Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, l'église de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, située à Chémeré-le-Roi (Mayenne), est une construction neuve. Désireux d'agrandir leur site, les membres de cette communauté religieuse ont successivement construit une hôtellerie sur deux niveaux, puis une église, pour former un ensemble architectural clos autour du cloître, comme on le faisait jadis.
La construction de cette église fait appel à des modes constructifs tout à fait contemporains, qui parviennent néanmoins à renouer avec l'esthétique de l'architecture religieuse ancienne. La structure a été réalisée en béton banché, et étayée à l'extérieur avec des contreforts en pierre de Migné, matériau emblématique des églises de la campagne mayennaise. À l'intérieur, le maître d'ouvrage a opté pour une charpente traditionnelle, avec une voûte en lames de châtaignier et un habillage en plâtre, très dépouillé, qui renvoie à l'ordre dominicain auquel se rattache la Fraternité.« Cette réalisation a été pour nous exceptionnelle, car en plus d'être un chantier de grande dimension, elle nous a permis de mettre en valeur presque tous les savoir-faire des métiers de l'isolation et du plâtre, déclare Benoît Gagneux, président de Meignan SAS, une entreprise de plâtrerie implantée à Château-Gontier, dans le même département. Ce chantier montre à la fois la grande modernité de la plâtrerie et sa capacité à reproduire une esthétique patrimoniale. »
Un important volet isolation
Pour Meignan SAS, une grande partie du chantier a relevé de travaux d'isolation, destinés à maîtriser la consommation énergétique de cette nef de 42 m de longueur, et dont les pignons atteignent 12 m de hauteur. Ainsi, un doublage a été réalisé sur toutes les parois verticales, d'une hauteur de 9 à 10 m, avec la pose d'une importante structure métallique de 150 mm d'épaisseur, pour pouvoir mettre en œuvre une isolation de 280 mm au total (120 mm d'isolant + 160 mm de laine minérale). « Ce complexe a ensuite été fermé par des plaques de plâtre BA 18, que nous avons enduites d'un primaire pour améliorer l'adhésion d'un enduit plâtre de 10 mm appliqué par projection, ajoute Benoît Gagneux. La finition intérieure ainsi obtenue, avec 28 mm d'épaisseur de plâtre, correspond aux souhaits du maître d'ouvrage, qui voulait une finition reproduisant visuellement l'épaisseur de la pierre tout en étant solide, simple et durable. » Pour garantir l'unité architecturale de l'ensemble tout en optimisant le temps de mise en œuvre, l'entreprise a fait préfabriquer sur mesure, en plaques de plâtre usinées, les éléments courbes qui coiffent la partie supérieure des 12 grands châssis de 6 m, destinés à accueillir des vitraux rythmant la nef. Choisie pour ses propriétés acoustiques, la voûte en lames de châtaignier a également fait l'objet de travaux d'isolation : après avoir été recouverte d'un pare-vapeur étanche, une laine minérale de 300 mm d'épaisseur y a été posée par l'entreprise.
Colonnes en staff et carreaux-briques
Si l'architecte - l'agence Bidot et associés - avait pensé, dans un premier temps, réaliser un doublage intérieur composé de briques en partie basse et de plâtre en partie supérieure, Benoît Gagneux a eu tôt fait de l'en dissuader, arguant du fait que la superposition de la partie maçonnée rigide et de la structure métallique souple risquait de provoquer des désordres. Pour gérer la dilatation des parois en longueur et prévenir la fissuration des plaques de plâtre, le chef d'entreprise a en revanche proposé de faire appel à une autre technique plâtrière : le staff.
L'entreprise a donc imaginé des colonnes en staff, avec à leur sommet un chapiteau et à leur base une pierre travaillée, dont le dessin a été validé par l'architecte et le maître d'ouvrage. Après avoir été préfabriquées, les colonnes ont été élevées et calées sous les arbalétriers de la charpente, à intervalle de 6 m. De part et d'autre des colonnes, l'entreprise a réalisé un joint de dilatation invisible. « Tout bâtiment de grande taille subit une déformation au cours de sa vie, explique Benoît Gagneux. Ce procédé permettra d'absorber les déformations et de maintenir les ouvrages en plâtre dans la durée. » Cet ensemble décoratif est complété par une corniche en staff, qui fait la jonction entre la voûte et les parois verticales.
Crypte souterraine
Enfin, l'église possède aussi sa crypte souterraine, dans laquelle il n'était pas possible de poser des plaques de plâtre en raison de l'humidité trop élevée. Pour conserver une unité architecturale à l'ensemble, ses parois, comportant 12 alcôves destinées à recevoir des stèles, seront finalement recouvertes de carreaux-briques de plâtre - des briques plâtrières de 70 mm d'épaisseur - qui seront également enduites de plâtre. Dernier point de vigilance, il convenait de contrôler l'apport d'humidité lié au plâtre, qui peut être source de désordres dans un bâtiment très bien isolé. Pour cette raison, les travaux ont été réalisés en plein été, afin d'obtenir un séchage optimal des ouvrages. D'autre part, un châssis ouvrant a été installé pour pouvoir ventiler l'église pendant la durée des travaux.
À l'issue de ce chantier hors du commun, Benoît Gagneux se réjouit du résultat obtenu : « Cette église est une magnifique vitrine pour tous les métiers du plâtre et de l'isolation, qui réconcilie la plaque de plâtre, le plâtre traditionnel et le staff, tout en montrant leur complémentarité. Bien que réalisés selon des techniques contemporaines, les ouvrages présentent l'esthétique ancienne voulue par le maître d'ouvrage. »
Après l'agitation du chantier, la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier pourra retrouver sa vocation de lieu propice à la spiritualité.