Bilan 2023 : l’entrée dans la crise
La crise du logement neuf, qui représente environ 27 % de l’activité, s’avère particulièrement violente dès 2023. Avec 286 000 mises en chantier attendues sur l’année, le marché retombe à proximité de ses plus bas historiques de 1992-1993 (275 000 unités). Cela correspond à une chute de 22 % en an, qui s’accompagne, de plus, d’un effondrement de 24 % du nombre de permis de construire. Tous les territoires, des métropoles aux zones rurales, et tous les types de logements, individuel comme collectif, social comme privé, entrent en crise. La production baisse alors de 8 %.
La situation ressort à peine moins mauvaise pour le non résidentiel neuf, qui compte pour 19 % du chiffre d’affaires du bâtiment. Les surfaces commencées et autorisées reculent respectivement de 14 % et 4 %. Seul le segment des bâtiments administratifs laisse quelques espoirs, d’autant que la position de 2024 dans le cycle électoral municipal ressort favorable. Reste que, compte tenu des délais de réalisation et d’une année 2022 encore dynamique, la production en non résidentiel neuf évolue à peine (+0,4 %).
Quant à l’amélioration-entretien, qui pèse pour 54 % de l’activité, il s’agit du seul segment en réelle croissance, de près de 3 % en volume, notamment grâce à la rénovation énergétique.
La crise du neuf l’emporte toutefois et
l’année 2023 se solde sur une baisse de 0,6 %. Elle entraîne l’emploi dans son sillage, avec de l’ordre de 3 000 postes perdus en un an, y compris intérim en équivalent-emplois à temps plein (ETP).
Le retournement du marché provoque également une hausse, pour l’heure contenue, des défaillances dans la construction. Sur les onze premiers mois de 2023 et par rapport à la même période de 2019, soit avant crise sanitaire, elles progressent de 2 %.
Prévision 2024 : la récession s’installe
La dégradation de la situation générale se poursuivra en 2024, avec notamment un ralentissement de la croissance, à +0,4 % en volume après +0,8 % en 2023, et une remontée du taux de chômage, à 7,6 % versus 7,3 % un an plus tôt. La progressive baisse de l’inflation permettrait toutefois une petite détente du marché du crédit, mais trop faible et trop tardive pour infléchir le mouvement. De plus, elle se trouverait plus que contrebalancée par l’amputation des dispositifs de soutien au logement neuf, PTZ et « Pinel ».
Dans ce contexte, compte tenu des tendances des ventes et des autorisations de logements en 2023, les mises en chantier reculeront encore de 16 % en 2024, alors que les permis perdront 12 %. S’en suivra une chute d’activité de 21 % en volume.
Quant au non résidentiel neuf, les surfaces commencées s’afficheront en retrait de 1,1 %, atteignant un point historiquement bas. Les surfaces autorisées s’infléchiront à la hausse de près de 2 %, grâce à la bonne tenue des bâtiments administratifs, de l’hôtellerie et des bâtiments industriels. Néanmoins, l’activité abandonnera 6 %, hors effet prix.
Pour sa part, l’amélioration-entretien connaîtra un léger tassement, avec une croissance d’activité limitée à 1,6 %, du fait d’une montée en puissance assez progressive de MaPrimeAdapt’, des effets de l’audit tertiaire et du programme EduRénov’ et d’un dispositif MaPrimeRénov’ très orienté rénovation globale peinant à trouver son public. Certes,
l’objectif visé s’avère ambitieux, avec 1,6 milliard d’euros de crédits supplémentaires alloués à MaPrimeRénov’. Mais il risque
de ne pas être atteint, avec la mise sous condition de changement de vecteur énergétique pour le chauffage dans le cas de l’approche par geste et d’intervention d’un tiers pour les rénovations d’ampleur. Ce ne sont pas les 2 000 Mon Accompagnateur Rénov’ agréés en janvier prochain pour tout le territoire qui permettront de répondre à la demande.
L’ensemble de ces évolutions conduira à
un net recul de 5,5 % du chiffre d’affaires bâtiment en volume sur 2024. Le surplomb passé de l’emploi sur l’activité laissera alors la place à une chute rapide de 90 000 postes.
Et si rien ne change, la FFB confirme qu’à
l’horizon 2025, l’activité bâtiment reculera d’environ 9 % hors effet prix, soit 14 milliards d’euros en moins. S’en suivra une réelle montée des défaillances et une chute de l’emploi, avec 150 000 destructions de postes, salariés et intérimaires ETP confondus, toujours sur deux ans.
Par ailleurs, côté entreprises, une autre difficulté se dessine en ce qui concerne la
REP Bâtiment. Là encore, l’objectif est vertueux et indiscutable, mais sa mise en œuvre ressort kafkaïenne. Les entrepreneurs et artisans se retrouvent coincés entre les éco-organismes et les gestionnaires de déchets. Aujourd’hui, il n’existe pas de véritables solutions de reprises sur les chantiers ou en entreprise. De plus, les barèmes 2024 ne sont toujours pas connus à ce jour.
Crises et conséquences
Au-delà de son impact sur l’appareil de production, y compris emploi, et sur le renforcement des difficultés de logement de nos concitoyens, singulièrement des plus modestes, cette crise affectera la croissance française.
Elle le fait déjà directement, alors que les dépenses d’investissement des ménages s’avèrent d’ores et déjà le seul agrégat à venir pénaliser le PIB : entre la mi-2022 et le troisième trimestre 2023, elles retirent 0,4 point de pourcentage à la hausse de 1,1 % du PIB. Or, ces dépenses relèvent pour plus de 80 % d’investissements en logement, sous forme de construction neuve ou de gros entretien. Dit autrement, la crise du logement ampute de près du tiers la croissance sur la période sous-revue. Et cela se poursuivra en 2024. La crise du neuf prend donc une tournure macro-économique.
S’y ajoute un volet finances publiques. La chute du neuf et des transactions dans l’existant viendront sérieusement réduire le rendement des prélèvements associés, notamment sous forme de TVA à 20 % et de droits de mutation à titre onéreux, dont le montant excède largement celui des aides à l’investissement. Qui plus est, cela rendra plus difficile le financement du soutien public à la rénovation, dont le coût dépasse très nettement le retour sous forme de TVA à taux réduit sur les travaux.
Il est encore temps d’agir
La FFB a déjà porté nombre de propositions pour sortir de l’ornière, notamment en ce qui concerne le neuf.
Ainsi, pour limiter la casse économique et sociale dans la profession, il est nécessaire de redéployer le PTZ à 40 % sur tout le territoire et de revaloriser ses barèmes, qui datent de 2016. Il s’agit d’un moyen de relancer rapidement le marché, de répondre à une demande bien présente, de permettre la sortie du parc locatif, mais aussi de dégager des ressources budgétaires. De fait, compte tenu de l’effet de levier d’une part, de la TVA et des taxes locales pesant sur le bien construit d’autre part, chaque logement neuf financé par PTZ rapporte 24 000 € en solde net à la Nation sur la base des données du premier semestre 2023.
La FFB demande également le retour au Pinel de 2022 dans l’attente de la mise en place du statut du bailleur privé, avant que le locatif ne se trouve totalement sclérosé faute d’alimentation du parc.
Par ailleurs, concernant MaPrimeRénov’, la FFB souhaite que l’on réouvre la possibilité d’approche par geste(s) sans changement de système de chauffage et que les entreprises de bâtiment dûment qualifiées puissent devenir Mon Accompagnateur Rénov’. Il en va du maillage du territoire.
Nous n’avons plus le temps de tergiverser !
Je vous remercie.
Le mot du président Olivier Salleron