En ces temps incertains sur les plans économique et politique, les entreprises naviguent par gros vent. Chaque jour, des artisans et des entrepreneurs rencontrent des difficultés. Certains obstacles peuvent venir de la tendance du marché, des retards de paiement, de la surcharge de travail, des flux de trésorerie, de la difficulté à recruter ou à fidéliser ses collaborateurs, du sentiment de solitude… autant de points à affronter et de défis à relever. Pour autant, les chefs d’entreprise sont nombreux à en sortir victorieux au prix d’efforts redoublés.
Par sa position, le chef d’entreprise a une vue à 360° sur la vie de son entreprise : la trésorerie et la comptabilité, le carnet de commandes, les relations avec les fournisseurs et clients, les effectifs, les aspects juridique et administratif, etc. Il est donc le mieux placé pour déceler les premiers signaux faibles et prendre avec lucidité et le plus rapidement possible les bonnes solutions. Sans lui, aucun redressement ni rebond ne sont envisageables.
La notion de résilience, concept largement vulgarisé par Boris Cyrulnik, renvoie autant à la capacité d’un entrepreneur à apporter une réponse à l’adversité qu’aux traits de personnalité qu’elle suppose (courage, audace, confiance en soi, ingéniosité, optimisme…).
Comme en matière de santé, il est important d’agir dès les premiers symptômes. plus tôt le chef d’entreprise réagit, mieux il rebondit.
Être attentif aux signaux faibles
Les difficultés qui mettent en péril l’entreprise ne surviennent pas du jour au lendemain. Les problèmes de trésorerie sont en général les derniers indicateurs de la fragilité de l’entreprise. Les premiers signaux arrivent bien en amont et sont de différentes natures.
S’ils sont détectés et identifiés suffisamment tôt, les signaux faibles vous permettent d’anticiper et de prévenir les difficultés. Dès que le carnet de commandes est en baisse, que la trésorerie à deux ou trois mois est tendue, qu’un impayé important touche l’entreprise, alors le chef d’entreprise doit réagir.
Exemples de signaux faibles…
… financiers
- Situation nette négative ;
- Charge d’exploitation non couverte par les marges ;
- Défaut de trésorerie ;
- Détérioration du fonds de roulement ;
- Impossibilité de renouveler à l’échéance les crédits indispensables ;
- Capacité d’autofinancement négatif ;
- Retards dans les déclarations des cotisations sociales et fiscales ;
- Redressement fiscal majeur ;
- Injonctions de payer répétitives ;
- Refus de financement, etc.
… opérationnels et de marché
- Sous-activité continue ;
- Défaillance d’un gros client ;
- Perte d’un marché important ;
- Catastrophe naturelle (destruction de l’outil de production, grêle, inondation…) ;
- Retard de livraison ou défaillance d’un fournisseur, etc.
… sociaux
- Sureffectif ou sous-effectif ;
- Événements sociaux (chômage technique, turnover, perte d’une personne clé) ;
- Désaccord ou mésentente entre associés, etc.
… réglementaires
- Renchérissement des coûts (énergie, matériaux…) ;
- Modification rendant l’activité plus difficile ou nécessitant des coûts de mise en conformité, etc.
Pour avoir une chance de rebondir
Les premiers signaux faibles de défaillance sont là : votre entreprise ne va pas bien. Voici quatre règles pour vous aider.
- Je prends acte de la situation. Face à une situation perçue comme inacceptable, on peut être porté à la minimiser ou à l’ignorer. Pourquoi ce déni ? Votre entreprise, c’est votre « bébé ». Vous l’avez construite seul ou avec vos associés, vous ne comptez pas vos heures depuis plusieurs années, vous y avez injecté toutes vos économies, votre boîte est à votre image et vous en êtes fier. Ignorer les problèmes, ce n’est pas les faire disparaître. Un jour ou l’autre, ils vous rattrapent et, bien souvent, il est trop tard.
