Les entrepreneurs l'ont désormais bien compris : le développement pérenne de leur activité passe, en grande partie, par la transformation numérique de leurs métiers. Les mutations qu'elle engendre, bien qu'incontournables, ne sont pas toujours faciles à intégrer, en particulier pour les artisans et les petites entreprises. Nous les guidons et les accompagnons déjà sur le sujet du BIM, et nous avons commencé à anticiper les mutations liées à l'intelligence artificielle (IA), nouvelle brique de la révolution numérique. C'est pour faire un état des lieux et évaluer ses implications dans le bâtiment que nous avons créé un groupe de travail dédié. Constitué d'une trentaine de personnes, pour moitié des entrepreneurs du bâtiment représentant différents métiers et tailles d'entreprises, et pour moitié des experts de la FFB, ce groupe s'est réuni huit fois en six mois au cours de sessions de travail particulièrement denses?! Du matin au soir, les meilleurs spécialistes en intelligence artificielle se sont succédé pour nous faire découvrir la grande diversité de ses usages potentiels ainsi que ses limites. Chacun de nous a pu mesurer la force et l'intérêt qu'elle pouvait représenter pour le bâtiment. Nous en avons d'abord retenu que l'IA n'était pas une fin en soi mais constituait avant tout un outil.
Comme tout outil, elle doit être mise au service de nos métiers, que ce soit pour améliorer les conditions de travail ou pour aller chercher de la marge et de la valeur ajoutée. Quelques exemples parlent d'eux-mêmes. Ainsi du béton prêt à l'emploi, dont la qualité peut être évaluée en temps réel via des algorithmes tirant leur « intelligence » de l'analyse des données, issues d'une somme de capteurs placés dans la toupie. L'IA pourrait aussi contribuer à améliorer la sécurité sur les chantiers. C'est le cas des semelles de chaussures « connectées », qui lancent une alerte si le compagnon qui les porte est tombé ou immobilisé, mais qui sont aussi capables de vérifier la bonne ergonomie des postures de travail. Aux aspects techniques et sécuritaires, l'IA ajoute le volet « prédictif ». Elle peut contribuer à générer des économies d'énergie en prédisant les consommations d'un bâtiment?; elle peut aussi participer à l'amélioration de l'entretien des équipements techniques : équipée de capteurs, une chaudière « intelligente » communique sur son état de santé réel pour déclencher son entretien ou son remplacement.
On le pressent : l'IA va bientôt imprégner l'ouvrage bâtiment tout autant que les métiers et les tâches des professionnels. Cela ne se fera pas en un jour ni en quelques mois, mais cet outil formidable peut constituer une opportunité sans précédent pour changer l'image de nos métiers et proposer à nos clients toute une palette de services, et non plus de simples produits. Nous devons pour cela la dompter, nous en emparer sans peur et en pleine conscience. Sinon, d'autres acteurs s'en chargeront à notre place.
C'est d'ailleurs la vertu majeure du rapport rédigé par le groupe de travail : il nous permet de montrer à l'écosystème de l'innovation que le secteur du bâtiment dans son ensemble se met en ordre de marche pour relever les défis de l'intelligence artificielle. Je suis convaincu que nous y arriverons. Car après tout, c'est bien là l'étoffe d'un entrepreneur : remettre en cause son savoir pour emmener son entreprise, ses salariés et ses clients vers demain.