Dossier spécial réforme des retraites : Ce qui va changer pour les entreprises

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023, portant réforme des retraites, a été promulguée le 15 avril. La veille, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur le texte, censurant quelques dispositions à la marge. Recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici à 2030, durée de cotisation portée à 43 ans dès 2027, départ anticipé, emploi des seniors… Faisons le point sur les principales mesures intéressant les entreprises dans la gestion de leur personnel. 
9:0810/05/2023
Rédigé par FFB Nationale
revue
Retrouvez ce dossier dans notre revue Batiment Actualité
Batiment Actualité Numéro 9 | mai 2023

Pour atteindre l’équilibre financier du système de retraites par répartition à l’horizon 2030, l’axe principal de la réforme porte sur un report progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans combiné à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation pour obtenir le taux plein. En contrepartie, les dispositifs de départ anticipé, notamment au titre des carrières longues, sont maintenus et adaptés.

 

La loi prévoit également des mesures pour maintenir dans l’emploi les seniors et lever les freins à leur embauche ou encore les inciter au retour à l’emploi. Ces leviers activés concernent directement les entreprises dans la gestion de leur personnel.

 

Les mesures relatives à l’âge de départ

 

L’âge légal de départ à la retraite, à ce jour, est de 62 ans pour les générations nées à partir du 1er janvier 1955. Certains assurés peuvent partir en retraite plus tôt s’ils remplissent les conditions des dispositifs de départ anticipé.

 

L’âge légal de départ à la retraite est reporté progressivement de 62 ans à 64 ans.

À partir du 1er septembre 2023, cet âge sera progressivement relevé, à raison de trois mois par génération, à compter des assurés nés le 1er septembre 1961 (62 ans et 3 mois) pour atteindre 64 ans en 2030 (générations nées en 1968 et suivantes).

 

Parallèlement, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027, dès la génération née en 1965.

Il s’agit d’une accélération de la mise en œuvre de la loi de 2014, dite loi Touraine, qui prévoyait déjà un allongement de la durée de cotisation passant de 42 à 43 ans. Initialement, celui-ci était prévu d’ici à 2035 et à partir de la génération née en 1973.

 

L’âge de la retraite à taux plein (sans décote) reste fixé à 67 ans pour les assurés qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans.

 

Une surcote (+1,25 % par trimestre supplémentaire) sera attribuée aux mères de famille ayant atteint la durée d’assurance requise un an avant l’âge légal de départ (à 63 ans au terme de la montée en charge de la réforme) et ayant obtenu au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants.

 

Ces mesures entreront en vigueur dès le 1er septembre et feront l’objet de précisions règlementaires d’ici là.

Les dispositifs de départ anticipé sont maintenus et adaptés

 

La loi prévoit des modifications des dispositifs de départ anticipé pour carrière longue ou pour raisons liées à l’état de santé dont les conditions seront définies par décret.

 

La retraite anticipée pour carrière longue évolue

Les deux conditions cumulatives de durée d’assurance nécessaire pour bénéficier de ce dispositif sont adaptées en raison du report progressif de l’âge à 64 ans comme suit :

  • avoir cotisé 5 trimestres (4 pour un assuré né dans le dernier trimestre de l’année civile) avant la fin de l’année de ses :
    – 16 ans pour un départ à partir de 58 ans,
    – 18 ans pour un départ à partir de 60 ans,
    – 20 ans pour un départ à partir de 62 ans,
    – 21 ans pour un départ à partir de 63 ans ;
  • et justifier du nombre de trimestres cotisés pour obtenir une pension à taux plein avec un plancher de 43 annuités de cotisation, même si certains devront cotiser un peu plus longtemps en raison des critères cumulatifs à remplir.

 

À titre d’exemple, sous réserve du décret à paraître : pour un début de carrière avant 16 ans, un assuré pourra partir à compter de 58 ans s’il justifie de la durée requise cotisée (non plus majorée de 2 ans comme aujourd’hui) et s’il a validé 5 (ou 4) trimestres avant la fin de l’année civile de ses 16 ans, ce qui peut aboutir, pour une personne ayant commencé à travailler à 14 ans et partant à 58 ans, à cotiser possiblement 44 ans.

