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Les métiers du bâtiment, secteur d'avenir, réinventent leur attractivité
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Réchauffement climatique : un sens supplémentaire pour nos métiers
69 % des entreprises du bâtiment ont des difficultés à recruter en 2020, contre 46 % cinq ans plus tôt.
La technicité, un facteur d’attractivité
Ces avancées techniques sont aussi une chance pour les métiers du bâtiment, avec pour effet de moderniser leur image, notamment auprès des jeunes qui assurent le renouvellement des effectifs et ont vocation à répondre aux nouveaux besoins en recrutement. Les drones se démocratisent ? Qu’à cela ne tienne, les couvreurs les utilisent de plus en plus, pour repérer une zone d’intervention, caractériser l’existant et définir l’ouvrage à réaliser… sans avoir à monter sur le toit. Un outil qui leur permet aussi de transmettre les données recueillies en vue d’établir leur devis. Autres exemples, la commande numérique est bien installée depuis deux décennies dans les ateliers de la construction bois — on voit des machines de plus en plus connectées grâce à un système de gestion de l’information automatisé —, et l’impression 3D commence à être utilisée avec du béton pour fabriquer des éléments de construction. Sujet d’actualité s’il en est, la construction durable, en réduisant la consommation énergétique des bâtiments et en ayant recours aux biomatériaux, attire aujourd’hui de plus en plus de jeunes désireux d’agir pour sauvegarder la planète.
Les technologies numériques sont en train de modifier en profondeur les métiers du bâtiment et leur perception. À la tête de Ragoucy SAS, une entreprise de maçonnerie et gros œuvre qui emploie près de 50 salariés à La Saulce près de Gap (Hautes-Alpes), Nicolas Chabrand témoigne de cette numérisation croissante : « Depuis la fin des années 2000, nous avons commencé à dématérialiser nos dossiers, des plans d’installation de chantier aux notices de matériels, dans un objectif “zéro papier”, explique-t-il. Nous utilisons aujourd’hui une maquette 3D pour avoir une vision détaillée du projet et présenter nos offres de façon plus valorisante au client — et plus pertinente sur le plan économique. » Non seulement au bureau d’études mais aussi sur le chantier, les responsables de travaux sont équipés de tablettes avec toutes les informations actualisées à disposition. Ils peuvent réaliser un scan des ouvrages, pour vérifier leur conformité avec les plans, et anticiper toute anomalie technique. « Le numérique nous permet aujourd’hui d’être en phase avec les attentes des jeunes, qui ont grandi avec ces outils de partage de l’information, et de prendre le tournant du XXIe siècle, ajoute le chef d’entreprise. Pour le moment, ces outils concernent surtout l’encadrement, mais ils vont se diffuser petit à petit à tous les effectifs de terrain. »
Nos apprentis veulent pouvoir créer quelque chose, être autonomes et voir à la fin de la journée le résultat de leur travail.
Le numérique nous permet aujourd’hui d’être en phase avec les attentes des jeunes, qui ont grandi avec ces outils de partage de l’information.
Une féminisation réelle et souhaitable
Être attractif, au moment où l’on parle plus que jamais d’égalité réelle entre hommes et femmes, c’est ouvrir ses métiers à la féminisation, ce que fait le bâtiment, même si l’évolution est lente et qu’il reste encore une belle marge de progression ! À ce jour, on dénombre 12 % de femmes dans ses rangs, un chiffre qui n’a pas beaucoup bougé ces dix dernières années. Si une grande majorité d’entre elles occupent des postes administratifs (78 %), elles sont environ 10 500 dans le domaine de la production, et 13 700 dans le domaine technique et l’encadrement de chantier. Les métiers les plus représentés sont ingénieur (3 000 femmes), dessinateur métreur (2 400), peintre (2 380) et conducteur de travaux (1 700). Elles sont ensuite présentes dans une moindre mesure dans la menuiserie (600 femmes), l’électricité (370), ou encore la maçonnerie (300)(2).
