qui a ouvert la procédure de
conciliation, avant même d’être mis en demeure ou poursuivi par un créancier qui n’a pas accepté la
demande du conciliateur de suspendre l’exigibilité de sa dette, ce qui anticipe et accélère le processus
d’obtention de délais en faveur du débiteur.
III – Extension de la procédure de sauvegarde accélérée
Cette procédure permet, en conciliation, de faire accepter un plan de sauvegarde dans des délais
accélérés. Elle est réservée en principe aux entreprises ayant plus de 20 salariés, réalisant un CA H.T.
supérieur à 3 millions d’euros et ayant un bilan d’au moins 1,5 millions d’euros. Ces seuils sont
temporairement abandonnés, ce qui permet le recours à la procédure de sauvegarde accélérée par
toutes les entreprises.
IV – Réduction de certains délais
Les créanciers qui ont déclaré leurs créances disposent en général de 30 jours pour répondre aux
demandes de délais ou de remises formulées par l’administrateur judiciaire.
Ce délai de réponse est réduit à 15 jours jusqu’au 31/12/2020.
A l’occasion de son engagement à apurer son passif, le débiteur doit fournir une attestation de l’expert-
comptable ou du commissaire aux comptes.
V- Prolongation de la durée des plans
Sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, le tribunal peut prolonger la
durée du plan arrêté, de 2 ans maximum. Les délais de paiement sont alors adaptés à la nouvelle durée.
Les plans, nouvellement arrêtés, peuvent donc avoir une durée de 12 ans (ou 17 ans en matière
agricole).
En cas de demande de modifications substantielles du plan, le défaut de réponse des créanciers
intéressés, à la lettre recommandée du greffier, pour qu’ils donnent leur avis, vaut acceptation, sauf
s’il s’agit de remises pures et simples de dettes ou de conversions en titres donnant accès au capital
du débiteur.
Un nouveau privilège d’apport de trésorerie est créé : « Les personnes qui consentent un nouvel
apport de trésorerie au débiteur pendant la durée d’observation, en vue d’assurer la poursuite de
l’activité de l’entreprise, et sa pérennité, et celles qui s’engagent, pour l’exécution du plan de
sauvegarde ou de redressement judiciaire arrêté ou modifié par le tribunal à effectuer un tel apport,
bénéficient d’un privilège de sauvegarde ou de redressement dans la limite de leur apport. »
Les apports consentis pendant la période d’observation sont autorisés par le juge-commissaire dont la
décision est mentionnée sur le registre dressé à cet effet, avec l’identité des auteurs et montants de
l’apport. Le jugement qui arrête ou modifie le plan mentionne chaque nouveau privilège et précise les
montants garantis.
Les nouveaux apporteurs sont payés après les créances salariales mais avant toutes les autres, et ne
peuvent subir de remises ou de délais sans leur acceptation.
VI – Extension de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée
Cette procédure peut être appliquée à tous entrepreneurs personnes physiques n’ayant pas de
patrimoine immobilier et ayant pu avoir eu plus de 5 salariés pendant les 6 derniers mois (au lieu d’un
seul auparavant). Si le tribunal en refuse le bénéfice, il doit motiver spécialement sa décision.
Pour bénéficier du rétablissement professionnel, la valeur de l’actif est estimée à 15 000 € et non plus
5 000 €.
VII – Réduction de la durée de la publicité des jugements
Sont radiées des jugements les mentions relatives aux plans de sauvegarde et de redressement à
l’expiration d’un délai d’un an et non plus de 2 ans.
VIII – Application dans le temps
La plupart de ces mesures dérogatoires perdurent jusqu’au 31 décembre 2020.
Elles sont toutes applicables aux procédures en cours, sauf en ce qui concerne l’extension de la
procédure de sauvegarde accélérée, le nouveau privilège de new money, l’extension de la procédure
de liquidation judiciaire simplifiée ainsi que la réduction du délai de radiation des mentions au greffe
du RCS.
Certaines mesures spécifiques sont applicables jusqu’à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance
« solvabilité », prévue par la loi PACTE, et, au maximum jusqu’au 17 juillet 2021 : il s’agit des mesures
portant sur :
-
La procédure de sauvegarde accélérée,
- Le nouveau privilège de new money,
- La liquidation judiciaire simplifiée
IX - Adaptation de l’ordonnance du 27 mars 2020
Jusqu’au 23 août 2020, l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation
du débiteur à la date du 12 mars 2020.
La durée des procédures de conciliation est prolongée de 3 mois (donc 4 ou 5 mois + 3 mois de
prorogation maximum)
Jusqu’au 23 juin 2020 seulement :
- la période d’observation ne fait l’objet que d’une seule audience au lieu de deux, la 2ème ayant lieu
traditionnellement 2 mois après le prononcé du jugement d’ouverture,
- les actes par lesquels le débiteur saisit la juridiction sont remis au greffe par tout moyen. Lorsque
la procédure relève de sa compétence, le président du tribunal peut recueillir les observations du
débiteur par tout moyen. De même les contacts entre greffe, administrateur, mandataire et
organes de la procédure, se font par tout moyen. Cela permet d’effectuer ces actes par voie
dématérialisée.
Jusqu’au 23 août 2020, sont prolongées de 3 mois, lors de leur prononcé, les durées de la période
d’observation, du plan, du maintien de l’activité et la durée de la procédure de liquidation judiciaire
simplifiée.