2022 : L’année du rattrapage

Un contexte encore incertain

Le scénario de la FFB pour le bâtiment en 2022 repose sur quelques hypothèses fortes.

10:1309/12/2021
Rédigé par FFB Nationale

La première consiste en une situation moins tendue sur le front sanitaire, du moins en termes d’impact économique. En conséquence, nous retenons un simple ralentissement de la croissance qui passerait, à prix constants, de 6,7 % en 2021 à 3,5 % en 2022.

La seconde hypothèse concerne le marché du crédit, avec une intervention des banques centrales toujours forte, malgré les tensions inflationnistes nées de la crise des matériaux et de l’énergie qui perdureraient au moins jusqu’à la fin du premier semestre 2022. Toutefois, la transformation en règlementation des critères définis par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) perturbera les marchés de l’accession sociale à la propriété et de l’investissement locatif. D’autant plus que l’entrée en vigueur au 1er janvier 2022 de la RE2020 provoquera, dans la maison individuelle, une hausse moyenne de 3,5 % des prix d’opération. Pour le collectif, le choc interviendra plutôt avec la marche 2025.

 

De plus, beaucoup de collectivités, notamment parmi les plus grandes, se sont déjà saisies du « zéro artificialisation nette » (ZAN). La raréfaction du foncier constructible qui s’en suit se traduira mécaniquement en hausse de prix dans un contexte où les besoins restent forts en logement, comme sur les locaux de production.

 

Poursuite du redressement de l’activité en 2022...

L’assez bonne tenue du logement neuf en 2021 permet d’imaginer une véritable reprise sur ce segment en 2022. Certes, les mises en chantier ne connaitraient qu’une modeste progression de 0,9 % en 2021 par rapport à 2019, avec 390 000 logement commencés. Mais la dynamique des permis s’avère bien plus nette, à +4,9 % sur deux ans, pour atteindre plus de 472 000 logements autorisés. Cela se traduira en hausse de 2,1 % des mises en chantier en 2022. En conséquence, la production de logements neufs, encore en retrait de 5,8 % en volume sur 2021 par rapport à 2019 compte tenu des délais de réalisation, progressera vivement de 7,3 % en 2022, dépassant son niveau d’avant crise.

Il faut toutefois souligner que ces prévisions reposent sur un postulat fort. De fait, nous avons supposé que le très important surplomb formé de 53 000 logements d’écart entre permis et ouvertures de chantier dans l’individuel en 2021, donnait effectivement lieu à travaux en 2022 dans la plupart des cas.

De plus, il faut rappeler que la dynamique des permis ne vaut pas pour le collectif en zones réputées tendues, qui chute toujours. L’impact de ce mouvement, cumulé avec celui de l’entrée en vigueur du ZAN sur l’individuel et celui la RE2020 pour tous, laisse craindre un retournement de situation en 2023 sur l’ensemble du logement.

Quant au non résidentiel neuf, le recul des surfaces mises en chantiers y reste impressionnant, à -11,6 % en 2021 par rapport à 2019, d’autant que tous les segments y contribuent. La situation est à peine moins mauvaise côté surfaces autorisées, qui abandonnent 8,8 %, tous les segments participant là encore du mouvement à une exception près : les bâtiments industriels et assimilés, y compris logistique. En termes de production, 2021 se soldera donc sur un très fort recul de 10,5 % par rapport à 2019, hors effet prix, mais 2022 bénéficiera de l’embellie des locaux industriels, d’un rebond transitoire des bureaux et d’une modeste hausse de la commande publique, pour progresser de 4,7 % sur un an. Reste qu’au global, l’activité en non résidentiel ne retrouvera toujours pas son niveau d’avant crise sanitaire en 2022.

Sans entrer dans le détail de chaque segment, on peut toutefois s’étonner de l’écart entre les budgets primitifs des collectivités locales, annonçant une nette progression des dépenses en bâtiment sur 2021, au point de renouer quasiment avec l’important volume de 2019, et les réalisations effectives. S’agit-il d’un simple retard à l’allumage ou bien faut-il craindre l’abandon massif de projets ? La réalité se situera sans doute entre les deux, ce que nous retenons.

Le dernier grand marché, celui de l’amélioration-entretien, affichera enfin une véritable progression. Alors que la rénovation énergétique du logement, tirée par MaPrimeRénov’, connait un boom de 5,0 % en 2021 hors effet prix, le reste de l’amélioration-entretien du logement comme les travaux dans le non résidentiel peinent à se redresser. Pour l’ensemble, 2021 s’affiche alors en baisse de 2,6 % par rapport à 2019. Toutefois, l’impact de « France relance » sur la rénovation énergétique des bâtiments de l’État et celui du crédit d’impôt en faveur de ces mêmes travaux pour les locaux des TPE-PME, s’il est prorogé, ainsi que la dynamique des ventes dans l’ancien devraient permettre de clairement redresser la barre en 2022, avec une croissance attendue à 2,7 %. L’amélioration-entretien renouerait alors avec son niveau pré-pandémique.