À 28 ans, Julie Faure, ingénieure travaux chez Giraud BTP Midi-Pyrénées (gros œuvre et entreprise générale, à Ramonville-Saint-Agne, Haute-Garonne), incarne parfaitement cette féminisation du bâtiment. « À la sortie de l’école d’ingénieurs, je ne voulais pas rester dans un bureau pour faire uniquement des calculs de structures et des plans, explique-t-elle. C’est lors d’un stage sur le terrain qu’un très bon chef de chantier principal m’a transmis la passion du chantier, et depuis, je peux dire que j’aime ce métier. » La jeune femme ne cache pas que son intégration dans un milieu majoritairement masculin n’a pas été facile, car pour se faire accepter et respecter, « une femme doit faire deux fois plus ses preuves qu’un homme et n’a pas droit à l’erreur ». Si certains hommes ont encore du mal à travailler avec une femme sur le chantier, et si les relations peuvent être compliquées avec les partenaires et cotraitants, l’ingénieure travaux juge que les choses se passent globalement bien et que les mentalités évoluent dans le bon sens.
Une femme doit faire deux fois plus ses preuves qu’un homme et n’a pas droit à l’erreur.
Construire, un antidote à la routine
Les métiers du bâtiment se caractérisent aussi par la grande diversité des tâches qu’ils proposent, à l’opposé de certains postes répétitifs comme ceux du travail à la chaîne dans l’industrie. Construire est une opération complexe, et chaque bâtiment est un prototype unique, ce qui répond aux aspirations à la variété exprimées par la jeunesse. C’est ce que souligne Guy-Pierre Blanc, dirigeant de l’Atelier du Bois, une entreprise qui fabrique et pose fenêtres, escaliers et agencements en bois à Puygouzon (Tarn) : « De la réalisation d’un meuble sur mesure chez un particulier, à la pose de menuiseries dans un hôtel-restaurant, jusqu’à l’aménagement des espaces d’un musée, notre activité n’est jamais la même », explique-t-il. À ses yeux, les métiers du bâtiment procurent la grande satisfaction de pouvoir créer de ses mains un ouvrage concret dont on voit le résultat. Dans cette optique, il a fait le choix de faire confiance à la créativité et à la compétence de ses salariés en leur confiant la réalisation d’un projet de A à Z : à l’Atelier du Bois, chacun prend en charge son relevé, son dessin, la fabrication et la pose de l’ouvrage, jusqu’à la réception chez le client.
« C’est un aspect très important pour mes apprentis, ajoute le chef d’entreprise. Ils expriment clairement la volonté de pouvoir créer quelque chose, être autonomes et voir à la fin de la journée le résultat de leur travail. » Une approche qui attire des profils nouveaux pour les quatre apprentis — deux garçons, deux filles — qui complètent aujourd’hui les huit salariés de l’entreprise. « Après un bac professionnel, les apprentis que nous formons ont souvent un diplôme du supérieur en poche, comme un BTS en gestion, comptabilité ou commercial, mais ils n’ont pas trouvé leur compte dans un premier emploi de bureau. L’apprentissage et les responsabilités que nous leur confions leur permettent de prendre confiance. » Les métiers du bâtiment, ainsi que la bonne image environnementale du matériau bois, achèvent de donner du sens à leur travail.
Formation : vers une logique de la compétence
La formation a sans aucun doute un rôle important à jouer pour relever le défi du recrutement dans les métiers du bâtiment et renforcer leur attractivité. Beaucoup de changements ont déjà été mis en œuvre pour élargir l’accès à ces métiers, en particulier pour les jeunes : « Il est aujourd’hui possible de se former en alternance depuis le niveau CAP jusqu’au niveau ingénieur, dans la majorité des régions, relève Marie Dupuis-Courtes, présidente du Développement des compétences à la FFB. Cette nouvelle filière est très active depuis trois à quatre ans, et attire vers nos métiers des profils nouveaux qui veulent une vie professionnelle avec un horizon ouvert. » Pour accompagner l’innovation technique, l’offre de formation s’est beaucoup étoffée ces dernières années, notamment au niveau BTS, dans des métiers récents, voire émergents, comme l’électrotechnique, la maintenance des fluides ou les énergies renouvelables, qui permettent de mieux répondre aux besoins des entreprises.
Mais les changements les plus importants découlent de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Réformant l’apprentissage et la formation professionnelle, celle-ci autorise désormais les formations par l’apprentissage jusqu’à l’âge de 30 ans, permettant d’accueillir dans les métiers du bâtiment des candidats plus âgés ayant eu une première expérience qui ne leur a pas donné satisfaction.
