Comment améliorer une peinture quand on n'a pas les compétences nécessaires en chimie ? C'est simple : il suffit de décrire aux hommes de l'art le produit dont on a besoin, de les convaincre de le mettre au point même s'ils affirment que ce sera impossible, et de les aider dans cette démarche d'innovation issue du terrain. Ainsi est née il y a trois ans la marque Practi Méca, du fabricant de peintures et revêtements Seigneurie.
Copiée depuis par les concurrents, cette peinture intérieure acrylique d'aspect velouté, qui s'applique au pistolet sur tout type de supports, doit sa paternité à Didier Poisson, un conducteur de travaux de l'entreprise de peinture et isolation Roulliaud, située près de Tours en Indre-et-Loire. Pour son président Bruno Poilpré, « dans un contexte de prix orientés à la baisse du fait de la concurrence, nos équipes de peintres devaient gagner en productivité en travaillant plus vite ».
Comment y parvenir ? Peintre en bâtiment ayant suivi un apprentissage traditionnel puis travaillé dix-huit ans chez un artisan avant d'être recruté par Roulliaud il y a treize ans, Didier Poisson a eu l'idée d'une peinture acrylique pour murs et plafonds tenant aussi, grâce à l'ajout d'un produit antirouille, sur les plinthes, portes, huisseries et tuyauteries qui sont traditionnellement recouvertes d'une peinture glycérophtalique. Cette polyvalence que recherchait le conducteur de travaux devait présenter un double avantage : « Si on parvenait à appliquer partout la même peinture au pistolet, on pouvait espérer gagner un temps énorme puisqu'il n'était plus nécessaire de travailler à la main sur les portes, les huisseries ou les tuyauteries », explique-t-il. Par ailleurs, tous les supports d'une même pièce recevant les mêmes résines et pigments, on évitait du même coup des différences de tenue au vieillissement (une peinture glycérophtalique blanche a tendance à jaunir avec le temps, ce qui n'est pas le cas d'une peinture acrylique). Restait à mettre au point le produit. « Quand j'ai demandé aux équipes de Seigneurie de fabriquer la peinture que je voulais, elles m'ont d'abord répondu qu'il était impossible d'élaborer une telle formule », se souvient Didier Poisson. Le conducteur de travaux insiste cependant, soutenu par son dirigeant qui accepte de le voir tester des prototypes de peintures en conditions réelles sur des chantiers de construction neuve. Tant et si bien que les chimistes de Seigneurie acceptent de relever le défi.
Pilotés par Didier Poisson, en collaboration avec son collègue métreur Adrian Marie-Adolphe qui chiffre tous les chantiers neufs de l'entreprise Roulliaud, les premiers essais sont décevants. Ils se soldent notamment par la destruction de quatre pistolets du fait d'un défaut de viscosité des résines contenues dans la peinture. Mais au bout d'un an environ, le produit est au point et Seigneurie peut lancer sa commercialisation.
Depuis, « nous utilisons systématiquement la peinture Practi Méca en construction neuve, témoigne Didier Poisson. Grâce à elle, nous réalisons un chantier d'une centaine de logements avec quatre compagnons contre six à huit auparavant, et en obtenant un résultat excellent ». Il ne compte pas s'arrêter là : « Grâce à nos autres savoir-faire en matière de pose d'enduits, de ponçage ou de protection des zones à ne pas peindre, notre ambition désormais est de livrer des chantiers ne subissant aucune réserve au moment de la réception des travaux. Nous y arrivons déjà dans certains cas. »
Didier Poisson
Entreprise Roulliaud, Indre-et-Loire
« Si on parvenait à appliquer partout la même peinture au pistolet, on pouvait espérer gagner un temps énorme puisqu'il n'était plus nécessaire de travailler à la main sur les portes, les huisseries ou les tuyauteries »