Le 12 janvier 2017, le souffle de la tempête Egon s’engouffre dans la cathédrale gothique de Soissons (Aisne). Des rafales de plus de 130 km/h ébranlent la rose monumentale de la façade ouest de l’édifice, dont une partie des remplages – le réseau de pierre intérieur – finit par céder. Devant l’ampleur des dégâts, la Conservation régionale des monuments historiques de la Drac Hauts-de-France décide, après une étude complète de diagnostic conduite par l’architecte Olivier Weets, de remplacer la totalité de la rose à « l’identique », mais avec des pierres neuves, afin d’assurer la pérennité structurelle de l’ouvrage. Pour mener ce projet hors normes, c’est l’entreprise Charpentier PM, installée à Beauvais (Oise) avec ses 70 salariés, spécialisée dans la taille de pierre pour monuments historiques, qui est sélectionnée pour réaliser la structure de la rose.
Fait inhabituel pour l’entreprise, le projet a démarré par une phase d’étude poussée en interface avec les autres corps d’état – en particulier le maître verrier, le métallier et le sculpteur. « Afin de valider les caractéristiques mécaniques de la pierre choisie – la même que celle qui a été retenue pour la restauration de Notre-Dame de Paris – nous avons dans un premier temps fabriqué les éléments de remplage à échelle 1, détaille Jean-Yves Bruchausen, gérant de Charpentier PM. Ceux-ci ont ensuite été soumis à des essais de compression et de flexion. Nous avons également testé différents types de scellements, joints et goujons, ce qui a permis de vérifier la meilleure tenue des éléments par un scellement et jointoiement au plomb. Le tout dans l’objectif de pouvoir résister à une tempête équivalente à celle de 2017. » Au final, ces études préalables ont conduit à augmenter de 5 cm l’épaisseur des remplages d’origine et à plus que doubler la longueur des goujons entre les pierres – ceux-ci passant de 8 à 20 cm.
Avant de démarrer le chantier proprement dit, l’entreprise a dû effectuer la pose à blanc de la rose. « Sur un projet classique, nous aurions commencé à poser les premières pierres tout en poursuivant la taille des suivantes. Ici, nous avons dû tailler tous les éléments afin d’assembler la rose à blanc au sol. » Cette étape revêtait une double dimension : technique, pour vérifier que l’ouvrage était conforme aux prescriptions, et communicationnelle. « Le maître d’ouvrage souhaitait que toutes les parties prenantes, les écoles, les jeunes architectes, les riverains, puissent admirer “de près” la beauté structurelle de la rose avant qu’elle soit mise en place définitivement à 23 mètres de hauteur. »
Côté chantier, plusieurs phases se sont avérées ardues. « Afin de pouvoir asseoir l’arc qui protège et reprend les charges de la rose, nous avons dû réaliser un étaiement très dense et robuste, que nous démontions à l’avancement au fur et à mesure de l’élévation de la structure de la rose », illustre Jean-Yves Bruchausen. Autre difficulté : la découverte de pierres anciennes fissurées à la jonction de l’arc périphérique et l’arc brisé de la rose et de la structure de la cathédrale. « Nous avons dû les remplacer par des pierres neuves. Les charges qu’elles reprenaient étaient si importantes que nous avons dû les liaisonner sur place avec des goujons croisés de 1,2 m de long en Inox sur 4 ml de part et d’autre de l’arc périphérique, ce qui représente une opération exceptionnelle », conclut le gérant.