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Relever le défi de l’adaptation des logements au vieillissement
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Il y avait là un enjeu de prévention majeur. Les chiffres montrent en effet que l’âge moyen pour solliciter les aides existantes est de 84 ans, ce qui est beaucoup trop tard. Chaque année, 10.000 personnes âgées meurent des suites de chutes domestiques en France. Désormais, sous conditions de ressources, dès l’âge de 70 ans dans tous les cas et dès 60 ans en cas de perte d’autonomie, les seniors vont être éligibles à une prime pour adapter leur logement, ce qui est pour nous un progrès considérable.
De même, le fait que ce dispositif soit piloté par l’Anah, qui gérait déjà l’aide « Habiter facile », pourra permettre de fusionner MaPrimeAdapt’ avec d’autres aides comme MaPrimeRénov’, sous la forme d’un véritable projet de rénovation. Il était important également que le dispositif relève de la tutelle du ministère du Logement, pour impliquer et embarquer tous les acteurs du secteur.
L’intitulé MaPrimeAdapt’ suggère le parallèle avec MaPrimeRénov’. La logique est-elle la même ?
L.B. — La terminologie signifie clairement que MaPrimeAdapt’ se veut le pendant, dans le domaine de l’adaptation de l’habitat au vieillissement, de MaPrimeRénov’ dans celui de la rénovation énergétique. MaPrimRénov’ a permis de réaliser des dizaines de milliers de rénovations énergétiques, et MaPrimeAdapt’ est aussi un programme national avec des objectifs importants.
L’épure budgétaire vise environ 700.000 aides distribuées au total sur dix ans, avec une montée en charge progressive : 45.000 logements adaptés en 2024, la première année, pour atteindre environ 100.000 par an à terme. La dynamique est donc ambitieuse, mais elle dépendra de l’ampleur avec laquelle le Gouvernement voudra communiquer pour qu’elle devienne effective.
Luc Broussy est le président de l’association France Silver Éco, mandatée par les pouvoirs publics pour animer la filière Silver économie et fédérer l’ensemble des acteurs qui participent à l’adaptation de la société au vieillissement.
Il est par ailleurs cofondateur de « Matières grises », cercle de réflexion spécialisé dans les questions de vieillissement, et l’auteur de deux rapports interministériels sur ce thème, dont, en 2021, Nous vieillirons ensemble, 80 propositions pour un nouveau pacte entre générations.
L.B. — Nous comptons sur un effet d’entraînement, le dispositif ayant une vocation pédagogique en montrant à nos concitoyens âgés que, prime ou pas, il faut adapter son logement dans la perspective du vieillissement, sachant que 75 % des seniors sont propriétaires en France. Cela dit, tout citoyen, qu’il ait droit ou pas à une aide financière, devrait pouvoir être guidé dans ses travaux d’adaptation.
C’est la raison pour laquelle, comme nous l’avons proposé dans le cadre du Conseil national de la refondation consacré au « bien vieillir », il nous paraît nécessaire d’instaurer dans un second temps, à travers le guichet unique France Rénov’, qui aurait un rôle de conseil et d’accompagnement, un diagnostic de son logement accessible à tous. Même les personnes aisées doivent pouvoir être orientées et conseillées.
Mais commençons par le commencement, c’est-à-dire par MaPrimeAdapt’, avec l’enjeu immédiat, pour tous les acteurs concernés, de répondre « présent » pour que soient effectivement réalisés les travaux aidés qui ont été budgétés !
« La révolution démographique, avec tout ce qui tourne autour de l’adaptation de l’habitat au vieillissement, est un enjeu majeur pour les professionnels du bâtiment. »
L.B. — Comme la transition écologique, la révolution démographique, avec tout ce qui tourne autour de l’adaptation de l’habitat au vieillissement, est un enjeu majeur pour les professionnels du bâtiment.
Dans la période de crise que traverse le secteur de l’immobilier et de la construction, c’est l’un des rares thèmes qui donne de l’optimisme et suscite une volonté collective d’agir, chez les acteurs publics comme privés. Les artisans et les entreprises du bâtiment ont tout intérêt à se sensibiliser et se former pour devenir de vrais professionnels de l’adaptation du logement au vieillissement.
Je sais que les organisations professionnelles s’y préparent, en travaillant notamment sur une formation de leurs adhérents qui s’engageront sur ce marché.
Pour autant, il n’y aura pas de labellisation obligatoire, comme l’est le RGE pour les travaux de rénovation énergétique…
L.B. — Au moins au départ, pour pouvoir lancer rapidement le dispositif et ne pas brider le marché, il a été décidé de ne pas conditionner les aides à une labellisation des entreprises et de confier à un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) la coordination du dossier.
Il s’agit de trouver un équilibre entre la massification attendue des travaux d’adaptation et la sécurisation des services rendus à une population fragile. Les fédérations professionnelles, la filière Silver économie et les pouvoirs publics travaillent néanmoins sur un socle de formation commun et sur un référencement de professionnels afin d’orienter les collectivités locales, les centres d’action sociale et les seniors eux-mêmes vers des interlocuteurs compétents et formés.
À quelles innovations faut-il s’attendre dans ce type de travaux ?
L.B. — Il faut s’attendre à ce que les nouvelles technologies numériques entrent en force dans les logements. On voit déjà des résidences équipées, par exemple, de sols connectés, qui captent les chutes ou au contraire identifient l’absence de contact pendant un certain temps.
Avec l’intelligence artificielle, les outils de ce type vont se multiplier. Qu’il s’agisse des matériaux connectés, des outils à commande vocale ou encore des box spécialisées, les professionnels du bâtiment vont devoir s’approprier de telles innovations, sachant que la génération des baby-boomers qui constituera leur clientèle est elle-même hyperconnectée !
Pour conclure, quel est votre message aux professionnels du bâtiment ?
L.B. — Je voudrais leur dire qu’ils participent à un enjeu sociétal majeur, le vieillissement de la population, qui va avoir un impact sur la façon dont les logements sont conçus et doivent être adaptés. Eux-mêmes vont devoir s’adapter, mais c’est dans la nature de leur métier d’entrepreneurs.
Un puissant mouvement est en train d’émerger, et nous avons besoin d’eux pour le concrétiser ! D’ailleurs, lorsqu’on demande aux seniors sur qui ils souhaitent s’appuyer pour vivre plus longtemps dans leur logement, ils citent en premier, à 25 %, les professionnels du bâtiment, qui ont un lien de confiance et de proximité avec ces publics. Nous devons donc nous appuyer sur eux.
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