Le dire pendant les opérations d'expertise
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La réclamation est la demande, les dommages, le préjudice, la constatation d’un fait.
Le dire reprend ce que l’on observe durant les opérations expertales, mais il s’agit aussi de remarques qui cherchent, soit à appuyer une demande, une réclamation, soit à s’opposer à celle-ci. C’est ce qu’on fait observer à l’expert judiciaire.
Le plus souvent présentés par écrit et signés par un avocat, les dires sont communiqués à la partie adverse et joints en annexe du rapport s’il en est fait la demande.
Les dires peuvent revêtir un caractère rectificatif, interrogatif ou bien critique. Lorsqu’ils expriment des observations, ils porteront principalement sur le déroulement des opérations, les communications de pièces ou documents, déclarations de tiers, objets de l’expertise.
Un dire peut avoir pour objet une demande de réunion ou de visite sur les lieux, l’audition d’un sachant, l’intervention d’un sapiteur ou bien une demande d’injonction de communication de pièces. Les parties ont donc la possibilité, tout au long de la procédure d’expertise, d’adresser à l’expert leurs observations techniques et parfois juridiques, sachant que l’expert judiciaire n’a pas pour mission de faire des observations juridiques et doit uniquement faire des observations techniques.
Ces observations sont appelées « dires » et doivent être communiquées à l’ensemble des parties. Ces observations ne peuvent traiter que des éléments factuels et des questions en rapport direct avec la mission de l’expert. Ainsi, les avocats doivent exposer par observation de manière claire, orale ou écrite, leurs prétentions au fur et à mesure du déroulement des opérations.
Le dire doit rappeler de manière sommaire le contenu des observations écrites antérieures à l’occasion de chaque nouvelle rédaction d’observation. Il ne doit, cependant, pas rappeler les arguments antérieurs que le déroulement des opérations d’expertise aura permis d’écarter. Ces dires permettent d’attirer l’attention de l’expert sur les erreurs qu’il aurait pu commettre pour appuyer les premières conclusions de l’expert.
Il convient de noter que le dire ne peut pas avoir pour objet de demander à l’expert sa mise hors de cause. L’expert ne dispose pas de ce pouvoir. La mise hors de cause ne peut résulter que d’une décision judiciaire. Il appartient aux parties de poser à l’expert judiciaire par voie de dire les bonnes questions et de soumettre les observations qui soient pertinentes, ainsi que de bien veiller au fait qu’il y soit répondu dans le respect du contradictoire.
En effet, l’expert judiciaire est soumis à des règles précises définies par le Code de Procédure qui prévoit désormais l’obligation pour les parties de présenter un dire « récapitulatif » visant à reprendre les principaux arguments développés au cours de l’expertise.
Le dire récapitulatif
Après avoir procédé à la visite des lieux et avoir fait des constatations techniques objet de l’expertise, l’expert judiciaire peut déposer un pré-rapport ou une note de synthèse à l’issue duquel les parties disposent d’un délai pour faire des dires. En outre, dans le cadre de ce pré-rapport, l’expert donne son avis sur les causes des désordres, les éventuels responsables et les solutions de réfection.
Après avoir entendu les parties qui ont été en mesure de faire valoir leurs points de vue, l’expert soumet un pré rapport qui est le résultat des investigations techniques auxquelles il a procédé en leur présence. Ce pré-rapport permet aux parties d’en débattre avant le dépôt du rapport par le biais d’un « dire récapitulatif ».
Il convient de noter que les dispositions de l’article 276 du Code de Procédure Civile n’emploient pas l’expression « dire récapitulatif » ou « observations récapitulatives », mais l’expression « dernières observations ». Cependant, l’usage tend à assimiler le dire récapitulatif aux dernières observations.
Etant observé que les observations formulées antérieurement et non rappelées sommairement dans les dernières observations (dire récapitulatif) sont réputées abandonnées. Autrement, en instaurant le dire récapitulatif, le souhait du législateur est d’étendre à l’expertise la présomption d’abandon des abandons des articles 753 et 954 du Code de Procédure.
L’intérêt du dire récapitulatif est de ne retenir à la fin des opérations d’expertise que les points qui restent en suspens, alors que beaucoup d’autres ont pu être éliminés par l’expert et les parties durant les opérations d’expertise qui ont manifestement un caractère évolutif dans la recherche de la vérité. Le dire récapitulatif intervient après la note de synthèse de l’expert, c’est-à-dire après que l’expert ait fait part de son premier avis sur la situation et que les parties aient voulu lui faire part d’ultimes observations qui ont pour objet soit d’appuyer cet avis, soit pour le démontrer, ou encore pour faire changer d’avis l’expert, ce qui n’est pas exclu.