 

En outre, de nouvelles périodes réputées cotisées au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) et de l’assurance aidants (AVA) seront prises en compte dans une limite à fixer par décret, ainsi que des périodes de rachat de trimestres d’apprentissage entre 1972 et 2013 à tarif préférentiel (4 trimestres maximum).

 

Pour rappel, les trimestres pris en compte pour le calcul de la durée d’assurance exigée dans le cadre du dispositif de retraite anticipée sont limitativement énumérés. Il s’agit des trimestres cotisés ainsi que ceux réputés cotisés : service national (4 trim. max), maladie et des accidents du travail en cas d’incapacité temporaire (4 trim. max), chômage indemnisé (4 trim. max), maternité pension d’invalidité (2 trim . max), trimestres de majoration de durée d’assurance dus au compte professionnel de prévention (tous).

 

Ces ajustements devraient entrer en vigueur pour les retraites prenant effet à compter du 1er septembre 2023 et pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961.

La FFB s’est mobilisée pour conserver ce dispositif indispensable pour notre branche afin de permettre aux assurés ayant travaillé jeunes et longtemps de partir plus tôt.

Les départs anticipés liés à l’état de santé sont aménagés

 

Un nouveau départ anticipé pour les assurés inaptes au travail à 62 ans

Les assurés reconnus inaptes au travail par la Sécurité sociale (bénéficiant d’une pension d’invalidité, de l’allocation aux adultes handicapés ou encore justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50 % reconnue par la commission départementale d’aide aux personnes handicapées) pourront encore bénéficier d’un départ à 62 ans à taux plein, quelle que soit leur durée d’assurance validée, comme avant la réforme.

Cela en fait donc un nouveau cas de départ anticipé qui doit être confirmé par décret. Il entrerait en vigueur le 1er septembre 2023.

C’est un point important pour notre branche. Si ces personnes avaient dû attendre 64 ans pour liquider leur retraite, elles auraient été indemnisées deux années de plus par les institutions de prévoyance.

Un départ anticipé dès 60 ans lié à l’usure professionnelle

Les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pourront partir en retraite pour incapacité dès 60 ou 62 ans selon le taux d’incapacité permanente qui leur sera attribué.

Selon les annonces gouvernementales, un taux d’incapacité permanente liée à l’usure professionnelle d’au moins 20 % devrait permettre de partir dès 60 ans à taux plein.

Un taux d’incapacité permanente entre 10 et 19 % devrait permettre de partir à 62 ans à taux plein. Les conditions d’accès à ce dispositif doivent être précisées par décret.

 

Utilisation du C2P pour un départ anticipé à 62 ans

Les salariés qui bénéficient d’un compte professionnel de prévention (C2P) pourront toujours partir deux ans plus tôt à la retraite s’ils choisissent d’utiliser leurs points pour leur retraite, soit à 62 ans avec la réforme.

 

Les mesures pour encourager l’emploi des seniors

 

La retraite progressive est facilitée

Un assuré ayant atteint l’âge légal diminué de 2 ans (soit 60 ans aujourd’hui, 62 ans en 2030) et justifiant de 150 trimestres peut percevoir une partie de sa pension en continuant une activité professionnelle réduite entre 40 % et 80 % d’un temps plein, ce qui lui permet d’acquérir de nouveaux droits à retraite.

L’accès à ce dispositif, généralisé à tous les régimes de base, est facilité. L’employeur ne pourra refuser la demande du salarié que si la durée souhaitée est incompatible avec l’activité économique de l’entreprise. L’absence de réponse écrite et motivée de l’employeur dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande du salarié vaudra acceptation.

 

Le cumul emploi retraite dit « total » devient créateur de nouveaux droits

Aujourd’hui, l’assuré qui reprend un emploi après avoir liquidé sa retraite peut cumuler sa pension de retraite avec son revenu d’activité, lequel donne lieu à versement de cotisations sociales sans ouvrir de nouveaux droits à la retraite.

