Situé en plein centre de Bordeaux, au milieu de la célèbre place de la Bourse, l’établissement gastronomique Le Gabriel a récemment fait l’objet de lourds travaux de rénovation et de réaménagement. Son nouveau propriétaire, Château Angélus, souhaitait en effet pouvoir proposer de nouvelles expériences culinaires avec le chef étoilé Alexandre Baumard, en redéfinissant notamment l’identité architecturale du bâtiment, inscrit aux monuments historiques.
Le bar, le bistrot et le restaurant gastronomique de cette enseigne s’élevant sur quatre étages devaient ainsi faire l’objet d’une transformation mêlant styles classique et contemporain. Pour la conduire, le maître d’ouvrage a missionné le cabinet Sarthou & Michard Architectes ainsi que le décorateur Jean-Pierre Tortil.
Un double impératif : productivité et qualité
Après la phase de restructuration et de gros œuvre, les travaux de plâtrerie ont pu démarrer en octobre 2019. Ils ont été confiés à l’entreprise girondine Garabos Frères (Floirac, 50 salariés). « Il s’agissait pour nous d’un marché d’importance (300 000 euros), réparti pour moitié en plâtrerie sèche et pour l’autre moitié en plâtrerie traditionnelle et staff », confie Bruno Garabos, gérant de l’entreprise, accompagné de Boris Garabos, en charge du projet. « Pour nous, l’un des plus grands défis de ce chantier tenait dans le respect du planning de trois mois, très serré, dans lequel nous devions inscrire notre intervention, en coactivité, sur les quelque 1 800 m² de l’opération », explique-t- il. Mais cet impératif de productivité, conduisant à déployer simultanément 15 plâtriers d’expérience, se doublait de celui de la qualité : « Il s’agissait d’un projet d’immobilier de luxe, pour lequel les prestations devaient être parfaitement exécutées », précise l’entrepreneur. Il faut noter qu’il existe une qualification Qualibat « Restauration de staff des monuments historiques » (6513). Pour réaliser les centaines de mètres linéaires d’éléments de décors classiques en staff (oves, feuilles d’acanthe, pilastres et autres moulures), l’entreprise a fait appel à la haute technologie, à travers la société Bimotep. Cofondée par Boris Garabos et Émile Bireau – et installée elle aussi à Floirac –, celle-ci est spécialisée dans la modélisation architecturale. « Le maître d’œuvre nous a tout d’abord missionnés pour produire la maquette numérique de l’état initial des lieux, afin qu’il puisse disposer de plans corrects pour dessiner son projet », se rappelle Boris Garabos. Tandis que la photogrammétrie de la toiture était relevée par drone, les espaces extérieurs et intérieurs l’étaient par scan laser 3D. « Notre bureau d’études a traité toutes les données en interne pour bâtir la maquette BIM, ce qui nous a permis d’avoir une réelle valeur ajoutée quant à notre intervention sur les zones comprenant des éléments en staff », poursuit-il. L’entreprise a en effet décidé de modéliser en 3D tous les éléments de décoration à partir des croquis du décorateur, en y incluant les bonnes caractéristiques géométriques (épaisseurs de panneaux, de corniches, etc.). « Ensuite, nous avons superposé ces éléments à la maquette BIM du projet. Nous avons pu monter ainsi des réunions de travail avec notre client en faisant appel à la réalité virtuelle », explique Boris Garabos. Munis de casques, l’architecte et le décorateur étaient « immergés » dans le chantier « fini » numérisé en 3D, et pouvaient ainsi le visiter et valider les implantations des éléments. Visualisant le bâtiment dans son état futur, le décorateur apportait des annotations sur la maquette via le casque. « Par exemple, lorsque les soubassements n’étaient pas alignés avec les moulures, il redessinait les nouvelles implantations directement sur les murs », précise l’entrepreneur.
Bruno Garabos, gérant de Garabos Frères, à Floirac (Gironde).
« L’un des plus grands défis de ce chantier tenait dans le respect du planning de trois mois, très serré. »
Le chantier du Gabriel en chiffres
80 m linéaires
d’oves (ornements en forme d’œuf)
150 m linéaires
de feuilles d’acanthe
400 m linéaires
de soubassements
600 m linéaires
de moulures
La réalité virtuelle, véritable outil de travail
Grâce à cette méthode de visualisation anticipée, il a également été possible de détecter et de régler en amont des contraintes qu’il aurait fallu autrement subir sur le chantier, avec toutes leurs répercussions néfastes sur le planning. « Par exemple, nous nous sommes rendu compte qu’un réseau de plomberie nous empêchait de mettre en œuvre une corniche en staff. Le décorateur a alors apporté des correctifs, et nous avons redessiné un modèle de corniche dans lequel les tuyaux pouvaient passer », décrit Bruno Garabos. Mais la réalité virtuelle n’a pas servi qu’à la visualisation géométrique du projet. Elle a constitué un véritable outil de travail en offrant notamment de vrais avantages en termes de production. « Tous les éléments, une fois modélisés, et les quantitatifs relevés, partaient directement en fabrication dans notre atelier, ce qui nous permettait de gagner un temps non négligeable », confie-t-il. Côté chantier, l’un des morceaux de bravoure fut pour l’entreprise la transformation de la cage d’escalier principale du restaurant. « Elle était initialement de forme octogonale, mais le décorateur souhaitait la cintrer », note l’entrepreneur. Pour effectuer ce changement de géométrie, l’entreprise a d’abord fait un relevé 3D de la cage d’escalier. Elle a ensuite fait fabriquer des gabarits en plaques de plâtre, découpés au millimètre près par une machine à commande numérique, avant de les mettre en œuvre sur site. Initialement prévue au printemps 2020, la réouverture du lieu a dû être décalée à début juillet 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19.
La réalité virtuelle au service des staffeurs
Sur le chantier du Gabriel, la réalité virtuelle a permis, en lien avec la maquette BIM, de :
- modéliser le projet architectural ;
- tenir les réunions de travail en réalité virtuelle afin de valider l’implantation des éléments de staff ;
- anticiper des détails de raccords (modifications des moulures, jonctions entre cimaises et pilastres) ;
- gérer les épaisseurs des éléments staff ;
- extraire les linéaires de corniches, les profils des éléments en staff à fabriquer et les quantitatifs ;
- réaliser les élévations 2D et les vues 3D pour les staffeurs.
En savoir plus
- UMPI-FFB (Union des métiers du plâtre et de l’isolation), tél. : 01 40 69 52 14, www.umpi.ffbatiment.fr
- GMH-FFB (Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques) Tél. : 01 40 69 51 68, www.groupement-mh.org