Interruption et reprise de travaux par une autre entreprise : quelles précautions prendre ?

L'entrepreneur doit assurer de façon continue l'exécution de ses prestations. Cependant, en pratique, il arrive que le chantier soit interrompu après avoir été abandonné par son titulaire. Afin de le terminer, le maître de l'ouvrage fait reprendre ou terminer les travaux par une autre entreprise. Quelles précautions cette entreprise « repreneuse » doit-elle prendre avant d'intervenir ?
11:0024/05/2017
Rédigé par FFB Nationale
revue
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Batiment Actualité Numéro 9 | Mai 2017

L'entreprise « repreneuse » doit :

  • vérifier que le maître de l'ouvrage a mis en demeure l'entreprise défaillante
    Cette mise en demeure doit être faite par lettre recommandée avec avis de réception pour lui signifier son abandon de chantier (l'entreprise étant représentée, le cas échéant, par un administrateur judiciaire pour le redressement et par un liquidateur judiciaire pour la liquidation).
  • vérifier aussi si l'abandon de chantier a été constaté par un huissier de justice
    Ces vérifications permettront d'éviter toute contestation de l'entreprise défaillante, qui pourrait toujours considérer le chantier comme le sien... à juste raison, si ces procédures n'étaient pas suivies par le maître de l'ouvrage.
  • conseiller au maître de l'ouvrage d'établir un décompte avec l'entreprise défaillante
    Cela permettra de figer, au moment de l'abandon, les sommes dues pour les travaux exécutés, les pénalités à appliquer, les retenues pour malfaçons, les dommages et intérêts, etc.
  • dresser un constat contradictoire des travaux avec le maître de l'ouvrage
    Il est nécessaire de pouvoir différencier les travaux exécutés par les deux entreprises successives pour des questions de responsabilité.
    C'est encore plus important lorsque les travaux interrompus servent de support aux nouveaux travaux.
    L'entreprise « repreneuse » doit les réceptionner avec attention, faire des réserves ou refuser les travaux, en fonction de leur état.Si le maître de l'ouvrage a déjà dressé un constat avec l'entreprise défaillante, l'entreprise « repreneuse » en demandera une copie pour bien situer son intervention et se différencier de l'intervention précédente.
    Si cela n'a pas été fait, ou a été mal fait ou ne correspond pas aux constatations de l'entreprise « repreneuse », cette dernière demandera au maître de l'ouvrage d'effectuer, en sa présence, un nouveau constat des travaux exécutés. Ce constat sera signé par les parties. Si cela ne pouvait se faire, un constat par huissier de justice serait nécessaire.

Qu'est-ce que...

  • Un abandon de chantier « sans raison » : du jour au lendemain, plus personne sur le chantier
  • Un abandon « légitime » : maladie grave, accident, arrêt du chantier décidé par un mandataire judiciaire en cas de procédure collective...
  • signer un marché, un devis avec le maître de l'ouvrage, déterminant les travaux à exécuter
    Il faut clairement séparer la reprise des malfaçons de l'entreprise défaillante des travaux nouveaux qui n'ont pas été exécutés.

    L'entreprise « repreneuse » doit :
    • refuser un avenant au marché précédent et exiger la signature d'un marché distinct
    • bannir les termes « reprendre », « terminer », « succéder », « finir »...,
    au risque sinon d'être considérée comme exécutant le marché d'origine et, ainsi, de supporter les responsabilités découlant des vices cachés affectant les travaux antérieurs et découverts plus tard.

Soyez donc très attentif et n'hésitez pas à introduire des clauses de non-responsabilité pour les anciens travaux.

Ce document servira à justifier votre présence sur le chantier confié initialement à un autre entrepreneur.

Ces conseils permettront de définir la limite des prestations réalisées par chacune des entreprises intervenues successivement sur le chantier.

 

Pensez à contacter votre fédération avant de vous engager !

Du point de vue de l'assurance de l'entreprise « repreneuse »

Au titre de l'assurance décennale, deux points doivent retenir son attention :

  • c'est la date de la DOC (déclaration d'ouverture du chantier) qui détermine le contrat d'assurance décennale applicable 1. L'entreprise doit justifier être assurée au titre de sa responsabilité décennale à la date de la DOC.
    S'agissant d'un chantier déjà commencé, l'entreprise devra se renseigner auprès du maître de l'ouvrage ou du maître d'oeuvre sur la date de la DOC, de façon à déterminer l'assureur décennal qui la couvre à cette date, en particulier en cas de changement d'assureur ;
  • vérifier que les activités visées dans son marché et les produits ou procédés de construction qu'elle va mettre en oeuvre sont couverts par son assurance. À défaut, demander à son assureur d'étendre son contrat par avenant spécifique.

Pour les dommages survenant avant réception, seuls certains événements extérieurs peuvent être pris en charge par une assurance : effondrement, incendie, dégât des eaux... à condition que l'entreprise ait fait la démarche de s'assurer ou qu'elle bénéficie d'une assurance tous risques chantier souscrite pour l'opération.

Dès lors, s'il s'avérait qu'un défaut des travaux réalisés antérieurement dégrade les nouveaux travaux exécutés par l'entreprise avant leur réception, l'entreprise ne serait pas couverte par une assurance.

Elle devrait demander au maître de l'ouvrage de faire jouer l'assurance de l'entreprise précédente ou de réparer à ses frais, à condition d'avoir introduit une clause dans son contrat laissant à sa charge les risques des anciens travaux.

D'où l'importance du constat contradictoire et des conditions fixées dans le nouveau marché concernant les travaux déjà réalisés, pour protéger les intérêts de l'entreprise « repreneuse ».

 

 

1. À défaut, c'est la date du premier ordre de service ou, à défaut, la date du commencement des travaux. Si l'entreprise crée son activité après cette date, on retiendra la date du commencement effectif des travaux.

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