Depuis 2021, les archives départementales de l’Isère disposent d’un nouveau bâtiment qui se singularise par son audace et sa créativité architecturale. Pour offrir un espace ouvert au public en rez-de-chaussée et mettre à disposition les espaces nécessaires au stockage des archives en élévation, les auteurs du projet – les cabinets CR&ON Architectes (mandataire) et D3 Architectes (associé) – ont imaginé un bâtiment composé de quatre blocs monolithiques comprenant cinq niveaux et cinquante-six magasins d’archivage, distribués autour d’un atrium central de 22 mètres de hauteur, éclairé par une verrière zénithale. Ces quatre blocs prennent pied sur un ensemble de poteaux en V, qui donnent au bâtiment son aspect aérien, et sont accessibles grâce à une casquette horizontale végétalisée. « La géométrie complexe de ce projet a mobilisé notre bureau d’ingénierie et structures, en relation avec nos fournisseurs de béton et de matériels », explique Samuele Mascia, directeur de travaux chez Cuynat, l’entreprise de gros œuvre qui a réalisé les travaux, établie à Saint-Martin-le-Vinoux (Isère). « Des moules en résine ont été conçus spécialement pour pouvoir couler en une seule fois ces poteaux de près de 8 mètres de hauteur », précise-t-il. En mettant en œuvre du béton C50 autoplaçant avec un ferraillage très dense, ces ouvrages sont de véritables “piles de pont” et relèvent du génie civil. Bordée par ces poteaux monumentaux, une rue intérieure publique offre des espaces consacrés à la médiation et à la consultation ainsi que des salles pédagogiques, un auditorium et des ateliers dédiés à la conservation, garantissant ainsi les multiples vocations des archives. Sous les magasins, les bureaux des archivistes s’inscrivent dans le joint creux du R+1, bénéficiant d’une lumière naturelle et d’une vue sur les massifs montagneux environnants.
La stabilité du bâtiment est assurée par un complexe de murs de refends porteurs en béton et de dalles alvéolaires précontraintes, permettant d’assurer une portée de plus de 10 mètres. Pour répondre à la réglementation parasismique, les façades en porte-à-faux sont reliées à la structure par un système d’accroches métalliques, pour pouvoir bénéficier de la souplesse de l’acier et résister aux efforts horizontaux.
Les façades, opaques sur le pourtour du bâtiment, ferment une double peau climatique qui assure l’isolation thermique, l’inertie et le passage des flux de la régulation thermique et hygrothermique nécessaire à la conservation des fonds. Leur design, à la fois matricé et composé de strates en quatre couleurs de béton du brun à l’ocre, qui font écho aux falaises sédimentaires de la Chartreuse, sont la signature architecturale du projet : « De nombreux essais ont été nécessaires pour obtenir l’effet visuel voulu par les architectes, ajoute Samuele Mascia. Nous sommes partis du dessin des façades, que nous avons reproduit à l’aide de repères appliqués sur les ferraillages dans les banches, ce qui a permis de réaliser des passes successives de 25 à 120 cm avec les bétons de différentes couleurs, en autorisant un léger mélange des strates pour créer des nuances. » Ce travail minutieux et quasiment artistique, réalisé sur les 80 mètres linéaires de la façade en une seule fois, a été possible grâce à l’application de tous, du fournisseur de béton jusqu’aux chefs d’équipes et compagnons. Un sablage de finition a achevé de donner tout son design minéral aux façades. Alors qu’il était initialement prévu de les peindre, les poteaux monumentaux ont finalement été laissés dans leur esthétique brutaliste. Un élément supplémentaire pour rendre hommage au formidable potentiel structurel et plastique du béton.