En pratique, le dernier dire déposé par une partie est censé être récapitulatif ; postérieurement à la note de synthèse, une partie n’adresse pas de dire récapitulatif à l’expert. C’est le dire précédent la note de synthèse qui sert de récapitulation. En tout état de cause, l’expert doit prendre en considération les dernières observations des parties, même si elles conduisent à une inflexion, voire à une modification de tout ou partie de son avis provisoire formulée dans sa note de synthèse.
L’obligation de l’expert de répondre au dire
L’expert est obligé de répondre aux dires des parties, sauf aux arguments à caractère juridique. Il doit répondre au moins sommairement à chaque observation, orale ou écrite dans le cours du déroulement des opérations ou indiquer que ce à quoi il n’a pas répondu ne présente pas d’intérêt pour la suite de l’expertise.
C’est à l’expert de faire le tri, d’apprécier ce que lui demandent les parties dans sa mission que lui a confié la juridiction saisie et d’y répondre, de donner un avis favorable ou contraire. L’expert n’est pas tenu de changer sa position après le dépôt d’un dire, mais a l’obligation d’y répondre.
L’obligation, pour l’expert de prendre en considération le dire signifie que l’expert doit apprécier son utilité pour la bonne exécution des opérations et sa compatibilité avec l’objet et l’étendue de sa mission en saisissant, au besoin, le juge chargé du contrôle des expertises pour trancher une difficulté.
L’obligation imposée à l’expert de répondre permet d’éviter, soit qu’il s’abstienne délibérément ou par négligence, de prendre en considération les arguments d’une partie, ne serait-ce que pour les écarter, eu égard à leur défaut de pertinence.
En toute hypothèse, et pour plus de clarté, la réponse de l’expert au dire doit, de préférence, être explicite, même s’il est admis qu’elle puisse être implicite. Une réponse négative devra nécessairement être motivée par l’expert.
D’une manière générale, les dires, lors des opérations d’expertise, constituent une des composantes essentielles et vivantes du débat contradictoire. L’expert doit rapprocher les observations des parties, des informations qu’il a tirées de ses propres investigations et analyser les pièces. Il rédige, dans la mesure du possible, des conclusions provisoires pour chaque chef de mission et sur tout compte-rendu et toute note aux parties qu’il diffuse.
L’article 276 alinéas 2 et 3 autorise l’expert à ne pas prendre en considération certaines observations des parties, au motif que l’évolution des opérations a montré qu’elles n’étaient plus pertinentes, qu’elles sont tardives, ou encore qu’elles n’ont pas été reprises dans les dernières écritures. Néanmoins, en application du premier alinéa de l’article 276, l’expert est tenu de joindre au rapport l’ensemble des observations des parties si elles le demandent, y compris celles qu’il n’a pas prises en compte.
En pratique, la réponse aux dernières observations des parties doit ressortir dans un dernier chapitre spécifique du rapport et tenir compte des points et observations acquis pendant le déroulement antérieur des opérations d’expertise. L’expert ne doit pas répondre aux observations sortant du cadre de sa mission ou au dire adressé hors délai.
Le respect des délais impartis par l’expert
Le décret du 28 décembre 2005 portant réforme de la procédure civile en modifiant l’article 276 du Code de Procédure Civile, est venu notamment renforcer les pouvoirs de l’expert dans ses rapports avec les parties dans le but d’accélérer le déroulement des opérations d’expertise.
Ainsi, l’article 276 du Code de Procédure Civile permet à l’expert de fixer un délai dans lequel les parties pourront formuler leurs observations ou réclamations. L’expert n’est pas tenu de prendre en considération les observations ou dires qui auraient été faits après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il doit faire un rapport au juge.
Les causes graves et dûment justifiées sont peu fréquentes. Cela rappelle, en effet, la notion de force majeure qui est imprévisible et irrésistible.
L’expert appréciera donc les causes du retard, et s’il a un doute, pourra en référer au juge. L’expert appréciera, dans un premier temps, et le juge interviendra en cas de doute ou si l’appréciation de l’expert est contestée par l’une des parties.
Désormais, l’article 276 permet à l’expert de fixer un délai au-delà duquel les parties ne pourront plus formuler d’observations. L’expert n’est plus contraint de tenir compte des observations formulées hors délai.
Enfin, après le dépôt du rapport de l’expert, les parties ne peuvent plus adresser de dire. Le dépôt du rapport a pour effet de dessaisir l’expert judiciaire. Ce dernier ne pourra plus répondre à un dire qui a été adressé tardivement, sauf pour rectifier une erreur purement matérielle, et il devra en informer le magistrat.
La participation aux opérations d’expertise est primordiale et il convient d’y être actif. Pendant les opérations d’expertise, il est important, avec l’aide de son avocat, de communiquer les éléments utiles au dossier et d’adresser à l’expert judiciaire des dires pour prendre position.
Claude VAILLANT
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit immobilier
D.I.E.J.P.
Juge Arbitre à la Chambre Arbitrale Internationale de Paris et au Centre d’Arbitrage du GICAM (Cameroun)
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