Quelle est l’ambition de la France pour la 47e Compétition WorldSkills à Lyon en 2024 ?
Florence Poivey — Quand la France a remporté en 2019 l’organisation de la compétition, le président de la République nous avait donné l’objectif d’atteindre la cinquième place mondiale. Or c’est précisément le rang atteint lors de la 46e édition en 2022 par la France – qui est arrivée première des nations non asiatiques. Le souffle de la Compétition WorldSkills Lyon 2024 était déjà là. L’ambition est donc d’avoir l’an prochain une Équipe de France des Métiers qui continue à performer et gagne même, osons rêver, une ou plusieurs marches de plus !
Max Roche — En matière d’organisation, l’ambition de WorldSkills Lyon 2024 est de rompre avec la course au gigantisme et au spectaculaire de certaines éditions précédentes pour en faire un événement à taille humaine, proche des compétiteurs et du public, dans des dimensions plus raisonnables qui le rendent réplicable par la suite avec des budgets accessibles, pour n’exclure aucun pays. Notre projet répond ainsi aux attentes de WorldSkills International et à ce que nous avons porté lors de notre candidature pour cette compétition mondiale. Dans le même esprit, WorldSkills Lyon 2024 sera un événement responsable, en se préoccupant notamment du recyclage et du réemploi de tous les matériels qui seront utilisés.
Sur le fond, quel est l’enjeu d’une telle compétition mondiale organisée en France ?
F.P. — WorldSkills Lyon 2024 sera une vitrine unique sur la beauté des métiers, la force de passion, de talent, d’engagement de la jeunesse. Imaginez 1 500 jeunes, chacun étant un champion dans son pays, venir défendre leur médaille d’or dans une compétition au plus haut niveau mondial : c’est une concentration d’excellence exceptionnelle, et c’est la chance, pour la France, de remettre les métiers au cœur de l’envie et de la fierté de nos jeunes, en incitant chacun d’eux à réaliser qu’il y a une part d’excellence en lui.
M.R. — WorldSkills Lyon 2024 s’inscrit en droite ligne de l’ambition des pouvoirs publics et des partenaires sociaux lorsqu’ils ont réformé l’apprentissage en 2018. En toile de fond, il s’agit bien de mettre l’apprentissage au cœur de la formation des jeunes en France, d’en faire une voie aussi légitime et recherchée que les filières académiques. Tous ces jeunes qui vont briller vont donner envie à d’autres de s’orienter vers ces formations-là. Si nous savons donner tout son écho à l’événement, WorldSkills Lyon 2024 va montrer concrètement toute la part de satisfaction profonde, d’épanouissement personnel et de réalisation de soi que porte chaque métier.
En application de cette ambition, comment toucher un large public ?
M.R. — Nous allons en faire une rencontre largement ouverte, non seulement dans l’enceinte d’Eurexpo Lyon pour qu’un large public puisse voir dans les meilleures conditions les compétiteurs à l’œuvre, mais aussi en organisant de nombreux événements dans la métropole lyonnaise et au-delà autour des métiers et de l’excellence. L’ouverture est aussi le maître mot en direction des élèves, du corps enseignant et de tous ceux que l’on espère toucher et motiver pour développer l’apprentissage en France et en Europe – car Lyon est un carrefour européen.
F.P. — Ce parti pris d’ouverture concerne non seulement WorldSkills Lyon 2024, mais aussi la vision à long terme qui nous anime chez WorldSkills France. Dans le cadre de la Finale Nationale, où nous ne sommes pas contraints par les mêmes règles que dans les Finales Mondiales, on pourrait imaginer pour l’avenir de créer des espaces de découverte des métiers, ou même d’organiser des challenges complémentaires des compétitions elles-mêmes, en y associant des partenaires des filières professionnelles qui mettraient en avant l’attractivité de leurs métiers et de leurs entreprises. Le point commun à tout cela, c’est la volonté d’amener les jeunes à porter un regard nouveau sur les métiers.
Concernant la phase actuelle de la compétition, la mobilisation est-elle au rendez-vous dans les filières de métiers, et qu’en est-il en particulier de celle du bâtiment ?
F.P. — Dans une période qui n’est pas facile pour les entreprises en termes de compétences disponibles et de contraintes économiques nouvelles, nous enregistrons nettement plus de compétiteurs inscrits pour les sélections régionales qu’à la même période de la précédente édition. Sachant que l’émulation commence dès le départ, c’est bon signe pour la future compétition mondiale ! L’effet WorldSkills Lyon 2024 est clairement là. Nos partenaires publics des régions se mettent en mouvement de façon encore plus engagée que d’habitude. Les fédérations professionnelles sont, elles aussi, très impliquées, en particulier celles du bâtiment. Concernant cette filière, nous allons user de notre influence de pays d’accueil pour tenter de faire revenir dans la compétition le métier de tailleur de pierre, qui est emblématique de l’évolution de nombreux métiers de la main. Dans la même épreuve, en effet, les compétiteurs sont challengés non seulement sur les gestes traditionnels mais aussi sur des compétences digitales et mécaniques.
M.R. — J’ai pu constater effectivement que la FFB, qui a fait des questions d’apprentissage un sujet majeur, s’est fortement mobilisée en toute logique pour les compétitions WorldSkills. En octobre dernier, par exemple, quand les dernières Finales Mondiales n’ont pas pu se tenir à Shanghai et ont été réparties dans des villes de différents pays, dont Bordeaux pour la France, où étaient organisées en même temps les épreuves régionales de la 47e édition, la FFB a largement participé à l’animation de l’événement, avec un grand stand ayant accueilli de nombreux jeunes visiteurs. Plus généralement, quels que soient les métiers, chacun a bien pris la mesure de l’enjeu exceptionnel de WorldSkills Lyon 2024. Pour un CFA ou un lycée technique, avoir un lauréat issu des sélections régionales avec l’espoir qu’il soit médaillé par la suite, c’est extrêmement mobilisateur pour tous les apprentis, c’est une fierté qu’ils partagent et qui les motive. Toutes les filières professionnelles l’ont bien compris !