Cette loi tend à favoriser la création de blocs de compétences, parallèles aux certifications et diplômes, qui visent à ce que les salariés puissent se former de façon beaucoup plus souple et modulaire tout au long de leur vie, en acquérant des compétences transverses, ce qui leur ouvrira différents métiers. On peut imaginer, par exemple, un bloc de compétences « travail en hauteur » ou « isolation thermique par l’extérieur » commun à plusieurs métiers. « Ce système nous permettra de former de façon beaucoup plus agile, en adaptant rapidement nos référentiels en fonction des évolutions techniques et de l’innovation, et de mieux répondre aux attentes des entreprises, pour qui la formation n’est pas une fin en soi et qui ont surtout besoin de compétences pour améliorer leur efficience et leur modèle économique », ajoute Marie Dupuis-Courtes. Signe des temps, la direction de la Formation de la FFB a récemment été rebaptisée « direction du Développement des compétences».
Donner des perspectives pour fidéliser les salariés
Bien recruter ses salariés est une chose, mais il faut aussi faire en sorte de les fidéliser, un défi pour lequel les chefs d’entreprise du bâtiment ne manquent pas d’idées. Dirigeant de Fer Met Alu, une entreprise de transformation du métal qui fabrique dans ce matériau garde-corps, escaliers, jusqu’à des ossatures secondaires pour des surélévations, et qui emploie 48 salariés à L’Hermitage (Ille-et-Vilaine), Julien Homo utilise pour cela plusieurs ressorts. À commencer par la communication numérique : « Sur notre site Internet, mais aussi sur les réseaux sociaux, nous affichons la qualité et la beauté des ouvrages que nous réalisons : cela crée un sentiment de fierté chez nos salariés et participe à leur attachement à l’entreprise. » Mais surtout, il a choisi d’offrir des perspectives à ses salariés en leur adressant le message qu’il est possible, en commençant à l’atelier, d’évoluer vers des postes de responsable de chantier, chargé d’études ou chargé d’affaires, par la formation. « C’est le sens de notre projet “Passerelle”, qui porte bien son nom, et qui s’est traduit en 2019 par 1 100 heures de formation, se félicite le chef d’entreprise. Pour résoudre les problèmes de recrutement et fidéliser les salariés, je crois beaucoup à l’acquisition de compétences et à l’élargissement de la culture de la construction. »
Une approche qui a aussi son revers : certains salariés à qui l’on ouvre des horizons peuvent choisir ensuite de voler de leurs propres ailes, en créant leur propre entreprise ou en changeant de secteur. Mais, pour Julien Homo, il faut accepter ce risque car la profession, tirée vers le haut, est globalement gagnante au bout du compte. Marqué par son expérience de représentant de la France aux WorldSkills de 1999 au Canada, le chef d’entreprise souhaite aussi faire bénéficier ses apprentis d’une expérience internationale toujours enrichissante. Dans ce but, il a mis sur pied le projet « Attractive metal », qui leur offre la possibilité de partir travailler un an à l’étranger dans une entreprise de construction métallique grâce aux contacts noués lors des WorldSkills, au Canada ou au Vietnam. Une initiative de rupture qui renouvelle complètement l’image des métiers du bâtiment.
Nous affichons la qualité et la beauté des ouvrages que nous réalisons : cela crée un sentiment de fierté chez nos salariés et participe à leur attachement à l’entreprise.
Les salaries eux-mêmes ont décidé de mettre à disposition un cahier où ceux qui ont une voiture indiquent chaque jour qui ils peuvent véhiculer jusqu’à l’entreprise.
Résoudre les questions de mobilité professionnelle
Parmi les freins à l’embauche dans le bâtiment figure la question de la mobilité : de nombreux salariés, en particulier les jeunes qui n’ont pas le permis de conduire ou pas encore les moyens d’acquérir une voiture, renoncent à travailler dans des entreprises implantées en zone rurale. « Notre société est située dans la zone d’activités de Saint-Michel-sur-Meurthe (Vosges), qui est isolée et n’est pas desservie par les transports en commun, témoigne Gabriel Ferry, dirigeant de Pyrométal, une entreprise spécialisée dans l’étude, la conception, la fourniture et la pose de menuiseries résistantes au feu, qui emploie une dizaine de personnes. C’est une situation qui a longtemps été un obstacle à nos recrutements. » Comment combler les derniers kilomètres qui séparent l’entreprise de la gare la plus proche ? L’entrepreneur a bien envisagé un temps de mettre en place un bus de ramassage pour aller chercher les salariés, mais les distances sont trop longues, notamment pour ceux qui sont au début de la boucle et doivent se lever très tôt pour perdre leur temps dans le véhicule. La solution est finalement venue d’une pratique récente mais ayant le vent en poupe : le covoiturage. « Ce sont les salariés eux-mêmes qui ont eu cette idée, il y a environ trois ans, raconte Gabriel Ferry. Ils se sont réunis, ont pesé le pour et le contre, et décidé de mettre à disposition un cahier où ceux qui ont une voiture indiquent chaque jour qui ils peuvent véhiculer jusqu’à l’entreprise. » Depuis, le système est entré dans les habitudes, même s’il comporte un risque : si la personne chargée du covoiturage est malade ou dans l’impossibilité de venir, elle provoque l’absence de plusieurs salariés… Quoi qu’il en soit, la solution trouvée par Pyrométal pourrait inspirer de nombreuses entreprises isolées et présente en outre l’avantage de réduire la pollution engendrée par les véhicules individuels.
