Insuffisance professionnelle - un motif de licenciement non disciplinaire

Un employeur peut, après le terme de la période d’essai, licencier un salarié pour des faits non fautifs qui tiennent à son incapacité à occuper de façon satisfaisante son emploi, alors même que les éventuelles formations nécessaires lui ont été dispensées.
9:2417/09/2024
Rédigé par FFB Nationale

Qu’est-ce que l’insuffisance professionnelle ?

 

Il s’agit de l’incapacité durable du salarié à exercer de manière satisfaisante l’ensemble de ses fonctions, d’un manque de compétences qui se traduit par une inadaptation du salarié à l’emploi qu’il occupe.

 

Cette incapacité peut se manifester par des erreurs et échecs répétés : le salarié ne parvient pas à accomplir les missions qui lui sont confiées et qui pourtant sont conformes à sa qualification.

 

Peut-on licencier un salarié pour insuffisance professionnelle ?

 

Depuis longtemps, la jurisprudence admet que l’insuffisance professionnelle puisse constituer un motif réel et sérieux de licenciement. Mais à quelles conditions ?

 

L’obligation d’adaptation du salarié

 

Avant d’envisager le licenciement du salarié pour insuffisance professionnelle, il faut s’assurer que celle-ci n’est pas liée à un défaut d’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi, du fait par exemple de l’apparition de nouvelles technologies.

 

Il convient donc, en cas de besoin, de fournir la formation nécessaire au maintien du salarié dans son emploi1. Si le salarié persiste à commettre des erreurs malgré la formation et le temps d’adaptation, plus ou moins longs, qui lui sont accordés, l’insuffisance professionnelle pourra alors être reconnue.

 

Les recadrages préalables du salarié

 

Pour pouvoir se prévaloir de l’insuffisance professionnelle comme motif de licenciement, il est essentiel, dès ses premiers signes, d’en parler avec le salarié pour tenter de comprendre et de rétablir la situation. Un ou plusieurs entretiens, dits de recadrage, sont recommandés, dans la mesure du possible. À défaut, l’envoi de lettres d’observations et de mises en garde préalables semble à tout le moins nécessaire.

 

Des faits précis et vérifiables2

 

Dans le cadre de son pouvoir de direction, il appartient à l’employeur d’apprécier si le salarié effectue correctement son travail. Il est aisé de caractériser l’insuffisance professionnelle à partir d’un mauvais travail que le chef d’entreprise devra reprendre.

 

Ainsi, le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié manœuvre du bâtiment a été validé par la Cour de cassation au motif que le salarié « n’exécutait pas correctement les tâches qui lui étaient confiées, lesquelles correspondaient à sa qualification professionnelle, que le travail qu’il effectuait devait être refait et que lors d’un chantier il avait commis des dommages3 ».

 

Des lettres de clients insatisfaits ou des réclamations d’autres personnes (maître d’ouvrage, chef d’une entreprise tierce intervenant sur le même chantier…) peuvent contribuer à justifier les défaillances du salarié.

 

Il est moins facile de prouver l’insuffisance professionnelle à partir d’un volume de travail jugé insatisfaisant, surtout si aucun objectif chiffré n’a été fixé dans le contrat de travail (voir encadré).

 

La comparaison peut alors être faite avec d’autres salariés aux fonctions identiques. Si, effectivement, ce rapprochement démontre un écart très significatif de rendement entre un salarié et ses collègues, cet élément, s’il est durable et non résorbé malgré les injonctions, pourrait être de nature à établir les insuffisances de l’intéressé.

 

Quelle est la nature du licenciement pour insuffisance professionnelle ?

 

Il s’agit d’un licenciement pour motif personnel non disciplinaire. Ce licenciement n’est pas lié à une faute du salarié, c’est-à-dire à un acte volontaire ou à un manquement délibéré de sa part à ses obligations. Il est lié à l’incompétence du salarié, à son inadaptation au poste occupé.

 

Mais il peut être parfois délicat d’apprécier si la mauvaise qualité du travail relève de l’insuffisance professionnelle ou de la faute disciplinaire : incapacité ou mauvaise volonté du salarié ?

 

À cet égard, les erreurs, les malfaçons soudaines après plusieurs années de travail irréprochable tendraient davantage à caractériser la désinvolture du salarié, son désengagement et donc une faute de sa part plutôt qu’une insuffisance professionnelle.