- Je ne reste pas seul et je parle de mes difficultés. « On n’est jamais mieux servi que par soi-même », « J’ai bâti cette société moi-même sans l’aide de personne », « Qui connaît mieux mon entreprise que moi ? », etc. Pourtant, lorsque votre société bat de l’aile, il faut avoir le réflexe de demander l’aide d’autrui. Que vous vous adressiez à des proches, à des confrères, à des professionnels, cela vous permettra de prendre du recul, d’éviter l’isolement et, surtout, d’identifier les solutions à mettre en place. De façon concrète, dès la première difficulté, prenez attache avec votre fédération, votre banquier, votre expert-comptable, le centre d’information sur la prévention des difficultés, etc. À l’image d’un médecin, ces acteurs vous aideront à traiter vos difficultés.
- J’interpelle le tribunal de commerce1. On croit souvent qu’un tribunal n’est là que pour sanctionner. En réalité, en matière de prévention et de traitement des difficultés, il aide, accompagne et oriente les chefs d’entreprise, en toute confidentialité. De plus, le juge du tribunal consulaire est avant tout un chef d’entreprise en exercice qui a été élu et qui, par conséquent, connaît parfaitement la vie des affaires et le fonctionnement d’une entreprise. C’est un interlocuteur clé.
- J’ai recours aux solutions existantes. Lorsque l’entreprise n’est pas en cessation des paiements, le chef d’entreprise peut s’orienter vers un mandat ad hoc ou une conciliation. Ces deux procédures sont confidentielles. Pour les engager, il est nécessaire de se rapprocher du président du tribunal de commerce.
La meilleure boussole est d’être convaincu que tout, problème a une solution.
Côté mandat ad hoc, l’entreprise pourra négocier à l’amiable avec ses créanciers : après une rencontre avec le président du tribunal, qui va évaluer si la demande est fondée, ce dernier rendra une ordonnance de nomination d’un mandataire (le dirigeant peut en proposer le nom). Sa mission, sa durée d’intervention et sa rémunération sont précisées dans l’ordonnance. Il aidera le chef d’entreprise à négocier avec ses créanciers, à revoir certains contrats, etc.
Côté conciliation, très similaire dans son objectif et son fonctionnement au mandat ad hoc, elle est toutefois limitée dans sa durée, ce qui rend le mandat plus adapté à des négociations un peu plus épineuses. La conciliation est plus encadrée au niveau juridique, donc un peu moins souple dans son champ, mais plus sécurisée dans certaines situations. Par ailleurs, les accords résultant de la conciliation peuvent faire l’objet d’un constat devant le président du tribunal ou d’une homologation devant le tribunal. De plus, la conciliation peut être utilisée si l’entreprise est en cessation des paiements, mais depuis moins de 45 jours.
Les deux procédures peuvent se succéder selon les besoins particuliers de l’entreprise. Les mesures de prévention permettent à l’entreprise en difficulté de renégocier amiablement avec certains de ses créanciers dans le but de rétablir rapidement sa situation.
Les caractéristiques des mesures de prévention : anticipation, souplesse et rapidité, confidentialité, négociation ; le mandataire ou le conciliateur ne remplace pas le chef d’entreprise, qui reste le « capitaine à bord ».
Ne pas souffrir en silence
Quand les difficultés s’accumulent, le moral du chef d’entreprise est mis à rude épreuve. Des dispositifs existent pour accompagner les dirigeants en détresse : l’Observatoire Amarok, le réseau APESA, le Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP).
A lire également :
Ressources disponibles :
- Le Portail du Rebond des entrepreneurs - Plusieurs associations dont l’objectif commun est d’aider les entrepreneurs à rebondir lorsqu’ils connaissent ou ont connu des difficultés ont décidé de conjuguer leurs efforts, en créant un groupement d’intérêt associatif afin d’offrir un accès internet unique. Le Portail du Rebond regroupe : 60 000 Rebonds, Re-créer, Second Souffle et l’Observatoire Amarok.
- APESA - Le dispositif APESA 2 permet à tout chef d’entreprise qui en éprouve le besoin de bénéficier d’une prise en charge psychologique, rapide, gratuite et à proximité de son domicile, par des psychologues spécialisés.
- Amarok e-santé - La FFB, en partenariat avec l’Observatoire Amarok, vous propose un outil en ligne, intuitif et rapide, pour mesurer l’équilibre de votre état de santé globale, de façon anonyme. Si le seuil d’alerte est dépassé, vous avez la possibilité d’être mis en relation gratuitement avec un professionnel spécialisé en santé au travail pour un entretien confidentiel.