Plutôt que d’“ascenseur social”, je parlerais d’“escalier social”.
Un secteur où « l’escalier social » fonctionne
Enfin, il faut mettre au crédit du bâtiment le fait qu’il est un secteur où l’on peut réussir socialement, même en commençant avec une formation « métier ». Angel Sanchez, qui a débuté en 1983 comme dépanneur dans l’entreprise de plomberie et couverture Blanche, implantée dans le XVe arrondissement de Paris, la dirige aujourd’hui, ce qui prouve qu’un tel parcours est possible. « Pour ne pas rester un simple exécutant, j’ai rapidement suivi une formation continue pour devenir métreur, raconte-t-il. Mais, dans le bâtiment, la réussite est souvent une histoire humaine. Je me suis très bien entendu avec Pierre Bienvenu, qui a dirigé l’entreprise à partir de 1986, et en apprenant qu’il cherchait à la vendre, je me suis proposé pour la reprendre. » Le dirigeant ne dit pas non, mais demande à Angel Sanchez de se former à la gestion d’entreprise, ce qu’il fait en s’inscrivant à l’École des jeunes dirigeants du bâtiment, où il apprend le contrôle de gestion, les ressources humaines, le juridique… à raison d’une semaine par mois pendant dix-huit mois, un rythme compatible avec son activité au sein de l’entreprise.
À l’issue de sa formation, la belle histoire se concrétise et Angel Sanchez prend les rênes de l’entreprise, un poste où il se sent parfaitement à l’aise. « Le bâtiment est sans doute l’un des rares secteurs où on peut commencer comme apprenti et devenir un jour patron, à condition de le vouloir vraiment et d’avoir le profil pour ça. Plutôt que d’ “ascenseur social”, je parlerais d’ “escalier social”, car un escalier ne se grimpe pas sans effort, contrairement à un ascenseur. » Entre 1983 et aujourd’hui, l’entreprise est passée d’un chiffre d’affaires de 2,5 à 4 millions d’euros, et de 10 à 25 salariés, une taille que le dirigeant ne prévoit pas de dépasser pour rester maître de son activité, ce qui lui a permis de dégager du temps pour ses responsabilités syndicales à l’UMGCCP-FFB et à la FFB Grand Paris pendant six ans. Loin des clichés encore largement répandus, les métiers du bâtiment sont ainsi en pleine métamorphose et évoluent en intégrant les préoccupations de leur époque, tout en conservant leurs valeurs fondamentales, à savoir construire quelque chose de ses mains dans le cadre d’un travail collectif qui crée du sens. La numérisation, le développement durable, la féminisation, les possibilités de mobilité et de promotion interne sont autant de leviers que les entrepreneurs ont tout intérêt à activer pour montrer un nouveau visage et renforcer leur attractivité.
WorldSkills : cap sur Lyon 2024 !
(1) Source FFB.
(2) www.metiers-btp.fr, site de l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications du BTP. Créé le 21 mars 2006 par les commissions paritaires nationales de l’emploi conjointes du bâtiment et des travaux publics, l’Observatoire a pour mission d’anticiper les évolutions quantitatives et qualitatives des emplois, métiers et qualifications, d’aider l’ensemble de la profession à anticiper les besoins en la matière, et de lui fournir des analyses statistiques et des outils d’aide à la décision.
(3) Les métiers de la maçonnerie et du gros œuvre organisent, conjointement avec les métiers de la métallerie, une opération de crowdfunding en vue de recueillir des fonds pour financer la préparation des finalistes français des 47es WorldSkills.
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