« Le fait d'être une femme ne m'a pas handicapée : pour progresser j'ai juste dû faire davantage mes preuves qu'un homme. » Joyce Villemur est philosophe. Car des preuves de compétence, celle qui est aujourd'hui à la tête de Taquet Cloisons en a abondamment donné, tout au long d'une carrière passée exclusivement dans des secteurs masculins : l'énergie, l'automobile, l'industrie du plâtre, puis le bâtiment ! Après des études de commerce, Joyce Villemur entre en 1974 chez Alstom au contrôle de gestion, en charge des grands projets. En 1985, elle quitte la filiale alsacienne de l'industriel de l'énergie, où elle était devenue responsable administrative et financière, pour le secteur automobile, chez l'équipementier Rockwell. D'abord responsable du contrôle de gestion pour la France, elle y prend rapidement la responsabilité de l'Europe, puis du monde ! Elle intègre ensuite le groupe BPB, à l'époque propriétaire de Placoplâtre, où elle devient directrice financière.
Son parcours au sein de grands groupes est sans faute, mais Joyce Villemur a envie d'autre chose. « Depuis le début de ma carrière, une petite voix me disait de tenter l'aventure entrepreneuriale, raconte-t-elle. J'avais en réalité envie de me prouver à moi-même que mes convictions managériales, basées sur le respect des collaborateurs et la promotion des talents, pouvaient être mises en œuvre et fonctionner dans une entreprise à taille humaine. » Chez BPB, elle se confie à un collègue, qui la soutient et la met en relation avec le propriétaire de Taquet Cloisons, une PME familiale d'Arpajon (Essonne) dirigée par Jean-Pierre Taquet.
Après de longs mois de négociations, elle rachète l'entreprise en 2006, avec un associé, en ayant pour objectif de la développer. Elle se donne rapidement les moyens de ses ambitions : entre 2007 et 2009, elle crée une filiale de rénovation tout corps d'état (Ascensus Rénovation), rachète la Menuiserie Taquet et lance une activité d'isolation thermique par l'extérieur (ITE). Ces choix stratégiques s'avéreront payants. Douze ans après son rachat, Taquet Cloisons, qui compte 110 salariés, a vu son chiffre d'affaires plus que doubler, passant de 11,5 millions en 2005 à près de 26 millions, le groupe réalisant un total de près de 34 millions d'euros. Un succès en forme de pied de nez à ses détracteurs. « Lorsque j'ai repris l'entreprise, beaucoup d'hommes, surtout chez mes concurrents, s'attendaient à ce que je la fasse couler : parce que je venais de l'industrie et parce que j'étais une femme », explique sans rancune celle qui apprécie malgré tout le bâtiment, dernier secteur où l'ascenseur social fonctionne encore vraiment : « La moitié de nos conducteurs de travaux sont des purs produits de la maison qui ont commencé en tant que poseurs », souligne-t-elle.
Depuis qu'elle a mis un pied dans le bâtiment, Joyce Villemur met en application ses convictions au-delà de son entreprise, au sein de l'Union des métiers du plâtre et de l'isolation où, seule femme du bureau — elle en est trésorière depuis six ans —, elle défend la profession avec force.
Ses convictions, elle les applique aussi aujourd'hui en préparant sa succession à la tête de Taquet Cloisons. Un nouvel associé l'a récemment rejointe « pour prendre la suite dans quelques années ». « Tout est écrit, je ne veux prendre aucun risque », assume-t-elle, estimant « avoir une sérieuse responsabilité vis-à-vis des dizaines de familles dont le sort dépend de celui de l'entreprise. » Mais il n'est pour autant pas question de retraite. Joyce Villemur compte bien rester active. Il ne lui reste qu'à trouver un nouveau cheval de bataille.