Quand le logement ne va pas…

Les émeutes de ces derniers jours n’ont pas épargné le bâtiment. Le recensement des dégradations est en cours, mais nous savons déjà que plusieurs chantiers se trouvent à l’arrêt, le temps que les experts passent et que les conditions soient réunies pour reprendre le travail. La FFB a demandé aux assureurs de faire au plus vite et au mieux. Il n’en reste pas moins que ces actes de vandalismes arrivent au pire moment, alors que le secteur entre en crise.

7:2504/07/2023
Rédigé par FFB Nationale

Conjoncture bâtiment : prémices de crise

 

Loin de la nécessaire accélération mentionnée par le récent rapport Pisani-Ferry, l’amélioration-entretien atterri progressivement. Principal facteur de la reprise post-Covid-19, le marché s’avère moins porteur depuis un an et, au premier trimestre 2023, son rythme de progression tombe à 1 % l’an. Ce tassement se lit sur une large partie du territoire.
Il s’observe également pour la rénovation énergétique, en non résidentiel comme en logement, malgré la crise de l’énergie, malgré les interdictions de réévaluer les loyers ou de louer les « passoires thermiques », malgré la mise en place du Prêt avance rénovation pour partie garanti par l’État. Il faut dire que l’instabilité des dispositifs de soutien, MaPrimeRénov’, CEE comme crédit d’impôt pour la rénovation des locaux des TPE-PME, n’a pas aidé.

 

Par ailleurs, le non résidentiel neuf connait un début d’année moins favorable qu’attendu. En glissement annuel sur douze mois à fin mai 2023, les surfaces commencées reculent de 13,4 %. Seules la Normandie, l’ex-Midi-Pyrénées et l’ex-Alsace conservent une petite dynamique. De plus, les surfaces autorisées stagnent, avec des mouvements très contrastés en territoire.
Par segment de marché, la tendance au repli se diffuse. Il faut toutefois mentionner le rebond confirmé de la commande publique, les permis de bâtiments administratifs s’affichant à +5,3 % en glissement annuel sur cinq mois à fin mai 2023. La dynamique ressort encore plus marquée pour les locaux hôteliers, mais ce segment pèse seulement 3 % dans l’ensemble.
Face à la quasi-stabilisation de la rénovation et du non résidentiel neuf, la violente chute du logement neuf emporte tout, bien que ce marché ne compte « que » pour un gros quart du chiffre d’affaires bâtiment. En tendance nationale, la séquence mises en chantier, permis, ventes s’avère imparable : en glissement annuel sur douze mois à fin mai 2023, les logements commencés reculent de 11 %, les logements autorisés plongent de 18 % et les ventes dans l’individuel diffus s’effondrent de plus de 35 %. Quant aux ventes des promoteurs, en glissement annuel sur quatre trimestres à fin mars 2023, elles abandonnent plus de 22 %.

En clair, l’inévitable crise du logement neuf gagne l’ensemble du territoire. Elle résulte avant tout d’un redoutable effet de ciseau entre durcissement du marché du crédit et forte hausse des coûts du foncier comme de la construction, notamment sous l’effet de dispositions règlementaires et normatives. On pense notamment aux règles du Haut-Conseil de stabilité financière, à la réglementation environnementale 2020, ou au « Zéro artificialisation nette », appliqué par anticipation comme un simple « zéro artificialisation ».

Dans ce contexte, l’emploi se tasse. Entre les premiers trimestres 2022 et 2023, il ne progresse « plus que » de 4 400 postes, y compris intérim en équivalent-emplois à temps plein (ETP). De plus, les intentions d’embauche à l’horizon de l’été continuaient de fléchir pour les entreprises de plus de dix salariés et basculaient en territoire négatif pour les artisans.

Quant à la situation des entreprises, la sortie du régime d’exception de la crise sanitaire, puis les chocs de coûts de production en 2021-2022 provoquent une remontée des défaillances. Toutefois, elles restent contenues dans le bâtiment et, en cumul de janvier à mai 2023 par rapport à la même période de 2019, s’affichent encore en repli de 8,5 %. En revanche, la promotion immobilière dépasse déjà largement son niveau de 2019, à +35,9 %, du fait de la chute de structures porteuses de programmes abandonnés (SCI, SCCV, …). Pour revenir au bâtiment, en prolongeant la tendance des cinq premiers mois de 2023, les défaillances retrouveraient peu ou prou leur niveau de 2019, bonne année en son temps.

