Bruno Arcadipane, président d’Action Logement Faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi

Le lien emploi-logement est dans l’ADN du groupe Action Logement, dont le président alerte sur la gravité de la crise du secteur. Pour redonner de la fluidité aux parcours résidentiels, aujourd’hui grippés, et répondre aux besoins des territoires à l’heure de la réindustrialisation, il est urgent de relancer la politique du logement, en créant la confiance et la visibilité nécessaires.
13:0514/06/2024
Rédigé par FFB Nationale
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Bâtimétiers Numéro 75 | juin 2024

Pouvez-vous nous rappeler le rôle d’Action Logement dans le secteur du logement en France ?

 

Bruno Arcadipane — Nous sommes, depuis soixante-dix ans, un acteur de référence du logement social et intermédiaire, implanté sur l’ensemble du territoire national, avec 20 000 salariés. Groupe paritaire, Action Logement gère la « participation des employeurs à l’effort de construction » (PEEC), soit 0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de cinquante salariés, avec un objectif unique : faciliter l’accès au logement pour favoriser l’emploi.

 

Ce lien emploi-logement est notre raison d’être, que nous déclinons dans deux activités spécifiques. La plus connue est le financement de logements sociaux et intermédiaires pour l’ensemble des bailleurs HLM ainsi que la construction, via les filiales du groupe : avec un patrimoine de 1,2 million de logements, nous constituons la plus grosse foncière d’Europe. L’autre grande activité concerne les services, c’est-à-dire la collecte de la PEEC et, surtout, la délivrance de services et d’aides aux salariés : on peut citer la caution gratuite Visale, qui est en quelque sorte la garantie de ceux qui n’en ont pas, et l’ensemble des aides à la mobilité, qui s’adressent en majorité aux jeunes actifs.

 

Toutes activités confondues, nous accompagnons chaque année entre 750 000 et 800 000 salariés du privé, que nous aidons à mieux se loger et à se rapprocher de leur bassin d’emploi. Nous répondons ainsi à un besoin essentiel non seulement pour eux mais aussi pour les entreprises, les territoires et notre pays. Il faut souligner également notre rôle de soutien au secteur du logement abordable, en finançant directement des organismes de logement social, et en participant fortement à la politique de rénovation urbaine.

 

Qu’en est-il plus précisément de votre activité de production et de réhabilitation de logements, et comment se porte-t-elle dans le contexte actuel de crise ?

 

B. A. — Notre modèle de gestion paritaire montre sa robustesse dans la crise. En 2023, nous avons tenu nos engagements en développant plus de 44 000 nouveaux logements et en en réhabilitant près de 40 000. Dans le logement social, Action Logement représente environ 20 % du stock et entre 40 % et 50 % des agréments selon les années. Cela signifie que nous produisons le double de ce que nous pesons.

 

C’est le signe de l’efficience de notre gouvernance, qui a été profondément réformée depuis 2017. Aujourd’hui, Action Logement se caractérise à la fois par une stratégie nationale claire et ambitieuse, portée par la forte exigence des partenaires sociaux, et par un ancrage au plus près des besoins dans les territoires, avec des équipes mobilisées en métropole et en outre-mer. Cela nous donne une réactivité et une agilité que nous défendons.

 

Nous l’avons d’ailleurs montré en atteignant en six mois à peine les objectifs de notre plan « 30 000 logements pour l’emploi » lancé en juillet 2023 : nous avons pris nos responsabilités en décidant de soutenir le secteur immobilier en crise et d’acquérir 30 000 logements auprès des promoteurs. Ce plan est aujourd’hui en voie d’achèvement.

 

Comment analysez-vous plus généralement la situation dans l’ensemble du secteur et comment sortir de la crise ?

 

B. A. — Nous sommes face à une chute de la production inédite. Tous logements confondus, les mises en chantier ont reculé de près de 25 % en 2023 sur un an, et les prêts aux particuliers pour acquérir leur logement ou réaliser des gros travaux ont chuté de 41 %. Les parcours résidentiels sont donc quasiment à l’arrêt. Dans le logement social aussi, on construit de moins en moins, alors que les besoins s’accroissent de façon massive, avec 2,4 millions de demandeurs aujourd’hui, soit 100 000 demandes supplémentaires par an en 2022 et 2023.

