Marie Prost-Coletta,administratricegénérale, est depuis 2009déléguée ministérielleà l’accessibilité.Elle a notamment étéauparavant sous-directricedes ressources humainesau ministère duDéveloppement durable,et directrice régionaledes Affaires sanitaires etsociales (DRASS).
Pouvez-vous nous rappeler en quoi consistent les agendas d'accessibilité programmés, principalement pour les ERP, et comment ils s'articulent avec la loi de 2005 sur le handicap ?
Il faut rappeler tout d'abord que la loi de 2005 est très ambitieuse car elle pose le principe d'une société accessible dans son ensemble, qu'il s'agisse du cadre bâti, des transports, de la voirie, des espaces publics… Une telle évolution impliquait un changement collectif des mentalités, et donc un temps d'appropriation pour tous les acteurs de la société. Concernant plus précisément les ERP, la date limite pour leur mise en accessibilité avait été fixée initialement au 1er janvier 2015, soit dix ans après le vote de la loi. Celle-ci a eu un effet très positif sur les nouveaux ERP : environ 250 000 établissements conformes à la nouvelle réglementation ont été construits dans l'intervalle, ce qui est une avancée indéniable. En revanche, dans le parc existant, seule une minorité d'ERP avait réalisé des travaux de mise en accessibilité à l'approche de l'échéance fixée par la loi. C'est pourquoi le Gouvernement, sous l'impulsion de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, a décidé d'agir de manière concrète et concertée pour relancer la dynamique. En tant que déléguée ministérielle à l'accessibilité, j'ai été chargée d'animer une vaste concertation réunissant tous les acteurs concernés : associations du secteur du handicap, élus, représentants des établissements privés et des collectivités territoriales, architectes, promoteurs, acteurs du secteur de la construction - dont la FFB. Inédite à une telle échelle, cette concertation a débouché sur le dispositif des agendas d'accessibilité programmés. Le principe est simple : en déposant leur Ad'AP, les exploitants d'ERP prennent l'engagement d'effectuer des travaux et bénéficient d'un délai supplémentaire pour les réaliser - de trois ans dans la majorité des cas. Les Ad'AP leur permettent de préciser le rythme de mise en accessibilité de leurs établissements dans des limites bien encadrées, avec des points d'avancement et des durées butoirs.
Le dispositif des Ad'AP a-t-il réellement créé une dynamique ?
Il y a clairement eu un effet « boost » des Ad'AP dans la mise en accessibilité de notre paysage sociétal. Fin 2015, soit un peu plus d'un an après la création du dispositif, plus de 110 000 agendas avaient déjà été déposés, concernant au total 410 000 ERP. Les services des préfectures ont été renforcés pour faire face à l'afflux de dossiers. À mi-janvier 2016, 45 000 dossiers ont déjà été acceptés, concernant 130 000 ERP. Même si la date limite de dépôt était le 26 septembre 2015, nous acceptons encore les dossiers en retard. C'est le cas en particulier pour les collectivités qui gèrent un parc important d'ERP, notamment celles dont le patrimoine immobilier a été modifié suite à la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République), ce qui crée une difficulté supplémentaire. Il y aura certes des sanctions pour les ERP qui n'auront pas fait la démarche d'élaborer et de déposer leurs agendas 1, mais nous ne sommes pas dans l'accessibilité punitive : notre attitude est d'abord incitative. La mise en place des Ad'AP est allée de pair avec la simplification de la réglementation sur l'accessibilité.
Comment avez-vous procédé pour ce second chantier ?
Là encore, par la concertation. Tous les acteurs que nous avons réunis autour de la table, du côté des associations comme des professionnels de la construction, considéraient — pour des raisons souvent opposées — que la réglementation issue de la loi de 2005 ne convenait pas. Dans le même temps, nous devions être cohérents avec le chantier gouvernemental de la simplification normative et réglementaire, qui concerne en particulier le logement, avec l'objectif prioritaire de réduction des coûts. Nous avons dégagé ainsi un consensus sur tout un ensemble de mesures d'assouplissement très concrètes, qui ont été reprises ensuite dans des décrets d'application et qui concernent aussi bien les espaces de manœuvre et les largeurs de passage pour une personne en fauteuil roulant que les rampes d'accès, la possibilité d'installer un élévateur à la place d'un ascenseur, les caractéristiques d'un cabinet d'aisance… Par rapport à la réglementation issue de la loi de 2005, les nouvelles dispositions prennent beaucoup plus en compte la diversité des handicaps et les problèmes d'accessibilité qui peuvent concerner, au-delà des personnes en fauteuil, les personnes âgées ou malades, les parents avec une poussette… Un autre principe fondateur de nos travaux a été de distinguer clairement les règles qui s'appliquent aux bâtiments existants et aux bâtiments neufs.
Précisément, qu'en est-il des « travaux modificatifs de l'acquéreur » pour les logements neufs ?
Dans le cadre des ventes en état futur d'achèvement (Vefa), la réglementation offre aujourd'hui davantage de souplesse dans les travaux modificatifs que l'acquéreur peut faire réaliser sur son futur logement, par rapport au plan d'origine. Désormais, les contraintes ne concernent que l'accès à l'entrée et au séjour, et l'adaptabilité du cabinet d'aisance.
Quel regard portez-vous sur la démarche des Pros de l'accessibilité® développée par la FFB, et quel est plus généralement votre message aux entrepreneurs ?
Il est très important que les entreprises se forment via des démarches comme les Pros de l'accessibilité®. Comprendre le handicap sous toutes ses formes, identifier les besoins et attentes des personnes concernées, être attentif à chaque détail dans la mise en accessibilité d'un logement ou d'un ERP — car chaque détail compte — , échanger avec un ergothérapeute, se coordonner avec tous les acteurs d'un chantier pour éviter qu'un seul maillon de la chaîne ne compromette l'ensemble, tout cela s'apprend. Les entreprises ont tout intérêt aujourd'hui à investir dans l'acquisition de ces compétences spécifiques. Car le flux des agendas d'accessibilité programmés que nous sommes en train de traiter, c'est un flux de travaux programmés à court terme. Et au-delà de la mise en accessibilité des ERP se pose à moyen terme la question de l'adaptation des logements au vieillissement de la population. Pour répondre à ces enjeux, les maîtres d'ouvrage se tourneront vers les entreprises qui ont un savoir-faire reconnu. Il ne faut pas oublier que des aides publiques soutiennent ces politiques. Il y aura donc du travail pour ceux qui auront fait l'effort de se former et de se qualifier !
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Mi-janvier 2016, le décret précisant la procédure des sanctions était en cours d'examen par le Conseil d'État.Marie Prost-Coletta, administratrice générale, est depuis 2009 déléguée ministérielle à l'accessibilité. Elle a notamment été auparavant sous-directrice des ressources humaines au ministère du Développement durable, et directrice régionale