Qui a dit que les carreleurs n'innovaient pas ? Certains d'entre eux sont même au fait des dernières tendances architecturales. C'est le cas de l'entreprise familiale toulousaine Crespy et de sa filiale M3 dédiée à 100 % au carrelage. Fait encore rare en France, celle-ci a mis en œuvre en faïence murale du carrelage très grand format, dont les carreaux forment des rectangles de 3 m par 1 m?! Réalisée en 2017 pour le compte de Toulouse Métropole Habitat, l'opération de rénovation thermique de la résidence Le Couserans à Toulouse, pilotée par Demathieu Bard, comprenait aussi la remise en état des dix halls d'immeubles. « Les architectes souhaitaient marquer l'entrée de ces espaces communs d'un geste qualitatif original », expose Mathieu Dumas, responsable de M3. Ceux-ci ont donc opté pour du carrelage mural très grand format, « pour son côté massif, sans joints, donnant l'impression que l'on a de la pierre au mur, précise Mathieu Dumas. Dans le haut de gamme, le carreau très grand format est une tendance architecturale déjà établie dans certains pays comme l'Italie ou l'Espagne, mais qui émerge seulement en France. »
Défier les contraintes logistiques
Au total, la commande portait sur 150 m2 de carreaux, soit 15 m2 et seulement 5 carreaux par hall. Évidemment, les contraintes logistiques et de pose de carreaux de cette taille ne sont pas tout à fait les mêmes que celles des classiques carreaux 20 x 20 cm. « La pose d'un carreau rendu très souple par sa grande longueur et son grand élancement nécessite la présence de deux compagnons », poursuit Mathieu Dumas. Les carreaux sont tout d'abord sortis des palettes par l'intermédiaire d'un châssis métallique de notre invention (également disponible chez certains fabricants spécialisés) auquel sont fixées des ventouses de vitrier. Une fois les ventouses collées, les deux compagnons positionnés de part et d'autre de la palette soulèvent le carreau et le posent à l'horizontale sur une table de travail. Là, ils procèdent à sa découpe afin de lui donner la géométrie correspondant à la configuration exacte des lieux, qui peut inclure une sonnette, des boîtes aux lettres... « La découpe, qui s'effectue classiquement à la disqueuse, demande une minutie particulière, avertit Mathieu Dumas. À la moindre erreur, ce sont 3 m2 de carreau que l'on jette d'un coup?! »
Une exigence extrême pour une pose minutieuse
Une fois découpé, le carreau est redressé verticalement face à l'emplacement qu'il occupera, puis les carreleurs le collent à son support. Ils peuvent alors décoller les ventouses. Là encore, il ne faut pas « se louper ». « Il faut absolument s'assurer que les cales de réglage soient bien positionnées, car une fois le carreau collé, on ne peut pas rattraper les défauts d'horizontalité », prévient Mathieu Dumas. Outre les difficultés de pose, la mise en œuvre des carreaux très grand format suppose que l'environnement de pose soit parfait, la tolérance de planéité du support étant de l'ordre de 3 mm sous 2 m de règle. « Si le carreau est posé sur une surface irrégulière présentant des défauts, il cassera forcément au cours de la vie de l'ouvrage », détaille Mathieu Dumas. C'est pourquoi ce type de carreau est particulièrement adapté à un usage mural, où le support est souvent plus régulier qu'au sol. Il faut cependant être particulièrement attentif à la phase de réception du support. « Lors de la préparation de chantier, le carreleur se doit d'avertir le maître d’œuvre qu'il sera intraitable sur cette phase, puisque contrairement aux chantiers classiques, il ne pourra pas ici rattraper le support et les défauts de planéité liés aux interventions précédentes. » On le perçoit, la bonne mise en œuvre des carreaux très grand format demande un soin particulier et une excellente connaissance du métier, d'autant qu'aucun NF DTU n'existe encore sur le sujet. « Sur ce chantier, j'ai fait appel à deux carreleurs parmi les plus expérimentés de l'entreprise », confirme Mathieu Dumas. Tout en mettant en avant son savoir-faire, l'entreprise a ainsi pu créer davantage de valeur ajoutée qu'elle ne l'aurait fait sur un chantier classique.