Alors que les coûts moyens de production dans le bâtiment (BT01 de l’Insee) progressaient déjà de 5,4 % entre décembre 2020 et décembre 2021 (deux fois plus que l’inflation générale), puis encore de 6,7 % sur les sept premiers mois de 2022, la fragilisation qui s’en suit des trésoreries de nombre d’artisans et entreprises constitue une sérieuse menace pour le secteur, donc pour ses emplois. D’où la forte mobilisation de la FFB pour obtenir une réelle solidarité de filière et un réel accompagnement public.
Les index BT, calculés par l’Insee, permettent de suivre l’évolution de l’ensemble des coûts dans le bâtiment. Les plus généralistes de ces index, à savoir le BT01 (travaux de bâtiment tous corps d’état) et BT50 (rénovation-entretien tous corps d’état), affichent de fortes hausses, soit +12,4 % et +8,7 % entre décembre 2020 et juillet 2022. De fait, il faut remonter au milieu des années 2000 (phase de forte reprise) pour relever de telles évolutions.
Certains types de travaux affichent des progressions encore plus exceptionnelles, comme l’indiquent les index suivants :
- BT07 (ossature et charpentes métalliques) : + 55,0 % (et + 15,1 % sur les sept premiers mois de 2022)
- BT28 (fermeture de baies en métal ferreux) : + 38,3 %
- BT27 (fermeture de baies en aluminium) : + 38,1 %
- BT42 (menuiserie en acier et serrurerie) : + 25,2 %
- BT52 (imperméabilité de façades) : + 24,5 %
- BT43 (menuiserie en alliage d’aluminium) : + 23,8 %
- BT49 (couverture et bardage en tôles d’acier revêtement avec revêtement étanchéité) : + 20,8 %
- BT53 (étanchéité) : + 20,5 %
- BT34 (couverture en zinc et métal –sauf cuivre) : + 17,1 %
- BT35 (couverture en bardeaux bituminés d’asphalte) : + 17,1 %
Et c’est bien l’évolution des coûts des matériaux qui expliquent ces envolées. L’autre composante importante, le coût de la main d’œuvre, ressort encore assez stable et la consommation directe d’énergie pèse globalement peu dans le bâtiment.
Or, la guerre de l’énergie en Europe se traduit par une explosion des prix du gaz et de l’électricité, respectivement de 115,5 % et 113,7 % entre la fin mai et la fin septembre 2022. La production de nombre de matériaux recourant à ces énergies (aluminium, acier, cuivre, verre, tuiles, céramique, ciment, …), leur prix ne peut que connaitre une nouvelle accélération en septembre. On ne dispose pas encore de données consolidées sur septembre 2022, mais les remontées de terrain s’inscrivent toutes bien dans ce sens, après une accalmie relative en août.
Pire encore, certains industriels annoncent, depuis ce même mois d’août, la fermeture de lignes de production. Ce fut d’abord le cas de fabricants de produits aluminium et zinc, puis d’aciéristes, de tuiliers, de verriers, … Plus globalement, on constate un fort allongement des délais de livraison. De fait, selon l’Insee, environ 16 % des entreprises de bâtiment de plus de dix salariés se trouvent contraintes dans leur niveau de production par cette difficulté depuis avril 2022, contre près de 3 % en moyenne de long terme. Les fermetures annoncées risquent même de provoquer des ruptures d’approvisionnement.
Effet prix et décalages de chantier, ainsi que début du remboursement du PGE pour les entreprises concernées expliquent sans doute l‘érosion des trésoreries constatée depuis le printemps 2021 dans les enquêtes de conjoncture de l’Insee, notamment pour les artisans où elle s’est transformée en véritable chute.
Le nouveau choc de prix sur l’énergie et les matériaux, conséquence directe de la nouvelle phase de guerre en Ukraine, affecte donc des entreprises de bâtiment déjà fragilisées. Et cela ne peut que se renforcer avec l’inflation générale, qui commence à se traduire en hausse importante de salaires.
C’est pourquoi la FFB continue de se battre, de sorte que les entreprises ne se retrouvent plus seules à supporter cette crise. Cela passe par une indexation systématique des marchés, ainsi qu’une meilleure visibilité sur les prix et les stocks à l’amont de la filière. Cela passe aussi par un accompagnement des donneurs d’ordres, notamment via la revalorisation puis l’indexation automatique des aides (montants et barèmes). Ces demandes ont été formulées dans le cadre des Assises du BTP, qui se poursuivent.