Alors que les coûts moyens des entreprises de bâtiment (BT01 de l’Insee) affichaient une progression de 5,4 % entre décembre 2020 et décembre 2021 (deux fois plus que l’inflation générale), puis encore de 6,9 % sur les huit premiers mois de 2022, la fragilisation des trésoreries de nombre de ces structures constitue une sérieuse menace pour le secteur, donc pour ses emplois. D’où la forte mobilisation de la FFB pour obtenir une réelle solidarité de filière et un véritable accompagnement public.
Les index BT, calculés par l’Insee, permettent de suivre l’évolution de l’ensemble des coûts dans le bâtiment. Les plus généralistes de ces index, à savoir le BT01 (travaux de bâtiment tous corps d’état) et BT50 (rénovation-entretien tous corps d’état), affichent de fortes hausses entre août 2021 et août 2022, soit +7,9 % et +6,1 % (après +5,4 % et +3,9 % sur l’ensemble de 2021). De fait, il faut remonter au milieu des années 2000 (phase de forte reprise) pour relever de telles évolutions.
Indices de prix de production industrielle de quelques matériaux pour le marché français
Certains types de travaux affichent des progressions encore plus exceptionnelles, comme l’indiquent les index suivants :
- BT07 (ossature et charpentes métalliques) : + 71,9 %
- BT28 (fermeture de baies en métal ferreux) : + 32,2 %
- BT27 (fermeture de baies en aluminium) : + 36 %
- BT42 (menuiserie en acier et serrurerie) : + 27 %
- BT49 (couverture et bardage en tôles d’acier nervurés avec revêtement étanchéité) : + 26,9 %
- BT43 (menuiserie en alliage d’aluminium) : + 24,1 %
- BT52 (imperméabilité de façades) : + 23,2 %
- BT53 (étanchéité) : + 19,5 %
Et c’est bien l’évolution des coûts des matériaux qui expliquent de telles envolées. L’autre composante importante, le coût de la main d’œuvre, ressort encore assez stable, et la consommation directe d’énergie pèse globalement peu dans le bâtiment.
Or, la guerre de l’énergie en Europe, qui se traduit par une explosion des prix du gaz et de l’électricité de 115 % et 114 % entre août 2021 et septembre 2022, entre dans la production de nombre de matériaux « intensifs en énergie » (aluminium, acier, cuivre, verre, tuiles, céramique, ciment, …). Interrogés par l’Insee, les industriels indiquent donc un redressement à venir de leurs prix après le tassement observé pendant l’été.
Pire encore, certains annoncent même fermer des capacités de production depuis l’été, car ils estiment ne plus pouvoir couvrir l’envolée de leurs coûts énergétiques. C’est le cas de fabricants de produits aluminium et zinc, d’aciéristes, de tuiliers, de verreries… Plus globalement, plusieurs matériels et matériaux connaissent à nouveau un allongement des délais de livraison. De fait, selon l’Insee, près de 18 % des entreprises de bâtiment de plus de dix salariés se trouvent contraintes dans leur niveau de production par cette difficulté en octobre 2022.
Effet prix et décalages de chantier, ainsi que début du remboursement du PGE pour les entreprises concernées expliquent sans doute l‘érosion des trésoreries constatée depuis le printemps 2021 dans les enquêtes de conjoncture de l’Insee, notamment pour les artisans où elle s’est transformée en véritable chute.
Le nouveau choc de prix sur l’énergie et les matériaux, conséquence directe de la nouvelle phase de guerre en Ukraine, affecte donc des entreprises de bâtiment déjà fragilisées. Et cela ne peut que se renforcer avec l’inflation générale, qui commence à se traduire en hausse importante de salaires.
C’est pourquoi la FFB continue de se battre pour que les artisans et entreprises du bâtiment ne se trouvent plus seules à supporter les effets de ces crises successives. Cela passe par une indexation systématique des marchés, ainsi qu’une meilleure visibilité sur les prix et les stocks à l’amont de la filière. Cela passe aussi par un accompagnement des donneurs d’ordres, notamment via la revalorisation puis l’indexation automatique des aides (montants et barèmes). Cela passe enfin par l’arrêt de toute inflation règlementaire pour les prochaines années, alors que la filière et ses clients doivent déjà absorber les surcoûts associés à la RE2020 et à la REP. Ces demandes ont été formulées dans le cadre des Assises du BTP, qui se poursuivent, et, pour celles qui en relèvent, sous forme de propositions d’amendements au projet de loi de finances pour 2023.