Détacher ses salariés en Europe : points de vigilance et formalités

Lors de l’exécution de travaux dans un autre État membre de l’Union européenne, l’employeur peut être amené à détacher son personnel pour une durée déterminée. Le détachement permet de conserver le lien juridique entre l’employeur et le salarié, tout en maintenant la couverture sociale du pays d’affiliation de ce dernier et sans subir la charge de doubles cotisations.

 

En vue du détachement, certaines formalités doivent être accomplies avant le départ et, parfois, dans le pays d’intervention. De même, il est important de vérifier la règlementation applicable localement.

13:1102/03/2023
Rédigé par FFB Nationale

Points clés :

  • Adapter le contrat de travail et la rémunération aux conditions du détachement ;
  • Effectuer les formalités préalables au détachement ; 
  • Vérifier la règlementation applicable dans le pays d’intervention.

 

 

 

Quel est l’impact du détachement sur le contrat de travail du salarié ?

 

Pendant tout le temps du détachement, le lien de subordination entre l’employeur et le salarié est maintenu. Le salarié conserve le bénéfice de la loi qui régit son contrat de travail – notamment en cas de litige – et qui correspond au lieu habituel d’emploi (c’est-à-dire la France)1. Le contrat de travail continue donc de produire les mêmes effets, sous réserve des aménagements apportés durant la période de détachement.

Dans le Bâtiment, les rapports entre les employeurs établis en France et leurs salariés sont régis par les lois et conventions collectives applicables sur le territoire français (à l’exclusion des DOM-TOM pour les conventions collectives). Les conventions collectives des Etam et des cadres contiennent des dispositions (respectivement chapitres VII.2 et VI.2) sur les déplacements hors de France métropolitaine, qui prévoient notamment l’établissement obligatoire d’une lettre de mission, pour les déplacements inférieurs à trois mois, ou d’un avenant au contrat, pour les détachements supérieurs à trois mois, précisant les modalités du déplacement. Pour les ouvriers, aucune disposition conventionnelle nationale n’existe.

En toute hypothèse, envoyer un salarié travailler temporairement sur un territoire étranger implique, par souci de sécurité juridique, la conclusion d’un avenant temporaire au contrat de travail constatant l’accord de l’employeur et du salarié sur le principe et les modalités du détachement. En l’absence d’une telle précaution, l’employeur s’expose à un risque de contentieux.

C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir, avant le départ du salarié, les conditions pratiques du détachement : acheminement des salariés, conditions de séjour, prise en charge directe ou non des frais.

 

1 Solution entérinée par la Convention de Rome, traité international entré en vigueur le 1er avril 1991, repris par le Règlement Rome 1 du 17 juin 2008.

 

 

Quelle est la rémunération du salarié détaché ?

 

En cas de détachement, les textes nationaux et européens se réfèrent aujourd’hui à la rémunération du pays d’accueil.

Tout supplément éventuel de rémunération lié au détachement relève de la négociation contractuelle. À cet égard, peuvent être prises en compte les sujétions spécifiques liées au travail à accomplir ou les tâches supplémentaires dévolues pendant le détachement.

Au cas où l’employeur choisirait de verser des indemnités forfaitaires de grand déplacement au titre des frais de nourriture et de logement, un barème d’exonération de cotisations sociales fixé par pays s’applique. Dans ce cas, les limites d’exonération sont celles applicables aux indemnités de mission allouées aux personnels civils et militaires de l’État, Groupe I2.

 

À quel régime de protection sociale le salarié détaché est-il rattaché ?

 

En principe, le salarié détaché au sein de l’Union européenne demeure affilié au régime de protection sociale de son pays d’origine3, sous certaines conditions :

  • l’employeur doit exercer ses activités substantielles sur le territoire de l’État d’emploi, c’est-à-dire des activités autres que la pure gestion administrative interne ;
  • l’employeur et le salarié détaché doivent conserver une relation directe ;
  • la durée prévisible du détachement ne doit pas excéder 24 mois ;
  • le salarié ne doit pas remplacer un autre travailleur parvenu au terme de son détachement.

 

Lorsque la situation de détachement n’est pas constatée, et que les critères ci-dessus rappelés ne sont pas remplis, les salariés relèvent, en principe, du régime de sécurité sociale en vigueur dans le pays d’accueil.

 

 

Quelles sont les formalités à accomplir en France et dans le pays d’intervention ?

