Alors que les coûts moyens dans le bâtiment (BT01 de l’Insee) progressaient de 5,4 % de fin 2020 à fin 2021 (deux fois plus que l’inflation générale), puis encore de 6,3 % sur les dix premiers mois de 2022 (un peu plus que l’inflation générale), la fragilisation des trésoreries de nombre des entreprises constitue une sérieuse menace pour le secteur, donc pour ses emplois. D’autant que la relative accalmie des prix des matériaux constatée au dernier trimestre 2022 se trouve percutée par la nouvelle et vertigineuse envolée de ceux de l’énergie depuis la fin août et que l’inflation généralisée commence à se traduire en hausse des salaires dans le bâtiment.
Les index BT permettent d’actualiser et/ou réviser les prix des marchés de bâtiment. Les plus généralistes d’entre eux, à savoir le BT01 (travaux de bâtiment tous corps d’état) et BT50 (rénovation-entretien tous corps d’état) affichent de fortes hausses, soit + 6,8 % et + 5,7 % entre octobre 2021 et octobre 2022 (dernier mois disponible), après 5,4 % et 3,9 % sur l’ensemble de 2021. Il faut remonter au milieu des années 2000 (phase de forte reprise) pour relever de telles évolutions.
Indices de prix de production industrielle de quelques matériaux pour le marché français
Certains types de travaux affichent des progressions encore plus exceptionnelles, comme l’indiquent les index suivants :
- BT07 (ossature et charpentes métalliques) : + 49,7 %
- BT27 (fermeture de baies en aluminium) : + 33,2 %
- BT28 (fermeture de baies en métal ferreux) : + 30,5 %
- BT42 (menuiserie en acier et serrurerie) : + 23,9 %
- BT43 (menuiserie en alliage d’aluminium) : + 22,2 %
- BT49 (couverture et bardage en tôles d’acier nervurés avec revêtement étanchéité) : + 22,1 %
- BT52 (imperméabilité de façades) : + 21,7 %
- BT53 (étanchéité) : + 19,6 %
Et c’est bien l’évolution des coûts des matériaux qui expliquent de telles envolées. L’autre composante importante, le coût de la main d’œuvre, ressort encore assez stable, et la consommation directe d’énergie pèse globalement peu dans le bâtiment.
Or, l’énergie, dont les prix en Europe ont explosé entre août 2021 et novembre 2022 (+ 157,3 % pour le gaz et + 295 % pour l’électricité), entre dans la production de nombre de matériaux (aluminium, acier, cuivre, verre, tuiles, céramique, ciment, …). Les industriels annoncent donc de fortes hausses de prix pour le début 2023.
Pire encore, certains ferment même des capacités de production depuis l’été 2022, car ils estiment ne plus pouvoir couvrir l’envolée de leurs coûts énergétiques. C’est le cas de fabricants de produits aluminium et zinc, d’aciéristes, de tuiliers, de verreries… Plus globalement, plusieurs matériels et matériaux connaissent à nouveau un allongement des délais de livraison, voire des pénuries (poêles, gros onduleurs, …). L’enquête de l’Insee auprès des entreprises de bâtiment de plus de dix salariés révèle ainsi qu’environ 16 % se trouvent contraintes dans leur niveau de production par cette difficulté du printemps à fin novembre 2022, proportion tombée à 12,8 % en décembre, ce qui reste très élevé au regard de la moyenne de long terme.
Effet prix et décalages de chantier, ainsi que début du remboursement du PGE pour les entreprises concernées expliquent sans doute l‘érosion des trésoreries constatée depuis le printemps 2022 dans les enquêtes de conjoncture de l’Insee, notamment pour les artisans où elle s’est transformée en véritable chute.
Le nouveau choc de prix sur l’énergie et les matériaux affecte donc des entreprises de bâtiment déjà fragilisées. Et cela ne peut que se renforcer avec l’inflation générale, qui commence à se traduire en hausse importante de salaires.
C’est pourquoi la FFB continue de se battre pour que les artisans et entreprises du bâtiment ne se trouvent plus seules à supporter les effets de ces crises successives. Cela passe par une indexation systématique des marchés, ainsi qu’une meilleure visibilité sur les prix et les stocks à l’amont de la filière. Cela passe aussi par un accompagnement des donneurs d’ordres, notamment via la revalorisation puis l’indexation automatique des aides (montants et barèmes). Cela passe enfin par l’arrêt de toute inflation règlementaire pour les prochaines années, alors que la filière et ses clients doivent déjà absorber les surcoûts associés à la RE2020 et à la REP. Ces demandes ont été formulées dans le cadre des Assises du BTP, qui se poursuivent. À cet égard, il convient de souligner l’annonce faite par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, lors des 24h du bâtiment, relative à la mise en place d’un observatoire des prix des matériaux du BTP à compter de janvier 2023.