 

Avec la réforme, l’activité reprise pourra ouvrir de nouveaux droits si l’assuré remplit les conditions d’un cumul emploi retraite dit « total », à savoir avoir liquidé toutes ses pensions, avoir atteint l’âge légal de la retraite (porté progressivement à 64 ans) et justifier de la durée d’assurance requise pour le taux plein pour sa génération (progressivement porté à 43 ans, soit 172 trimestres) ou l’âge du taux plein automatique, soit 67 ans.

Toutefois, la création de nouveaux droits ne sera possible qu’en cas de respect d’un délai de 6 mois pour une reprise chez le dernier employeur.

 

Un nouveau régime social des indemnités de rupture

Une contribution sociale patronale de 30 % sera due sur les indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er septembre 2023 :

  • en cas de mise à la retraite à l’initiative de l’employeur (c’est-à-dire à partir de 70 ans) pour la part exclue de l’assiette des cotisations (au lieu de 50 % jusqu’alors) ;
  • en cas de rupture conventionnelle (au lieu de 20 % jusqu’alors). Ces indemnités seront exclues de l’assiette de cotisations sociales et de celle du forfait social.

Cette mesure renchérit le coût de toutes les ruptures conventionnelles, quel que soit l’âge, malgré une mobilisation forte du côté patronal pour la retirer.

L’index seniors et le CDI fin de carrière censurés par le Conseil constitutionnel

Le projet de loi adopté sans vote par le Parlement le 20 mars prévoyait la création d’un index seniors et d’un CDI de fin de carrière.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions de la loi dans sa décision du 14 avril.

 

Mutualisation du coût des maladies professionnelles à effet différé

Le coût des maladies professionnelles à effet différé sera mutualisé entre les entreprises afin que les employeurs recrutant des seniors ne se voient pas financièrement imputer les conséquences d’une maladie contractée auparavant chez d’autres employeurs.

 

Transfert du recouvrement aux Urssaf des cotisations de retraite complémentaire obligatoire Agirc-Arrco

Initialement prévu au 1er janvier 2022, le transfert avait été reporté deux fois : en janvier 2023 puis en janvier 2024.

Le projet de loi de réforme prévoyait son abandon, mais le Conseil constitutionnel a censuré l’article dans lequel il était prévu.

Cette mesure a été largement portée par la FFB.

Comment s’informer de ses droits à la retraite ?

Dès que vous commencez à travailler, les régimes de retraite auxquels vous êtes affiliés ouvrent un compte à votre nom dans lequel figurent les périodes et les revenus ayant donné lieu à cotisations et/ou les périodes ouvrant des droits à la retraite (chômage ou maternité, par exemple).

 

Vous pouvez accéder à tout moment à ces informations en créant un compte sur www.info-retraite.fr pour vérifier vos droits et faire des simulations.

 

À partir de 35 ans, vous recevrez tous les cinq ans un relevé de situation individuelle (ou relevé de carrière).

 

À partir de 45 ans, vous pouvez obtenir un entretien d’information gratuit auprès de vos caisses de retraite.

 

À partir de 55 ans, vous recevez avec votre relevé de carrière une estimation de votre retraite selon différents âges de départ à la retraite : l’estimation retraite (ou estimation indicative globale).

 

Un simulateur a été mis en ligne sur https://la-reforme-des-retraites-et-moi.fr.

Chaque assuré peut ainsi obtenir des informations relatives à son âge possible de départ à la retraite.

Les mesures pour renforcer la prévention de l’usure professionnelle

 

Censure du suivi médical spécifique pour les salariés exposés à des facteurs de risque ergonomiques

Le projet de loi prévoyait un suivi spécifique pour les salariés exerçant ou ayant exercé pendant une durée qui devait être définie par décret des métiers ou activités particulièrement exposés aux facteurs de risque professionnels d’origine ergonomique (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques).

Ces facteurs causent des troubles musculo-squelettiques (TMS) représentant aujourd’hui dans le BTP 90 % des maladies professionnelles reconnues.

Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel.

 

Évolutions du compte professionnel de prévention (C2P)

Un compte professionnel de prévention (ex-compte pénibilité) est ouvert dès lors qu’un salarié est exposé à un ou plusieurs facteurs de risque au-delà des seuils règlementaires.