 

Il faut prendre des décisions très rapides, car les retards accumulés ces dernières années sont autant de chantiers que l’on ne fera pas en 2024 et 2025. Nous avons un nouveau ministre du Logement qui est à l’écoute, le dialogue avec lui et le ministre de la Transition écologique est consistant, ce qui est positif, mais à un moment donné, il faut décider ! Il est impératif de redonner de la fluidité au système. Tout le monde parle de simplification, alors que tout devient de plus en plus compliqué. Raccourcir les délais, revoir les critères, les seuils… il faut s’interroger sur tout ce qui peut contribuer à débloquer la situation de manière pérenne.

 

Quand on voit, par exemple, qu’on ne peut pas vendre en bloc du logement intermédiaire à une société HLM parce que la loi ne l’autorise pas, on se demande où est la simplification. Au sujet du logement social, compte tenu de l’année calamiteuse qui s’annonce, ne pourrait-on pas geler provisoirement la ponction de l’État au titre de la réduction du loyer de solidarité ? Réinjecter 1,3 milliard d’euros dans le secteur ferait du bien aux fonds propres de beaucoup de bailleurs sociaux, en redonnant de la confiance et de la visibilité.

 


Tout le monde parle de simplification, alors que tout devient de plus en plus compliqué. Raccourcir les délais, revoir les critères, les seuils… il faut s’interroger sur tout ce qui peut contribuer à débloquer la situation de manière pérenne.

Bruno Arcadipane a été réélu en 2023 à la présidence du groupe paritaire Action Logement, sur proposition du Medef, dont il est vice-président.

 

Il est par ailleurs fondateur du groupe Consortium des peintures et revêtements (Châlons-en-Champagne, Marne), membre du comité d’orientation de l’accession sociale à la propriété de la Banque Postale, et vice-président de la CCI de la Marne.

N’est-ce pas aussi la politique de l’emploi qui est fragilisée par la crise du logement ?

B. A. — Tout à fait ! Le président de la République veut réindustrialiser la France, avec l’objectif d’aller vers le plein-emploi. Sans logements au plus près des bassins d’emploi, on n’y arrivera pas : pour embaucher dans les zones de réindustrialisation, il faut que les salariés qui viennent y travailler aient la garantie de trouver un toit et des conditions de confort équivalentes à celles qu’ils s’apprêtent à quitter.

 

Chez Action Logement, nous avons été précurseurs sur le sujet des travailleurs en mobilité, en mettant en place les premiers conteneurs maritimes transformés en logements de qualité, ou en créant des maisons temporaires en bois que l’on peut reconditionner et déplacer selon les besoins.

 

Mais il faut surtout construire des logements là où les entreprises embauchent, en facilitant la tâche des élus pour qu’ils signent des permis de construire, en leur donnant là aussi de la visibilité et en garantissant qu’ils auront les ressources nécessaires pour créer les écoles, les voiries et toutes les infrastructures destinées à accueillir les nouvelles populations.

Vous avez lancé en 2022 un plan de décarbonation. En quoi consiste-t-il et quels sont vos objectifs ?

B. A. — C’est un plan très ambitieux, qui prévoit 70 milliards d’euros d’investissements d’ici 2030 et doit nous conduire à réduire de 55 % notre empreinte carbone à cette date. Le mode de fonctionnement de l’entreprise a totalement basculé vers cet objectif, qui concerne tout autant la construction que la rénovation et l’entretien de notre patrimoine. Entre 2023 et 2027, nous aurons réalisé ainsi la rénovation énergétique de 20 % de notre parc, en visant au minimum l’étiquette C.

 

Nous travaillons avec les élus pour nous raccorder systématiquement à leurs réseaux de chaleur urbains, nous déployons des solutions décarbonées telles que la géothermie semi-profonde ou l’autoconsommation collective, et nous accompagnons les locataires avec des outils qui les aident à mieux piloter au quotidien leurs consommations. Nous aidons aussi des dizaines de start-up à se développer, pour que leurs innovations nous aident en retour à être à la pointe de la décarbonation.

 

On retrouve ainsi dans ce plan ce qui fait la force de notre gouvernance : une forte ambition au niveau national, qui ruisselle dans les multiples actions de nos Entreprises sociales pour l’habitat (ESH), incitées à prendre l’initiative et à se projeter dans un futur innovant. À leur tour, nos ESH, qui jouent un rôle d’expérimentateurs pour le secteur, mobilisent les très nombreuses entreprises que nous faisons vivre dans les territoires, sachant que 70 % de nos achats sont réalisés localement. On aimerait qu’un même cercle vertueux inspire la politique nationale du logement !

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