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Contrat international : points de vigilance avant de signer avec un cocontractant européen
Lors de la conclusion d’un contrat privé, les parties sont libres de choisir la loi applicable, ainsi que la juridiction compétente en cas de litige. Toutefois, des dérogations peuvent s’appliquer dans certaines matières, ou bien du fait de l’existence, dans certains États membres, de « lois de police », qui priment pour des raisons d’intérêt général.
Compte tenu de la diversité des relations contractuelles, il n’existe pas de contrat-type. Il revient aux cocontractants de déterminer ensemble les clauses contractuelles.
En cas de litige, la juridiction compétente est, en principe, celle du domicile du défendeur, mais un autre tribunal peut être désigné dans certains cas. Les parties peuvent également recourir à l’arbitrage pour le règlement des différends.
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Points clés :
- Déterminer la loi applicable au contrat ;
- Vérifier les « lois de police » applicables ;
- Définir les clauses contractuelles
- Identifier le tribunal compétent en cas de litige.
Quelle est la loi applicable au contrat ?
Les règles de détermination de la loi applicable se déclinent ainsi :
Le libre choix des parties
En vertu du règlement européen dit « Rome I »1, « le contrat est régi par la loi choisie par les parties » (article 3). Ainsi, une entreprise française et son cocontractant, ressortissant d’un autre pays membre de l’Union européenne, peuvent donc se référer librement au droit français, à celui du pays de l’autre contractant, du pays d’exécution de la prestation ou encore celui d’un pays tiers.
Ce choix doit être mentionné expressément dans le marché. Un contrat sans loi applicable n’est, en effet, pas concevable.
À défaut d’accord express des parties, les liens les plus étroits avec le contrat
Si les cocontractants n’ont pas déterminé de loi applicable au contrat, il faut, en vertu du Règlement « Rome I » précité, rechercher des indices pour rattacher le contrat à un système législatif avec lequel il a les « liens les plus étroits » : résidence habituelle du débiteur de la prestation, lieu d’exécution de la prestation, lieu de situation de l’immeuble…
Exemples :
- le contrat de vente de biens et le contrat de prestation de services (cf. marchés de travaux de bâtiment) sont régis par la loi du pays dans lequel le vendeur ou le prestataire de services a sa résidence habituelle ;
- le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'immeuble ;
- le contrat de transport de marchandises est, sauf choix des parties, la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, dans la mesure où le lieu de chargement, de livraison ou la résidence habituelle de l'expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s'applique ;
- le contrat conclu par un professionnel avec un consommateur est soumis, à défaut de choix, à la loi du pays de résidence habituelle du consommateur.
En tout état de cause, il faut tenir compte des « lois de police » de chaque État
Quelle que soit la loi choisie par les parties pour s’appliquer au contrat, ce choix ne doit pas déroger aux « lois de police » ou d’ordre public du pays d’exécution dudit contrat. Les lois de police sont celles qui s’appliquent en tout état de cause, quelle que soit la loi choisie par les parties. Elles concernent essentiellement l’intérêt général, l’organisation politique, sociale ou économique d’un pays.
Lorsque la loi du contrat est déterminée, elle se voit reconnaître un large domaine d’application, que ce soit pour la formation, l’exécution ou l’inexécution des obligations. Il est donc prudent de se renseigner à l'avance sur les règles les plus fréquemment appliquées par la loi choisie et l’éventuelle application des lois de police et ne pas choisir la juridiction d’un État dont les règles de procédure et le formalisme sont complexes.
1 Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), JOUE du 4 juillet 2008. Le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni ne sont pas couverts par ce règlement.
Quelles clauses introduire au contrat ?
Compte tenu de la diversité des situations et des différences de règlementation entre pays, il est difficile de proposer un ensemble de clauses-type à inclure dans un contrat international privé. Il revient aux cocontractants de déterminer, ensemble, les clauses qui s’appliqueront au contrat.
Les clauses habituelles pour un marché de travaux concerneront, le plus souvent, les conditions et modalités de paiement (avances, acomptes, solde, révision des prix, moyens de paiement, devises…), les garanties de paiement (contractuelles ou selon la législation applicable), les assurances et responsabilités, les modalités de la réception des travaux, de résiliation du contrat ou de règlement des différends (arbitrage ou juridiction compétente), le droit applicable, etc.
Il faut toutefois être vigilant à ne pas s’imposer des obligations, légitimes et habituelles en France, qui ne pourraient s’appliquer dans les mêmes conditions dans un pays étranger. De même, il faut être vigilant quant aux obligations et/ou interdictions susceptibles de s’appliquer dans la législation choisie.
Certaines organisations internationales2 proposent des modèles de contrat-type, parfois payants, qui s’appliquent en général aux grands contrats. Il est toutefois possible de s’en inspirer pour les négociations contractuelles.
Quel est le tribunal compétent en cas de litige ?
Principe général
En principe, la juridiction compétente en cas de litige est celle du domicile du défendeur (la personne qui est attaquée devant une juridiction).Toutefois, s’il existe un lieu de rattachement du contrat très étroit, le demandeur (celui qui attaque devant un tribunal) peut exercer certaines options et préférer le tribunal désigné par le règlement dit « Bruxelles I bis »3.
