Impression 3D : des potentiels créatifs infinis

Encore au stade expérimental, les procédés d'impression 3D du béton permettent déjà de réaliser éléments sur mesure et formes inédites, et pourraient bientôt cohabiter avec la maçonnerie traditionnelle pour une construction hybride. Reste cependant à lever les obstacles de leur normalisation, de leur justification par le calcul pour les structures et de leur pertinence économique.
11:0007/06/2018
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Bâtimétiers Numéro 51 | Juin 2018

On parle aujourd'hui beaucoup de bâtiments construits avec des procédés d'impression 3D, à travers des projets innovants très médiatisés. Mais que peut-on concrètement réaliser à l'aide de ces procédés?? « Il est possible, par l'impression 3D en béton, d'imprimer des éléments préfabriqués en usine, et même un mur complet, en y intégrant différentes fonctionnalités comme l'isolation, le traitement des ponts thermiques et des réservations pour les passages de câbles ou de fluides », déclare Alain Guillen, directeur général de XtreeE. Cette entreprise créée en 2015 a pour expertise le développement des technologies de mise en œuvre de bétons « imprimables », en partenariat avec des producteurs de matériaux (notamment avec le groupe LafargeHolcim, chargé de mettre au point sa formulation), avec pour finalité l'élaboration de solutions constructives innovantes dans le bâtiment.

 

Les progrès potentiels par l'impression 3D dans le gros œuvre sont importants. Ces technologies devraient en effet permettre une importante économie de matière, en calculant très précisément les quantités de béton nécessaires à chaque point de la structure, dans une optique de sauvegarde de la ressource naturelle. D'autre part, la conception numérique des ouvrages voués à l'impression pourrait donner une nouvelle dimension à la création architecturale, en rendant possible l'exécution de formes qui étaient jusqu'alors très complexes, voire impossibles à réaliser en utilisant des procédés de coffrage ou de maçonnerie classiques. Enfin, la recherche devrait déboucher sur la mise au point de matériaux « imprimables » qui repoussent les conditions de mise en œuvre requises pour le béton, notamment en termes de température et d'hygrométrie, pour pouvoir construire plus vite en réduisant le temps de prise.

Cependant, un obstacle majeur subsiste dans l'utilisation structurelle de ces nouveaux procédés : « Le paysage normatif actuel, en particulier les Eurocodes, qui considèrent le béton comme un matériau traditionnellement réparti de façon homogène, ne permet pas de justifier les structures en impression 3D, où le béton est répati sous forme de cordons, induisant de multiples interfaces qui donnent une orientation à la structure, précise Alain Guillen. C'est notamment ce qui impose de redéfinir le paysage normatif. Un important chantier est en cours, en partenariat avec le CSTB, le CERIB et des bureaux d'études, pour parvenir à normaliser ces nouveaux procédés et garantir l'assurabilité des ouvrages ainsi construits. »

 

Pour cette raison, l'impression 3D en France a surtout été utilisée de façon expérimentale, pour fabriquer sur le chantier des coffrages en polyuréthane, qui ont ensuite été remplis de béton conformément aux règles de l'art de la maçonnerie classique. L'impression avec un robot sur le chantier d'éléments préfabriqués, offrant la possibilité de les produire sur mesure à l'unité, pourrait ainsi être le premier usage à s'imposer sur le marché. « En tant qu'entreprise de gros œuvre, nous observons avec intérêt l'arrivée de ces nouveaux procédés, qui pourraient dans un premier temps être imposés par les maîtres d'ouvrage pour des bâtiments comportant un geste architectural exceptionnel, commente Nicolas Szestak, co-dirigeant de Bâtiment Services Industrie (BSI), qui emploie 12 salariés à Limoges-Fourches (Seine-et-Marne). Mais pour se généraliser, ils devront apporter la preuve de leur pertinence économique, en proposant une avancée technique sans alourdir les coûts de construction. » 

 

La diffusion de ces procédés à grande échelle dépendra donc à la fois des progrès de la recherche sur les matériaux imprimables et les techniques d'impression, de leur intégration dans le paysage normatif et de leur intérêt économique. « Pour les entreprises de gros œuvre, la bonne attitude consiste à effectuer une veille technologique pour anticiper les évolutions du marché, et à se préparer à utiliser l'impression 3D pour certaines tâches qui cohabiteront avec les procédés traditionnels, dans le cadre d'une construction hybride », conclut Nicolas Szestak. Sans mettre en péril l'équilibre actuel de l'activité de construction, l'impression 3D doit simplement être considérée comme le prochain pas en avant du processus continu d'innovation.

En savoir plus

UMGO-FFB (Union de la maçonnerie et du gros œuvre), tél. : 01 40 69 51 59, www.umgo.ffbatiment.fr

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