Alors que les coûts moyens des entreprises de bâtiment (BT01 de l’Insee) affichaient une progression de 5,4 % entre décembre 2020 et décembre 2021 (deux fois plus que l’inflation générale), puis encore de 6,2 % sur les neuf premiers mois de 2022, la fragilisation des trésoreries de nombre de ces structures constitue une sérieuse menace pour le secteur, donc pour ses emplois. D’autant que l’accalmie des prix des matériaux constatée au tournant de l’été et de l’automne 2022 se trouve percutée par la nouvelle et vertigineuse envolée de ceux de l’énergie depuis la fin août et que l’inflation généralisée commence à se traduire en hausse des salaires dans le bâtiment.
Les index BT permettent d’actualiser et/ou réviser les prix des marchés de bâtiment. Publiés en novembre 2022, les plus généralistes d’entre eux, à savoir le BT01 (travaux de bâtiment tous corps d’état) et BT50 (rénovation-entretien tous corps d’état) affichent de fortes hausses, soit +7,2 % et +5,9 % entre septembre 2021 et septembre 2022, après 5,4 % et 3,9 % sur l’ensemble de 2021. De fait, il faut remonter au milieu des années 2000 (phase de forte reprise) pour relever de telles évolutions.
Indices de prix de production industrielle de quelques matériaux pour le marché français
Certains types de travaux affichent des progressions encore plus exceptionnelles, comme l’indiquent les index suivants :
- BT07 (ossature et charpentes métalliques) : + 62,9 %
- BT27 (fermeture de baies en aluminium) : + 34,5 %
- BT28 (fermeture de baies en métal ferreux) : + 33,4 %
- BT42 (menuiserie en acier et serrurerie) : + 24,8 %
- BT43 (menuiserie en alliage d’aluminium) : + 22,7 %
- BT49 (couverture et bardage en tôles d’acier nervurés avec revêtement étanchéité) : + 20,3 %
- BT52 (imperméabilité de façades) : + 22,3 %
- BT53 (étanchéité) : + 20 %
Et c’est bien l’évolution des coûts des matériaux qui expliquent de telles envolées. L’autre composante importante, le coût de la main d’œuvre, ressort encore assez stable, et la consommation directe d’énergie pèse globalement peu dans le bâtiment.
Or, la guerre de l’énergie en Europe, qui se traduit par une explosion des prix du gaz (+63 %) et de l’électricité (+176 %) entre août 2021 et octobre 2022, entre dans la production de nombre de matériaux « intensifs en énergie » (aluminium, acier, cuivre, verre, tuiles, céramique, ciment, …). Interrogés par l’Insee, les industriels indiquent donc un redressement à venir de leurs prix après le tassement observé pendant l’été.
Pire encore, certains ferment même des capacités de production, car ils estiment ne plus pouvoir couvrir l’envolée de leurs coûts énergétiques. C’est le cas de fabricants de produits aluminium et zinc, d’aciéristes, de tuiliers, de verreries… Plus globalement, plusieurs matériels et matériaux connaissent à nouveau un allongement des délais de livraison. L’enquête de l’Insee auprès des entreprises de bâtiment de plus de dix salariés révèle ainsi qu’environ 16 % se trouvent contraintes dans leur niveau de production par cette difficulté en novembre 2022.
Effet prix et décalages de chantier, ainsi que début du remboursement du PGE pour les entreprises concernées expliquent sans doute l‘érosion des trésoreries constatée depuis le printemps 2022 dans les enquêtes de conjoncture de l’Insee, notamment pour les artisans où elle s’est transformée en véritable chute.
C’est pourquoi la FFB continue de se battre pour que les artisans et entreprises du bâtiment ne se trouvent plus seules à supporter les effets de ces crises successives.
Cela passe par une indexation systématique des marchés, ainsi qu’une meilleure visibilité sur les prix et les stocks à l’amont de la filière. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a souhaité répondre à cette attente en annonçant, lors des 24h du bâtiment, la mise en place en janvier 2023 d’un observatoire du prix des matériaux. Reste à s’assurer qu’il soir à la hauteur de l’enjeu.
Cela passe aussi par un accompagnement des donneurs d’ordres, notamment via la revalorisation puis l’indexation automatique des aides (montants et barèmes), point que le ministre a également annoncé intégrer dans les assises du BTP.
Cela passe enfin par l’arrêt de toute inflation règlementaire pour les prochaines années, alors que la filière et ses clients doivent déjà absorber les surcoûts associés à la RE2020 et à la REP.