 

L’incompétence, l’inefficacité non fautives sont, elles, détectables plutôt dans les toutes premières années, voire les premiers mois qui ont suivi la période d’essai.

 

Le caractère non fautif de l’insuffisance professionnelle implique que le licenciement pour ce motif échappe au droit disciplinaire. À ce titre, l’employeur peut, par exemple, s’appuyer sur des manquements dont il a pris connaissance plus de deux mois avant d’engager la procédure de licenciement4.

 

La motivation de la lettre de licenciement est essentielle à cet égard. Si les reproches faits au salarié dans la lettre sont de nature disciplinaire et ne relèvent pas d’un simple manquement involontaire dans l’exécution du travail, le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle sera jugé abusif5.

 

Ainsi, dans une lettre motivée par l’insuffisance professionnelle, il convient d’éviter le plus possible les termes qui pourraient caractériser une faute du salarié : on parlera d’erreurs plutôt que de fautes, d’inorganisation plutôt que de mauvaise volonté, etc.

 

À l’inverse, si l’entreprise se place sur le terrain disciplinaire, en licenciant par exemple le salarié pour faute grave, il n’est pas possible par la suite de requalifier cette rupture en licenciement pour insuffisance professionnelle6.

 

À noter : avant le licenciement, il se peut que l’employeur ait notifié à son salarié des avertissements (sanctions disciplinaires) pour des faits de même nature que ceux qui justifient aujourd’hui la rupture du contrat.

 

Le fait qu’il se soit placé au préalable sur le terrain disciplinaire oblige-t-il l’employeur à poursuivre dans cette voie et à licencier le salarié pour faute ?

 

Non, il peut encore être envisagé un licenciement pour insuffisance professionnelle7.

 

Suivant la même logique, le fait qu’un salarié ait été mis à pied à titre conservatoire ou ait refusé une proposition de rétrogradation disciplinaire n’interdit pas son licenciement pour insuffisance professionnelle. Celui-ci sera jugé légitime si les faits décrits dans la lettre de licenciement caractérisent une telle insuffisance8.

 

  1. Le Code du travail impose à l’employeur d’assurer « l’adaptation des salariés à leur poste de travail » et de veiller « au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » (art. L. 6321-1).
  2. Soc. 23 mai 2000, n° 98-42064.
  3. Soc. 25 septembre 2012, n° 11-10684.
  4. Au contraire, en matière de faute, l’employeur ne peut engager une procédure disciplinaire plus de deux mois après avoir pris connaissance des faits reprochés aux salariés (art. L. 1332-4 Code du travail).
  5. Soc. 9 janvier 2019, n° 17-20568 : dans sa lettre de rupture, il était reproché à une salariée licenciée pour insuffisance professionnelle des faits caractérisant plutôt une insubordination (ex. : « refus de manière presque systématique de se soumettre aux directives de son supérieur hiérarchique »).
  6. Soc. 17 janvier 2013, n° 12-10051 et 31 mars 2010, n° 08-70277.
  7. Soc. 15 septembre 2009, n° 07-43478.
  8. Soc. 9 mars 2022, n° 20-17005 et 3 février 2010, n° 07-44491.
Qu'est-ce que l'insuffisance de résultats ?

C’est l’incapacité du salarié a atteindre les objectifs qui ont été fixés dans son contrat de travail. Cela concerne notamment des commerciaux auxquels le contrat assigne le plus souvent des résultats chiffrés, en chiffre d’affaires par exemple, à atteindre dans un certain délai.

 

Mais pour justifier un licenciement pour insuffisance de résultats, encore faut-il que les objectifs soient réalisables, c’est-à-dire compatibles avec l’état du marché ainsi qu’avec la qualification du salarié 1.

 

Par ailleurs, les mauvais résultats du salarié doivent lui être personnellement imputés, en d’autres termes l’insuffisance de résultats doit résulter de la seule insuffisance professionnelle du salarié 2. On ne peut lui faire supporter ni les effets d’une mauvaise conjoncture économique 3, ni les carences de l’employeur 4.

 

  1. Soc. 19 avril 2000, n° 98-40124.
  2. Soc. 3 février 2021, n° 19-24502.
  3. Soc. 4 avril 2001, n° 99-41651.
  4. Soc. 27 avril 2000, n° 98-41584.

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