Protubérantes, ces marches d'escalier offrent une esthétique qui n'est pas sans rappeler le design japonais. « Il aura fallu 50 ans pour réussir à créer des surfaces en bois raboté parfaitement lisse. Avec ces marches structurées, on déconstruit en quelque sorte le modèle », s'amuse Bernard Hibert, PDG d'Escaliers Hibert, créateur d'escaliers à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire). Un des premiers vulgarisateurs en France de l'invention du Silent Bloc, coussinet en caoutchouc qui absorbe les grincements des marches en bois, la société Hibert « a toujours eu cette disposition d'esprit de trouver des choses nouvelles, des tours de main. Notre culture d'entreprise s'est construite autour de cela : innover pour concevoir, et mieux concevoir en innovant. » D'où une longue réflexion engagée sur le confort des marches. Mais pas seulement. « J'ai un peu subi la mutation réglementaire et normative sous forte influence des industriels et des réseaux de distribution, confie le chef d'entreprise. Le NF DTU 36.3 relatif à la conception et à la mise en oeuvre des escaliers en bois révisé en 2014 a fait évoluer les règles de l'art, mais avec des impasses sur toute une ressource scientifique issue des neurosciences 1 » En particulier sur la biomécanique, qui pallie les problèmes de rééquilibration ou les difficultés de franchissement des escaliers. « Or, quand je me suis intéressé au nombre d'accidents domestiques qui peuvent être dramatiques suite à une chute dans un escalier, j'ai été effrayé par les chiffres. » Dès lors, Bernard Hibert a engagé un important travail de recherche pour répondre à une question : comment rendre un escalier à la fois plus sûr et plus beau ? Grâce non seulement à la qualité du balancement pour que les mains-courantes ne soient pas discontinues, mais aussi à la qualité d'appui des pieds sur les marches, que l'on soit enfant ou adulte...
Tout passe par la voûte plantaire
« Lorsque le balancement est discontinu dans un escalier, le risque de chute est accru », poursuit le chef d'entreprise. Il s'est donc procuré de nombreuses études en matière de réflexologie, « car la stratégie de rééquilibration passe par la voûte plantaire. Par exemple, lorsqu'on arrive pour la première fois pieds nus dans le sable chaud, elle transmet un certain nombre d'informations, dont celle du bien-être ». En partenariat avec une équipe de médecins spécialisés en biomécanique, Bernard Hibert a donc conçu une marche dont « la surface protubérante concerne toutes les terminaisons nerveuses au niveau de la voûte plantaire ». Les aspérités, issues de l'usinage aléatoire, sont un moyen original de faire travailler la sensibilité proprioceptive des utilisateurs, c'est-à-dire la perception que l'on a de soi-même, de la position de ses membres, de leur tonus, afin de prendre pleinement conscience de son équilibre.
Singulariser l'offre des créateurs d'escaliers
Cette innovation qui conjugue esthétique et bien-être présente un autre intérêt. Elle est fondée sur les références normatives NF EN 13893 et DIN 51130 de la glissance des sols. « Nous avons retenu le modèle d'essais de frottement dynamique pour évaluer la glissance des marches à protubérance, précise Bernard Hibert. Cet argument d'une glissance améliorée pourra être mis en avant auprès des clients. » Assurant une meilleure sécurité pour tous — personnes déficientes y compris —, ces marches se parent de finitions différenciantes grâce au vernis ou à la couleur. Leur plus-value se niche aussi dans la sauvegarde d'une fabrication artisanale. « Les créateurs intéressés par ces marches commandent leurs profils et conçoivent leurs escaliers. Cette innovation leur permet de singulariser leur offre en diffusant bien-être, esthétique et amélioration normative. Elle renforce la position des entrepreneurs en servant d'abord la qualité de nos savoir-faire », assure l'entrepreneur. Son innovation est déjà diffusée dans l'Hexagone et 2017 sera l'année du déploiement européen.
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Études scientifiques du système nerveux.