Quelle a été votre réaction à l’annonce d’Emmanuel Macron ? Comment avez-vous géré vos collaborateurs ?
Nous œuvrons en plomberie, chauffage et électricité, aussi bien sur chantier qu’en dépannage. C’est donc un facteur un peu particulier en ce moment.
Le lendemain de l’annonce du confinement, tous les compagnons sont arrivés à l’entreprise à l’heure de l’embauche. Nous avons fait une réunion, au cours de laquelle il a été décidé de fermer l’entreprise, à la demande de la quasi-totalité des compagnons.
Nous avons travaillé le matin pour terminer les chantiers qui pouvaient l’être, tels que des remplacements de chaudières qu’il fallait remettre en route avant de quitter les clients. À midi, tout s’est arrêté. L’après-midi, je suis resté seul à l’entreprise pour organiser un service après-vente et voir comment traiter les urgences à venir (dépannage en plomberie, en chauffage, en électricité).
Depuis lors, nous assurons un secrétariat téléphonique de façon à pouvoir répondre aux clients. Nous avons une très grosse clientèle de particuliers. Mais le téléphone sonne peu et notre activité de dépannage tourne autour d’une journée sur deux.
Pour remplir cette fonction, les compagnons sont volontaires (deux au total). J’ai fourni masques (antipoussières), gants et gel, enfin ce que nous avons en stock. Car nous ne pouvons pas nous réapprovisionner.
Concrètement, comment cela se passe-t-il pour les dépannages ?
Pour minimiser les contacts avec les clients, nous leur demandons de ne pas rester dans la même pièce que nous. Et, bien que les compagnons aient du gel hydroalcoolique dans les véhicules, nous demandons aux clients un accès à un point d’eau équipé de savon.
Côté fournisseurs, un service minimum a été mis en place pour les changements de pièces sur chaudière ou pompe à chaleur, par exemple. C’est comme au drive : nous passons commande et allons chercher les pièces dont nous avons besoin.
Et avec vos deux compagnons, comment cela se passe-t-il ?
Les deux premières semaines, il n’y a eu qu’un compagnon pour faire du chantier. Mais désormais, un autre l’a rejoint. Il m’a appelé pour reprendre le travail. Alors, nous avons aménagé ensemble ses horaires : il travaille de 6 heures à midi, du lundi au samedi, et le mercredi après-midi. Pour déjeuner, il rentre chez lui. C’est donc pour l’entreprise un casse-tête de moins que de savoir où faire manger ses compagnons.
Nous avons ensuite sélectionné deux chantiers où il n’y a pas d’autre entreprise en activité actuellement. Cela nous permet d’avancer et de libérer la place pour les lots qui doivent intervenir après nous. Lui, il est électricien. Lorsque la reprise sera là, il faudra remettre en place l’enchaînement des plannings des entreprises, et je pense que cela va poser quelques problèmes.
Lors des déplacements, vos compagnons sont-ils contrôlés par les forces de l’ordre ? Cela pose-t-il des problèmes ?
Aucun problème, peut-être du fait que nos camions sont estampillés « Plomberie, chauffage, électricité, dépannage-entretien ». En revanche, ce n’est pas le cas pour le secrétaire et la comptable. Cette dernière est venue trois jours la semaine dernière pour assurer la facturation et elle a été contrôlée tous les matins par les forces de l’ordre, au même endroit. Heureusement, j’avais fait les attestations ad hoc.
Vos autres collaborateurs, avez-vous pu sans souci les mettre au chômage partiel ?
Je ne dirais pas ça. Nous avons, d’un côté, dix collaborateurs en arrêt maladie pour garde d’enfants (Ils ont touché leur rémunération sans difficultés), et de l’autre, des salariés qui sont au chômage partiel. Et c’est là que les choses se compliquent.
Nous devons nous inscrire sur le site de la DIRRECTE, qui a été saturé un bon moment. Nous y sommes finalement parvenus le mardi après-midi. Mais pour continuer l’opération, on devait recevoir un code sous 48 heures. Nous l’avons obtenu une semaine et demie après.
Cette deuxième étape consistait à indiquer le nombre d’heures et le nom des compagnons. La troisième, c’est l’accord de la DIRRECTE, et nous l’attendrions encore si mes contacts avec cet organisme, en qualité de président de la chambre des métiers, n’avaient pas fait accélérer les choses.
Et puis, en pratique, les consignes transmises par la FFB, pour remplir le dossier (cocher ou non la case coronavirus, donner tous les justificatifs essentiels…), et que bien évidemment nous avons respectées à la lettre, ont facilité le traitement.
Comment allez-vous vous organiser pour redémarrer ?
La première chose, c’est de rassurer nos compagnons et de faire preuve de pédagogie. Aujourd’hui, lorsque je les interroge individuellement, aucun n’est prêt à revenir travailler sans assurance sur les conditions d’accès.
J’attends donc, avec impatience, la sortie du guide de bonnes pratiques de l’OPPBTP. Reste à savoir si toutes les préconisations seront faciles à mettre en œuvre sur le terrain.
Pour reprendre, nous ciblerons en premier les chantiers les plus faciles à redémarrer, c’est-à-dire ceux où il n’y a pas ou peu de coactivité. Pour nous, ce seront ceux des particuliers, parce que les corps d’état arrivent plutôt les uns derrière les autres : le plaquiste, l’électricien, le peintre… enfin, dans l’ordre logique.
Pour les chantiers publics, il faut vraiment que tout le monde se mette autour de la table, le SPS en premier, de façon que les PPSPS soient revus et corrigés afin d’établir peut-être de nouveaux plannings, de nouveaux moyens de réfectoire, pour la période qui sera encore transitoire, pour limiter les contacts.
Il y aura un certain nombre de spécificités à mettre en œuvre, qui auront sans doute aussi un coût. Qui prend en charge ce coût ? Le maître de l’ouvrage, les entreprises ?
Pour reprendre, tous les acteurs seront amenés à bien analyser la situation.
Reste une question essentielle : et si, malgré tout, nos compagnons ne veulent pas reprendre, que fait-on ?