Manufacture royale des glaces sous Louis XIV, devenue casernement militaire sous Louis-Philippe et jusqu'à la fin du XXe siècle, la caserne de Reuilly-Diderot jouit d'un prestigieux passé. Après sa cession par l'État à la mairie de Paris en 2013, elle change aujourd'hui de vocation pour devenir un quartier de près de 2 hectares ouvert sur la ville, dans le cadre d'un plan de réhabilitation sous la houlette de l'office Paris Habitat. Un maître d'ouvrage qui a souhaité valoriser ce patrimoine historique : les trois bâtiments qui entourent la place d'armes seront conservés, ainsi que les deux pavillons de l'entrée, pour faire contrepoint à six bâtiments d'habitation neufs. Les autres édifices ainsi que les murs d'enceinte seront démolis, tandis que la place d'armes sera transformée en un jardin public de 4 000 m2. Cette réhabilitation complexe fait appel à des savoir-faire pointus pour l'entreprise en charge des travaux de démolition, la société ATD. Employant une centaine de salariés, elle est basée à Petit-Quevilly (Seine-Maritime) mais réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires en région parisienne. « Du désamiantage au curage, de la présence de plomb au traitement des mitoyens, jusqu'à la réutilisation sur place de certains éléments de secondœuvre, nous faisons aujourd'hui face à des exigences croissantes », explique son directeur général, Benoît Lanfry. Pour lui, ce chantier est représentatif de toutes les évolutions qui impactent les métiers de la démolition.
PARFAITE TRAÇABILITÉ
Lancé fin 2015, le chantier a débuté par la démolition des bâtiments non conservés, suivie du curage des 4 000 m2 des trois bâtiments principaux, typiques de l'architecture militaire, dont les façades, planchers et toitures seront préservés. En plus des opérations de curage classiques, certaines zones ont dû être traitées en curage « rouge » en cas de présence de produits amiantés (notamment des dalles de sols et des colles), et des mesures spécifiques ont été mises en place pour le traitement des peintures au plomb.
Conformément à la réglementation, les déchets ont fait l'objet d'un tri sélectif qui a permis de séparer les différents matériaux - bétons, ferraillages, plâtre, bois, plastiques... - afin de les acheminer vers les filières de recyclage en assurant une parfaite traçabilité grâce au logiciel Ivestigo développé par le SNED-FFB. L'entreprise a également déconstruit manuellement les façades mitoyennes, en utilisant un écran pour éviter la chute de gravats au-delà des limites de propriété.
CARTOGRAPHIE DES ÉLÉMENTS À CONSERVER
Mais le maître d'ouvrage a souhaité aller encore plus loin. « La décons-truction comporte aussi la récupération d'un ensemble d'éléments de secondœuvre : portes, fenêtres, armoires, stores, jusqu'aux lavabos et radiateurs, mis à la disposition des architectes pour être réutilisés dans la réhabilitation, ajoute Fabrice Picard, chef de chantier d'ATD. C'est une nouvelle forme d'économie circulaire : on parle désormais de 'ressourcerie de matériaux'. » Pour que la récupération soit pertinente, maître d'ouvrage et démolisseur doivent auparavant réaliser une cartographie pour définir les éléments à conserver, ainsi qu'un important travail de repérage, qu'il a fallu intégrer au planning du chantier. Enfin, toutes ces opérations de déconstruction doivent s'effectuer dans le respect du site, en particulier de ses arbres centenaires qui seront conservés, et d'un petit rapace protégé, le faucon crécelle, qui y niche entre avril et juillet, ce qui oblige à interrompre les travaux pendant cette période. La réhabilitation de la caserne de Reuilly-Diderot met ainsi en évidence un ensemble de préoccupations et d'exigences techniques qui n'existaient pas il y a dix ans, et qui font aujourd'hui toute la valeur ajoutée du métier de la démolition.
Pour en savoir plus
SNED-FFB (Syndicat national des entreprises de démolition), tél. : 01 40 69 53 20, www.sned.fr