Diplômée de l’IEP de Lille, Barbara Pompili travaille sur la campagne présidentielle de 2002 pour les Verts. Elle devient ensuite secrétaire générale adjointe du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée nationale, puis est élue députée de la Somme en 2012. Nommée secrétaire d’État chargée de la Biodiversité en 2016, elle est réélue députée sous l’étiquette En Marche ! en 2017, et est élue présidente de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale.
Quelle est selon vous l'importance du bâtiment dans la lutte contre le changement climatique ?
Aujourd'hui, le bâtiment, selon les différentes méthodes de calcul, représente entre 40 et 50 % de la consommation énergétique en France. Cela n'a rien de scandaleux : nous passons une grande partie de nos vies dans les bâtiments, chez nous, au travail, pour les soins, les loisirs... Il est donc normal que le bâtiment remplisse une grande partie de nos besoins en chaleur, en lumière, en électricité... Ramenée en chiffres absolus, cette consommation d'énergie représente entre 65 et 70 Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole). Sur ces quantités, nous avons encore de grandes marges de progression, et beaucoup d'efforts à faire.
Ces efforts sont de deux ordres : la construction, puis l'utilisation du bâtiment. Aujourd'hui, en France, 1 m2 de bâtiment construit, c'est 1,5 tonne de CO2 émise : 40 % sur l'exploitation et 60 % sur la construction. Les pouvoirs publics ont leur rôle à jouer pour guider ces efforts : légiférer et réglementer pour avoir des normes de construction bas carbone ou zéro carbone, mettre en place des systèmes incitatifs, tant pour les constructeurs que pour les acheteurs et, enfin, contribuer à la sensibilisation du public sur les comportements et l'utilisation des bâtiments.
Précisément, quel est votre regard sur les avancées de la loi pour la transition énergétique de 2015 et sur les chantiers législatifs et réglementaires futurs ?
La loi de transition énergétique pour la croissance verte a été, après le Grenelle de l'environnement, une loi clé dans la concrétisation du développement durable énergétique en France. Le gouvernement actuel lui accorde d'ailleurs beaucoup d'importance et s'inscrit dans sa continuité. La France a vocation également à appliquer les exigences européennes en matière de transition énergétique. Parmi les principales avancées, déjà, il y a les feuilles de route pour la transition écologique, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et les Programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE), qui permettent aux acteurs des différentes filières de se projeter, d'investir, d'embaucher, et aux citoyens d'avoir une idée plus précise de la voie dans laquelle nous sommes engagés. La première PPE, sortie en 2016, traçait des directions assez claires pour la période 2018-2023. La deuxième PPE, qui paraîtra à la fin de cette année, devrait être encore plus précise et sur un terme plus long.
Dans les modalités plus concrètes, le crédit d'impôt, le fonds chaleur, le fonds de garantie pour la rénovation énergétique, le renforcement du tiers financement, ainsi que le prolongement du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) sont autant de leviers qui tendent à accélérer les travaux de rénovation, en termes financiers mais également, une fois de plus, de signal politique fort. En effet, grâce à de tels signaux, la filière de la rénovation et de la construction bas carbone se met en place en France.
Sur le terrain, cela donne plus de réseaux de chaleur et de chaleur renouvelable, une alimentation accrue en énergies renouvelables (principalement éoliennes et solaires), et une activité soutenue de rénovation énergétique. À titre d'exemple, dans le département dont je suis l'élue, la Somme, l'activité liée à la rénovation énergétique pour laquelle les clients ont bénéficié du CITE a augmenté de 1,4 % en 2017.
Concernant la rénovation, quels sont selon vous les freins rencontrés sur le terrain ?
Aujourd’hui, la performance énergétique d'un bâtiment est de plus en plus un critère dans l'achat d'un logement — ce qu'on appelle la « valeur verte » immobilière —, et cela est très bien. Tous les promoteurs et propriétaires n'y sont pas encore, mais on sent que les mentalités évoluent sur ce sujet. Plusieurs limites existent cependant. L'outil du Diagnostic de performance énergétique (DPE) est imparfait, ainsi que son application. Il est très bon d'avoir un état des lieux énergétique d'un bâtiment, mais celui-ci gagnerait à être optimisé. La deuxième limite à la rénovation est la question des propriétaires/locataires. En effet, les propriétaires ne sont pas incités à rénover les logements qu'ils mettent en location, surtout quand la pression est forte sur le marché du logement comme dans les grandes villes, et ce sont les locataires qui payent des charges parfois très élevées sur l'énergie. Par ailleurs, la multiplicité des aides existantes — locales, nationales, publiques et privées — rend les dispositifs encore illisibles pour les particuliers, et même pour beaucoup de professionnels. Cependant, il existe des espaces publics (Espaces info énergie, plateformes de la rénovation énergétique) qui permettent de se renseigner. Ceux-ci doivent continuer à se développer, mais également à communiquer sur leurs territoires afin d'inciter le maximum de personnes à rénover. Concernant les professionnels, l'Ademe mène un travail considérable d'accompagnement, tant financier que d'expertise, en conseillant collectivités et entreprises à travers ses agences régionales.
Comment doit évoluer selon vous le cadre réglementaire de la construction neuve ?
La future réglementation doit être ambitieuse. En effet, sur le neuf, on ne peut plus se permettre de construire des bâtiments énergivores et producteurs de déchets, quand on voit les perspectives de l'énergie et des matériaux dans les décennies à venir. Nous sommes passés de l'ancien monde, où ces questions-là étaient secondaires, au nouveau monde, où elles doivent être placées au centre. Cela, les consommateurs l'ont bien compris. Cette nouvelle réglementation doit donc être à la hauteur de nos ambitions tout en restant pragmatique, car sinon elle ne sera pas appliquée. Pour cela, l'expérimentation E+C- reste un très bon moyen de faire évoluer les comportements et les méthodes, tout en restant dans une optique de concertation et de réalisme.
Je fais confiance aux services du ministère de la Transition écologique et solidaire pour conjuguer exigence énergétique et contraintes de terrain, en passant notamment par des échanges avec les acteurs, à travers diverses instances de dialogue comme le Plan Bâtiment Durable. Bien sûr, l'accompagnement des artisans et des entreprises du bâtiment dans la nécessaire montée en compétences associée à la transition énergétique, ainsi que dans la préparation au changement majeur que représente la future réglementation environnementale E+C-, doit continuer et être amplifié.
Que ce soit sur la future Loi logement ou dans les PPE, la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, que je préside, sera évidemment très attentive à ces questions, qui définissent le bâti de demain.