Si l'âge de raison met souvent un terme au temps du rêve et des possibles qu'est l'enfance, il arrive par bonheur que des vocations précoces s'épanouissent dans un métier. L'origine de son attirance pour la menuiserie, Clément Vicard la situe alors qu'il était tout petit, dans les moments passés aux côtés de son père, qui s'adonnait à des travaux de bricolage et ne manquait pas d'encourager cette passion naissante chez son fils. Tant et si bien qu'en classe de troisième, au moment de choisir une orientation, Clément opte tout naturellement pour la voie de l'apprentissage : « Mes professeurs se sont montrés très réticents, raconte-t-il. Ils m'ont expliqué qu'il était dommage de s'orienter vers un CAP de métier manuel et qu'il vaudrait mieux que je reste dans la filière générale. À 14 ans, on est sensible à l'opinion de ses professeurs?; j'aurais certainement douté et peut-être renoncé sans le soutien de mes parents, qui pensaient avant tout à mon épanouissement. »
Une transmission motivante
Clément est ensuite poussé dans la voie du perfectionnement et de l'excellence par Gilbert Chaperon et Hervé Leseure, ses maîtres d'apprentissage aux Compagnons du tour de France, et par Patrick Bacquet, son patron d'apprentissage. « Aujourd'hui en retraite, cet artisan menuisier établi à Fresnes (Val-de-Marne) travaillait avec un seul ouvrier, mais comme il avait la passion de transmettre, il accueillait deux apprentis. » Encouragé par ses mentors, Clément met son jeune talent à l'épreuve et devient l'un des lauréats du concours « L'un des Meilleurs Apprentis de France » en 2010. Puis il entame son tour de France. Il commence à songer aux Olympiades des métiers un peu plus tard, au contact d'un compagnon charpentier médaille d'argent de sa spécialité à Londres en 2011. « Je n'étais pas motivé par l'esprit de compétition, mais par l'amour de la menuiserie et le désir de montrer la beauté de ce métier, dans le même esprit de partage qui a marqué mon apprentissage », explique Clément. Les quatre années suivantes sont entièrement vouées à ce projet, ponctuées de galops d'essai couronnés de premières médailles (voir encadré). À six mois des épreuves des 43e Olympiades, Clément suspend toutes ses autres activités pour se consacrer à 100 % à sa préparation technique. « C'était indispensable pour pouvoir affronter les candidats de certains pays comme la Chine et la Corée du Sud, qui sont entraînés à temps plein depuis leur plus jeune âge. » Ses journées commencent tôt par un entraînement physique « pour arriver à 8 h à l'atelier en pleine possession de [ses] moyens », et elles se prolongent tard le soir avec l'exécution de gammes d'assemblages, d'anciens sujets de concours ou de créations.
Des efforts récompensés
Durant ces six mois, il y a eu, bien sûr, des hauts et des bas. « Les hauts, c'est quand on sent qu'on progresse, en le mesurant à la propreté ou à la rapidité d'une exécution - ou à travers le commentaire d'un coach. Les bas, ce sont les pièces loupées qui permettent néanmoins de connaître ses points faibles et de s'améliorer. » Mais l'effort porte ses fruits : « Dans la phase finale de l'entraînement et au moment de l'épreuve - c'est assez difficile à traduire en mots -, on arrive à la sensation que les outils sont le prolongement de la main et que l'on peut repousser ses limites. » Ayant atteint son objectif en montant sur le podium, Clément avoue qu'il a été un peu difficile de revenir au quotidien. Pour poursuivre dans sa voie et relever de nouveaux challenges (« gérer des équipes, des chantiers »), il a commencé un cursus de formation de conducteur de travaux qui doit lui permettre d'obtenir son diplôme en 2017. Au-delà, il n'exclut ni de partir à l'étranger ni de créer son entreprise. Mais à 22 ans, il estime qu'il n'a pas de raison de se bloquer sur un projet définitif. Dans l'immédiat, fidèle à son esprit de partage, il dispense chaque soir au sein de la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment des cours de perfectionnement à de jeunes menuisiers. Il repense aussi aux idées fausses qui courent sur les métiers manuels et avoue qu'il aimerait contribuer « à changer ça ».
Clément Vicard en bref
- Naissance en 1993.
- Lauréat du concours « L'un des Meilleurs Apprentis de France » 2010.
- Médaille d'argent aux finales nationales des 42e Olympiades (2012).
- Médaille d'or Euroskills 2014.
- Médaille d'or aux finales nationales des 43e Olympiades (2015).
- Médaille d'argent à la Worldskills Competition São Paulo (2015).