À l’issue d’une importante campagne de restauration, le château de Villers-Cotterêts accueillera en mars 2022 la Cité internationale de la langue française. Un grand projet, dont le président de la République Emmanuel Macron a confié la maîtrise d’ouvrage au Centre des monuments nationaux, et qui puise toute sa symbolique dans l’histoire du lieu : le roi François Ier y a signé, en 1539, la célèbre ordonnance rendant obligatoire l’usage du français dans les actes officiels et les décisions de justice. Ce vaste ensemble, d’une surface totale de 23 000 m², fait l’objet d’un programme en trois grandes phases : restauration des façades et toitures, et reprise des structures du logis royal (5 800 m²) et du jeu de paume (1 600 m²), ces parties datant de la Renaissance ; aménagement intérieur de ces deux bâtiments et couverture de la cour du Jeu-de-Paume avec une verrière ; enfin, restauration du clos et du couvert des communs, de la cuisine et du séchoir. « Le projet fera de ce lieu le cœur battant de la langue française, en s’appuyant sur un réseau de partenaires des champs culturel, éducatif, institutionnel et économique, pour la faire rayonner au plan international », déclare Delphine Christophe, directrice du Centre des monuments nationaux. La Cité accueillera au rez-de-chaussée des espaces dédiés aux expositions temporaires et aux ateliers pédagogiques. Le premier étage sera consacré à la visite et le deuxième, à des ateliers de création artistique avec, pour fil conducteur, la langue française. La maîtrise d’œuvre a été confiée à l’architecte en chef des monuments historiques Olivier Weets, en charge de l’attribution d’une soixantaine de lots pour un montant de travaux global exceptionnel de 210 millions d’euros.
Un gros œuvre impacté par le temps
Pour les entreprises de restauration parties prenantes, le défi consiste à redonner tout son lustre à un édifice fortement dégradé suite à une histoire mouvementée. Reconstruit au début du XVIe siècle sur ordre de François Ier, ce château a été remanié au XVIIIe par le duc d’Orléans, avant de devenir au cours des XIXe et XXe siècles un dépôt de mendicité, puis une maison de retraite. Le lot taille de pierre et maçonnerie a été remporté par l’entreprise Pradeau-Morin (Puteaux, Hauts-de-Seine), en groupement avec deux partenaires locaux, Charpentier PM (Beauvais, Oise) et Léon Noël (Saint-Brice-Courcelles, Marne). « Depuis janvier 2020, nous restaurons les façades extérieures et intérieures du château, pour lesquelles 600 m³ de pierre calcaire extraite à proximité et identique à celle d’origine seront mis en œuvre », explique son dirigeant Frédéric Létoffé. Le nettoyage délicat des façades par micro-gommage – projection d’une poudre très fine mélangée à de l’eau – permet l’identification et le remplacement des pierres abîmées par refouillement. On conforte ensuite les parties affaiblies par injection d’un coulis à base de chaux, avant de refaire l’ensemble des joints, sans oublier de patiner les pierres neuves, pour qu’elles se fondent harmonieusement dans l’ensemble. Ces travaux permettront notamment de remettre en valeur les éléments datant de la Renaissance, l’escalier d’honneur décoré d’une salamandre – emblème de François Ier –, l’escalier de la Reine et la chapelle, qui seront ouverts à la visite.
Charpente et couverture : une restauration « archéologique »
Les ouvrages en bois – dont la charpente – ont eux aussi beaucoup souffert des injures du temps. « Ce château Renaissance présente un grand intérêt en termes d’architecture patrimoniale, de quoi s’en donner à cœur joie pour les passionnés du bois », souligne François Asselin, dirigeant de l’entreprise éponyme (Thouars, Deux-Sèvres) en charge des lots charpente et menuiseries extérieures. Les interventions sur la charpente se font en sous-œuvre et demandent un gros travail d’enture : les parties en bon état sont conservées, tandis qu’on ne garde que la partie saine des bois les plus abîmés, sur laquelle on réalise des greffes à base de bois neuf. « Toutes ces opérations se font dans un esprit de reconstitution archéologique, conformément aux prescriptions de l’architecte en chef des monuments historiques, en respectant les sections et les formes pour se rapprocher le plus possible de l’ouvrage originel », ajoute le chef d’entreprise. Toutes ces restaurations exigeront 700 m³ de bois, exclusivement du chêne de France, identique à l’existant. Le même exercice sera reproduit avec les menuiseries extérieures : les fenêtres d’origine ayant quasiment disparu et beaucoup d’ouvertures ayant été murées, Asselin se voit chargée de fabriquer des fenêtres neuves à partir des profils et des éléments de serrurerie anciens, issus des recherches de la maîtrise d’œuvre.
Prenant appui sur les ouvrages en pierre et en bois, le lot couverture est revenu à l’entreprise Balas (Saint-Ouen, Seine-Saint-Denis), en groupement avec deux entreprises locales, Lelu (Pimprez, Oise) et Roquigny (Soissons, Aisne). « Les savoir-faire que nous mobilisons sont liés à l’ardoise et au plomb, explique Olivier Étienne, responsable Couverture et Patrimoine chez Balas. Nous devons notamment remplacer l’ardoise au crochet par une ardoise plus épaisse posée au clou sur l’ensemble de la toiture, ce qui représente 4 500 m² et 265 000 ardoises. » L’ardoise utilisée, de qualité « monument historique », en provenance des carrières Cupa, est épaufrée manuellement – taillée en biseau sur ses quatre côtés – avant d’être posée selon le procédé de « liaison brouillée », pour rompre la monotonie de l’alignement. Le plomb est utilisé pour l’habillage des éléments architecturaux complexes, tels que lucarnes cintrées, épis de tourelles, boursaults de faîtage et mains courantes de chéneaux, où son adaptabilité et la pérennité qu’il apporte restent inégalées.
En plus de la complexité et de l’ampleur des travaux, les entreprises engagées doivent aussi relever le défi de délais très réduits, liés à la nécessité de livrer le projet avant la fin du quinquennat. Délais que deux campagnes successives de fouilles archéologiques préventives, l’arrêt dû au confinement du printemps 2020 et les mesures de prévention du coronavirus sur le chantier ont encore contraints. Les entreprises ont cependant trouvé des réponses en se réunissant en groupement, pour pouvoir concentrer les effectifs nécessaires au bon moment, sur un chantier considérable qui réunira à son pic d’activité environ 600 compagnons. Pour associer qualité des travaux et respect des délais, elles ont aussi fait appel aux technologies numériques, en scannant par exemple la charpente pour y implanter les assemblages en 3D, ou fait appel à la préfabrication, notamment pour les éléments en plomb qui vont équiper la couverture. Elles doivent désormais s’intégrer au schéma organisationnel et logistique mis en place par la maîtrise d’œuvre pour assurer le succès de l’opération. Associé au rayonnement français et international de la langue française, le château de Villers-Cotterêts sera une vitrine d’excellence pour les savoir-faire des entreprises spécialisées en monuments historiques.