En synthèse, tous marchés confondus, l’activité  bâtiment s’affichera encore en repli de 5,0 % en 2021 par rapport à 2019. La bonne tenue de l’individuel neuf, du segment des bâtiments industriels et assimilés, ainsi que le décollage de la rénovation lui permettront quasiment de sortir de l’ornière en 2022 : en volume, sa production en hausse de 4,3 % sur l’année laissera un écart limité de 0,9 % à son niveau d’avant-crise.

 

… malgré une crise des matériaux qui reste prégnante

Cette difficulté à renouer avec une franche reprise, malgré des carnets de commandes bien garnis, s’explique aussi par la crise des matériaux, réalimentée par la crise de l’énergie depuis la rentrée de septembre. La tendance à la hausse des prix des intrants du secteur, tout comme les difficultés d’approvisionnement pour certains matériaux et matériels, resteront d’actualité au moins jusqu’à la fin du premier semestre 2022.

Les trésoreries des entreprises de bâtiment se trouveront donc à nouveau très fortement sollicitées et, plus structurellement, les marges en souffriront.

 

Nouvelle progression de l’emploi

Confirmant le paradoxe déjà relevé l’année dernière, malgré une activité encore chancelante, l’emploi progresse vivement en 2021. Environ 60 000 postes ont été créés (en solde net) par rapport à 2019, y compris intérim en équivalent-emplois à temps plein. Il s’agit toutefois pour les deux-tiers d’effectifs salariés, le plus souvent en CDI. Le paradoxe s’explique pour partie par des plans de charge s’étalant assez loin sur 2022, mais aussi par une perte de productivité liée aux problèmes d’approvisionnement. Sans doute doit-il aussi se lire à l’aune d’un retour seulement partiel en France des travailleurs étrangers qui s’y trouvaient avant-crise.

Toujours est-il que l’écart changerait de sens en 2022. De fait, avec 25 000 nouveaux postes créés sous réserve que les difficultés de recrutement s’amenuisent, soit 2 % de plus sur un an, la croissance de l’emploi s’avèrera de moindre ampleur que celle de l’activité (+4,3 %, pour mémoire). Néanmoins, le bâtiment continuerait ainsi de jouer son traditionnel rôle d’entrainement socio-économique sur tout le territoire.

 

Reste à assurer l’avenir

À l’horizon 2022-2023, hors choc sanitaire, trois facteurs de fragilité pourraient affecter le redressement de l’activité, donc de l’emploi du bâtiment.

Le premier concerne la crise des matériaux et de l’énergie. Elle se traduit pour l’heure en hausse des prix sur les nouveaux marchés et en tensions sur la trésorerie des artisans et entreprises, dans un contexte de marges qui se dégradent. Afin d’éviter le crash rapide de structures aux carnets de commandes pourtant garnis, il est urgent que le gouvernement accepte de leur verser immédiatement les créances de carry back qui découleraient d’un exercice 2021 déficitaire. La FFB réclame depuis plusieurs mois cette mesure, qui n’est finalement qu’une autorisation donnée par l’État à une entreprise de s’aider elle-même dans cette passe difficile.

Le second facteur de fragilité renvoie à la situation des zones réputées tendues en termes de construction neuve. La panne qui s’y lit inquiète toujours autant, d’autant que la base LoVac du ministère de la Transition écologique montre clairement que la vacance utilement mobilisable ne permet de répondre que modestement aux besoins sur ces territoires. Il faut y relancer rapidement le neuf, et explorer à cette fin plusieurs des propositions faites par la Commission Rebsamen : suivi contraignant de la réalisation des PLH ; mise en place, auprès des Préfets de Région, d’une instance de médiation sur les refus ou retraits de permis ; réduction des délais de traitement des contentieux sur des refus de permis. En revanche, la FFB craint que la promotion des chartes locales sans études d’impact et sans contreparties financières ou urbanistiques à leurs exigences se révèle un bon moyen d’encourager le malthusianisme.

À cette même aune, la FFB demande que soit rapidement annoncée une majoration du Pinel à compter de 2023 pour les logements qui respecteraient les critères extra-règlementaires promus par la ministre en charge du logement. Sans ce complément, le dispositif deviendra en réalité un « Pinel moins » qui pénalisera l’ensemble du collectif.

Le troisième facteur de risque nait de la combinaison de la RE2020 et du ZAN. Dans les prochains mois, ils conduiront tous deux à rehausser les prix de l’individuel neuf, mais aussi du collectif qui deviendrait alors un marché de report. La FFB réitère donc ses demandes relatives au crédit d’impôt sur les annuités d’emprunt pour adoucir le surcoût RE2020 et à l’insertion d’une marge de manœuvre sur le ZAN pour permettre aux collectivités d’en adapter les effets aux réalités locales.

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