Parmi les raisons de cette relative fragilité du secteur, les marges globalement stables à assez bas niveau depuis la mi-2021, donc bien en-deçà de celui de 2019.

Feu le CNR Logement, les demandes de la FFB restent de pleine actualité

 

Les annonces de la Première ministre en conclusion du CNR Logement ont constitué les « raisons de la colère » pour la filière. Elles viennent amplifier la crise dans notre scénario 2025 « si rien n’est fait ». La suppression du PTZ neuf en zones B2 et C et son recentrage sur le seul collectif ailleurs conduiraient à une nouvelle perte d’environ 15 000 opérations. Seuls 259 000 logements seraient donc mis en chantier en 2025, soit -30 % sur trois ans et un nouveau plus bas historique depuis le début des années 1980 au-moins. De plus, le ralentissement tendanciel de l’amélioration-entretien se traduirait en croissance limitée au plus à 1 % l’an en volume. En conséquence, l’activité bâtiment reculerait de 7 % hors effet prix entre 2022 et 2025. L’emploi suivrait avec environ 135 000 destructions de postes (salariés et intérimaires ETP) dans le seul secteur.

La crise semble inévitable, mais on peut encore en limiter l’amplitude et la durée. La FFB continue donc à pousser ses propositions.

Pour mémoire et sans entrer dans le détail, elle demande d’abord un véritable assouplissement des règles du HCSF en matière de crédit immobilier et la prise en compte du reste à vivre. Elle estime aussi qu’une pause règlementaire et normative s’impose.

Concernant le neuf, la FFB demande avec insistance le rétablissement du PTZ neuf dans son format de 2017, à 40 % partout, ainsi que la révision de ses barèmes et leur indexation par la suite. Elle milite encore pour la mise en place d’un crédit d’impôt RE2020 sur les intérêts d’emprunt. Puis, elle rappelle l’urgence à redéployer un dispositif au-moins aussi puissant que le « Pinel 2022 », dans l’attente de la mise en place du statut du bailleur privé. Elle porte également le renouvèlement d’un aide aux maires bâtisseurs et souhaite un réel assouplissement du ZAN, en ligne avec ce que proposait le Sénat. Elle insiste sur la nécessaire réforme du zonage des aides, qui date de 2014. 

Ce soutien au neuf, y compris restructuration, s’avère d’autant plus indispensable que la RE2020 en fait un véritable vecteur de transition écologique. Dès lors qu’elle répond à un véritable besoin et que la sobriété foncière s’impose, une construction neuve constitue aujourd’hui une promesse d’efficacité durable, parfois bien plus qu’une rénovation. À cet égard, la FFB propose également la mise à l’étude de mécanismes de mobilisation de l’épargne privée en faveur du « logement vert ».

Par ailleurs, la FFB demande que le budget de MaPrimeRénov’ soit majoré d’un milliard d’euros chaque année pendant cinq ans pour assurer le déploiement de la rénovation globale, en une fois ou par tranches. Elle souhaite la création d’un dossier unique de demande pour MaPrimeRénov’ et les CEE. Elle insiste aussi sur la nécessité de réouvrir MonAccompagnateurRénov’ aux entreprises de bâtiment qualifiées. La FFB appelle aussi à la pérennisation du crédit d’impôt en faveur de la rénovation énergétique des locaux des TPE et PME. Elle pousse enfin au démarrage rapide du plan EduRénov et se prépare à la mise en œuvre de MaPrimeAdapt’.

Bien sûr, tout cela coûte. Toutefois, comme déjà signalé, le logement s’avère un contributeur très positif aux finances de la Nation, à hauteur de plus de 50 milliards de prélèvements nets des aides selon le Compte du logement en 2021 et sans doute aussi en 2022. Il n’est pas irresponsable d’accepter un chiffre un peu moins élevé en phase de crise du secteur.

L’écart positif se vérifie pour le PTZ. Selon les estimations FFB, au bout de cinq ans, c’est-à-dire une fois intégralement versée l’aide de l’État, une opération neuve avec PTZ rapporte en solde net près de 35 000 euros à la Nation. Le chiffre atteint même 37 000 euros là où la diffusion du produit ressort aujourd’hui maximale et demain, menacée : en B2 et C. Bien sûr, certaines opérations se feraient même sans PTZ, mais elles restent minoritaires, puisque 60 % des prêts concernent des ménages de la « tranche 1 de revenu PTZ », soit les plus modestes, ou bien des opérations en zone C, là où les prix ressortent les moins élevés.

 

Attention donc au risque d’arroseur arrosé !

 

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