 

Depuis janvier 2022, il convient de faire une demande de certificat de détachement en ligne, depuis le compte de l’employeur sur le site de l’Urssaf pour les travailleurs relevant du régime général. Le service permet de gérer les demandes de détachement à l’étranger, inférieures ou supérieures à trois mois.

Après accord, l’Urssaf délivre un certificat de détachement à télécharger. Il atteste que votre salarié reste couvert par la Sécurité sociale française dans le ou les pays mentionnés. Le salarié doit pouvoir le présenter en toutes circonstances en cas de contrôle ou de besoin dans le pays étranger.

Au regard de la directive 2014-1967/UE sur l’exécution de la directive Détachement (article 9), l’État membre d’intervention peut, selon la situation, exiger de l’entreprise qu’elle :

procède à une déclaration de détachement des salariés, qui contient notamment les informations suivantes : identité du prestataire, nombre et identité des travailleurs détachés, la personne de liaison et la personne de contact, la durée prévue du détachement avec les dates de début et de fin, l’adresse du ou des lieux d’intervention, la nature des services accomplis ;

désigne une personne chargée d’assurer la liaison avec les autorités compétentes de l’Etat d’accueil ;

désigne une personne de contact pouvant agir en qualité de représentant de l’entreprise (auquel peuvent s’adresser les partenaires sociaux afin qu’il engage des négociations collectives).

 

L’État membre d’accueil est susceptible d’imposer des exigences supplémentaires. Il convient dès lors de vérifier les démarches à accomplir avant le départ (voir la liste des sites Internet des États membres dans les Contacts utiles).

 

À noter : afin d’assurer une protection sociale équivalente à celle dont bénéficie le salarié sur le territoire français et de gérer au mieux le détachement, l’employeur peut souscrire des assurances spécifiques (mutuelle, rapatriement...) si besoin est.

 

2 Les barèmes de frais de mission peuvent être obtenus sur : www.economie.gouv.fr/dgfip/mission_taux_chancellerie/frais

3 Règlement CE n° 883/2004 et règlement CE n° 987/2009.

 

 

Quelle est la réglementation applicable dans le pays d’exécution de la prestation de services ?

 

L’employeur qui détache ses salariés dans un État membre de l’UE doit respecter l’ordre public social du pays dans lequel les salariés sont détachés4.

Les directives sur le détachement5 imposent le respect d’un noyau dur de règles impératives minimales dans l’État d’accueil, telles que :

  • les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;
  • la durée minimale des congés annuels payés ;
  • la rémunération, y compris les taux majorés pour les heures supplémentaires;
  • les conditions de mise à disposition des travailleurs ; 
  • la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ;
  • les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ;
  • l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que des dispositions en matière de non-discrimination ;
  • les conditions d’hébergement des salariés lorsque l’employeur propose un logement à ceux éloignés de leur lieu de travail habituel ;
  • les allocations ou le remboursement de dépenses en vue de couvrir les frais liés au voyage, au logement et à la nourriture.

 

En cas de détachement d’une durée supérieure à un an (ou dix-huit mois à la suite d’une notification motivée de l’entreprise auprès des autorités locales), l’ensemble des conditions de travail et d’emploi obligatoires de l’Etat d’accueil sont applicables.

L’obligation de respect des salaires minimaux locaux, supérieurs à la France dans certains pays (cf. Allemagne, Suisse), peut nécessiter de verser au salarié un complément de salaire, soumis aux cotisations sociales dues en France.

De plus, les autorités locales exigent parfois le dépôt de garanties pour couvrir toute fraude éventuelle qui serait détectée en cas de contrôle.

 

À noter : une information sur la règlementation du travail applicable dans chaque État membre de l’UE est en principe disponible auprès du bureau de liaison compétent de cet État (voir les Contacts utiles).

 

 

Que se passe-t-il en cas de contrôle des autorités du pays d’intervention ?

 

En cas de contrôle par les autorités du pays d’intervention lors de la réalisation de la prestation, l’entreprise doit conserver et fournir les contrats de travail, fiches de paie, relevés d’heures, preuves du paiement des salaires ou tous documents équivalents, en format papier ou électronique, dans la langue officielle dudit État membre.

 

 

4 Cela résulte des règles de droit international privé, de la Convention de Rome et du règlement Rome 1, ainsi que des dispositions de la Directive de 1996 concernant le statut des travailleurs détachés.

5 Directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, Directive 2014/67/UE relative à l’exécution de la directive 96/71/CE et Directive (UE) 2018/957 du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE.

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