Le salarié acquiert des points au titre de son exposition et peut décider de les utiliser pour le financement de formation, d’un passage à temps partiel ou pour obtenir un départ anticipé à la retraite.

 

Tous les ans, les entreprises doivent déclarer leurs salariés qui ont été exposés au cours de l’année à un ou plusieurs des six facteurs de risque professionnels couverts par le C2P (travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail hyperbare, gestes répétitifs, bruit et températures extrêmes) au-delà des seuils règlementaires. Les entreprises qui ne dépassent pas les seuils n’ont pas de déclaration à effectuer.

 

La loi crée une quatrième possibilité d’utilisation du C2P. Le salarié peut décider de l’utiliser pour financer des actions de formation dans le cas d’un projet de reconversion professionnelle et financer sa rémunération pendant un congé de reconversion professionnelle, lorsqu’il suit cette action de formation en tout ou partie durant son temps de travail, en vue d’accéder à un emploi non exposé aux facteurs de risque ergonomiques.

 

La loi prévoit également que les points au C2P seront acquis en fonction du nombre de facteurs de risque auxquels les salariés sont exposés (pour les salariés polyexposés). Le plafond de 100 points qui existait avant la réforme est supprimé.

Enfin, selon le gouvernement, certains seuils règlementaires d’exposition devraient être abaissés (pour le travail de nuit passage de 120 à 100 nuits par an et pour le travail en équipes successives alternantes de 50 à 30 nuits par an).

 

Création d’un fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle (FIPU)

Un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) est créé au sein de la CNAM auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT-MP).

Il est financé par la branche AT-MP grâce à une dotation annuelle dont le montant sera fixé par arrêté. Le gouvernement a annoncé que le fonds devrait être doté d’un montant d’un milliard d’euros sur la période quinquennale (2023-2027), soit 200 millions d’euros par an.

Ce fonds participe au financement par les employeurs d’actions de sensibilisation et de prévention, d’actions de formation (CPF) et d’actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle destinées aux salariés particulièrement exposés aux trois facteurs de risque ergonomiques (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques).

 

Les orientations du fonds sont décidées par la CAT-MP, qui établit une cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés aux facteurs de risque ergonomiques, notamment dans les secteurs qui n’ont pas établi d’accord de branche sur la question.

Les branches professionnelles peuvent donc, si elles le souhaitent, contribuer à l’identification des métiers et activités concernés dans le cadre de la négociation de branche.

Le FIPU pourra financer :

  • les entreprises, notamment celles identifiées par les Carsat, pour leurs actions de prévention et de formation à destination des salariés exposés aux facteurs de risque ergonomiques ; 
  • les organismes professionnels chargés de la santé, de la sécurité et des conditions de travail conventionnés avec la CNAM ;
  • France compétences, qui répartira la dotation entre les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Ces dernières financeront les projets de transition professionnelle (PTP) en vue d’accéder à un emploi non exposé aux facteurs de risque ergonomiques, à condition que ces projets fassent l’objet d’un cofinancement assuré par l’employeur et que le salarié concerné justifie d’une durée minimale d’activité professionnelle dans un métier concerné par les facteurs de risque ergonomiques.

Des précisions sont attendues par décret.

La FFB espère voir cette mesure reprise à l’avenir dans une nouvelle loi.

Besoin d’aide ?

Contactez votre fédération.

Contenu réservé aux adhérents FFB

  • Profitez aussi de conseils et de soutien

    Des services de qualité, de proximité, avec des experts du Bâtiment qui connaissent vos enjeux métier et vous accompagnent dans votre quotidien d'entrepreneur.

  • Intégrez un réseau de 50 000 entreprises

    La FFB est fière de représenter toutes les entreprises du bâtiment, les 2/3 de nos adhérent(e)s sont des entreprises artisanales.

  • Bénéficiez des dernières informations

    Recevez Bâtiment actualité 2 fois par mois pour anticiper et formez-vous aux évolutions des métiers ou de la législation.

Pour contacter facilement votre fédération et accéder aux prochaines réunions
Vous n'êtes pas adhérent et vous cherchez une information ?