« Quand je travaille sur un bâtiment public en collaboration avec un architecte, j'apporte de la valeur ajoutée à un produit usuel comme un escalier, un bardage ou une vêture, pour le transformer en produit artistique. L'ouvrage est visible de tous, mon travail consiste donc également à faire réfléchir sur notre matière », explique Lionel Moretto. C'est le cas par exemple avec la vêture bris de soleil qu'il a réalisée avec l'architecte Dominique Bonnot pour le restaurant Au Comptoir Vénitien, à Rennes. « Nous avions un bâtiment avec une forte contrainte technique : diminuer le rayonnement solaire, tout en assurant une bonne qualité thermique. Nous avons donc beaucoup échangé sur le design et les exigences techniques et thermiques pour aboutir à un motif qui se réduit en haut, afin d'offrir de moins en moins d'espace vide en fin d'inclinaison du soleil. » Pour ce passionné, le fruit de son travail résulte à 15 % de la demande du client ou de l'architecte, à 15 % du « feeling » et à 70 % de contraintes techniques, économiques et esthétiques. « C'est cette dernière composante que je préfère, car elle nous oblige à créer, à concevoir et à nous remettre en question en permanence. » C'est pour cette raison que Lionel Moretto n'a pas de showroom. Il évite de refaire à l'identique pour continuer de créer, comme le prouvent les 170 modèles d'ouvrages déposés par son entreprise.
En reprenant Metafer en 2005, Lionel Moretto a investi dans des logiciels de dessin et utilisé des techniques de découpe plasma et laser afin de donner une expression artistique à des ouvrages traditionnels comme des portails, des bris de soleil ou des garde-corps. L'objectif affiché étant de développer l'activité de l'entreprise et d'habituer les habitants de la région à ce type d'ouvrage, afin d'introduire de la ferronnerie d'art dans ses réalisations. La stratégie semble payante, puisque l'entreprise est passée de 4 à 22 salariés en 12 ans, dont une équipe dédiée aux projets des particuliers et quatre ferronniers d'art. En parallèle, Lionel Moretto a développé des contacts avec des artistes, avec lesquels il collabore de plus en plus, comme en témoignent ses dernières créations : une sculpture de 6 m de haut sur 6 m de large pour la galerie de Jean Divry, à Paimpol ; le Monument du souvenir et de la paix de la mairie de Saint-Quay-Portrieux, réalisé en acier corten, avec Vincent Bécheau ; ou encore une œuvre de Susanna Fritscher pour son exposition De l'air, de la lumière et du temps pour habiller le patio du nouveau bâtiment des Beaux-Arts de Nantes. Sans oublier un travail exceptionnel pour Anselm Kiefer, un artiste plasticien mondialement connu, qui exposera en septembre, à la Fondation Rothschild de New York, une œuvre encore confidentielle qui fait la fierté de Lionel Moretto. « Il faut avoir un peu une âme d'artiste pour comprendre les artistes, car certains éléments d'aspect anodin pour nous prennent un caractère vital pour leur œuvre. Le secret réside dans la communication et les nombreuses validations de prototypes. C'est un travail exceptionnel, avec beaucoup de contraintes et énormément de plaisir. » Et comme les bonnes nouvelles n'arrivent jamais seules, après avoir obtenu la qualification Qualibat Monuments historiques et patrimoine ancien, l'entreprise vient de décrocher le label Entreprise du patrimoine vivant, qui distingue des entreprises françaises aux savoir-faire d'excellence.
La maison du forgeron
Avec son expérience du terrain et les remontées de ses confrères, Lionel Moretto s'est aperçu de la difficulté de former des apprentis en alternance. D'où l'idée de créer avec Rémi Creze (ex-dirigeant de la Métallerie Creze/35) la Maison du Forgeron, tous deux étant très mobilisés sur ces questions d'emploi et de formation. À terme en 2018, la Maison du Forgeron sera un centre d'initiation et de formation aux métiers de l'artisanat du métal proposant des stages découverte, des modules d'initiation et de perfectionnement mais aussi des parcours de formation pour devenir « second d'entreprise ». En parallèle, elle sera également un lieu de mémoire, avec l'exposition d'outils anciens et ouvrages à disposition du grand public. Le projet a été mis en place dans l'esprit du compagnonnage, en s'appuyant sur un jumelage avec des compagnons forgerons de Montréal. Ce projet original et innovant, bâti par des métalliers passionnés, a séduit les élus locaux qui apportent leur concours, à l'instar de la Fondation FFB qui soutiendra financièrement le projet.