Ainsi, en matière contractuelle, il est possible de choisir la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande. Pour la fourniture de service, il s’agirait de l’État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis (par exemple, le lieu de réalisation des travaux).
En tout état de cause, il est important que les clauses du contrat soient clairement rédigées afin de limiter les recours en interprétation et l’application de principes applicables à des situations exceptionnelles.
Spécificités
Pour certains types de contrats, tels que les contrats d’assurance, de consommation et de travail, le règlement « Bruxelles 1 bis » indique qu’« il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales ». Ainsi, par exemple, pour les contrats conclus avec des consommateurs, le tribunal compétent est celui du domicile du consommateur poursuivi. Si le consommateur intente l’action, il a le choix entre le tribunal du domicile de l’autre partie ou celui du lieu de son domicile.
Le règlement « Bruxelles 1 bis » a également fixé, de manière exclusive, le tribunal compétent pour certaines matières, telles que les droits réels immobiliers, le droit des sociétés, etc.
Limitations de fait au choix du tribunal
Un tribunal s’impose lorsqu’il existe un lien entre le droit applicable au contrat et le tribunal que l’on souhaite déclarer compétent (exemple : désignation d’un tribunal allemand pour juger un litige relatif à un contrat soumis au droit allemand).
Concernant l’exécution du jugement, elle sera forcément plus rapide dans le pays du tribunal qui a prononcé le jugement.
Enfin, lorsque le tribunal est régulièrement désigné, sa compétence est exclusive : il n’est pas possible de soumettre le litige – parallèlement ou ultérieurement – à un autre juge.
2 Voir les sites de la Chambre de commerce internationale (www.icc-france.fr), la Fédération internationale des ingénieurs-conseils (FIDIC -http://fidic.org/) ou le Centre de commerce international (rattaché à l’ONU et à l’OMC - www.intracen.org).
3 Règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012 « concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ».
Afin de faciliter et accélérer la circulation des décisions en matière civile et commerciale au sein de l'UE, le règlement « Bruxelles 1 bis » a introduit plusieurs réformes depuis 2015 :
- suppression de l'exequatur (procédure constatant la force exécutoire d'une décision dans un autre État membre) ;
- reconnaissance, dans les autres États membres, des décisions rendues dans un État membre, sans procédure particulière ;
- caractère exécutoire, dans tous les États membres, de toute décision présentant ce caractère dans l'État membre d'origine, sans déclaration spécifique ;
- non application, par les États membres, des règles nationales de compétence à l'égard des consommateurs et des salariés ayant leur domicile hors de l'UE ;
- possibilité de sursis à statuer, voire prononcé du terme d’une procédure par la juridiction d'un État membre, lorsqu’une juridiction d'un État tiers (hors UE) a préalablement été saisie d'une action entre les mêmes parties ou d'une action connexe (« litispendance internationale »).
Peut-on recourir à l’arbitrage ?
Pour certaines matières, il est impératif d’avoir recours aux juridictions étatiques (exemple : questions relatives à l’état civil, à la capacité des personnes ou concernant une loi d’ordre public). Ainsi, en droit français, il est impossible de compromettre sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics, donc les marchés publics.
Il faut donc systématiquement vérifier, dans chaque législation concernée, si l’arbitrage est autorisé.
Hormis ces cas, les parties peuvent choisir de régler leur différend par arbitrage, c’est-à-dire par la décision d’un tribunal composé d’une ou plusieurs personnes physiques nommées arbitres.
Les parties peuvent décider de recourir à l’arbitrage au choix :
- en amont du différend, en incluant une clause compromissoire dans le contrat, qui anticipe les litiges éventuels et prévoit le recours à l’arbitrage ;
- lors de la survenance du litige en cours d’exécution du contrat, avec la signature d’une convention d’arbitrage (ou « compromis ») qui précise notamment l’identité et la mission de l’arbitre.
Le recours à un arbitre est payant. Sa rémunération, qui dépend notamment de sa notoriété, peut atteindre des montants très élevés. Toutefois, le recours à un arbitre présente un double avantage : absence de publicité du litige et rapidité de décision. De plus, il est parfois plus simple de recourir à un arbitre spécialisé que de choisir le tribunal d’un État dont on ne maîtrise ni la langue, ni les procédures.
Selon la convention d’arbitrage, l’arbitre applique tel ou tel droit national ou statue en équité.
La sentence arbitrale, c’est-à-dire la décision finale prise par l’arbitre, devient contraignante lorsqu’elle est revêtue, par un juge, de la formule exécutoire (« l’exequatur »). Elle est nécessaire notamment lorsque la sentence est rendue à l’étranger, pour recevoir exécution en France. Le juge n’a pas le droit de réviser la décision arbitrale.
Ces règles applicables en France peuvent être différentes dans d’autres pays. Il est donc fondamental de se mettre d’accord avec son cocontractant sur les modalités de l’arbitrage et sa force obligatoire, le plus en amont possible.
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