JO « bas carbone » : des ambitions et des solutions
Le contenu est réservé à nos adhérents. Pour le consulter
La principale difficulté pour nous a été de concevoir, en collaboration avec Bouygues Bâtiment Île-de-France, un système qui permette de liaisonner le haut des façades, qui est fixe, avec la toiture mobile, tout en garantissant l’étanchéité à l’air et à l’eau du bâtiment.
Le Centre aquatique, un bâtiment emblématique
Cette ambition se traduit dans l’un des édifices majeurs construits pour l’événement : le Centre aquatique de la Plaine-Saulnier à Saint-Denis, confié en conception-réalisation par la Métropole du Grand Paris à un groupement mené par Bouygues Bâtiment Île-de-France, mandataire de l’opération. Accompagné d’un franchissement piéton de l’A1 et construit à proximité du Stade de France sur une emprise totale de 2,7 ha, ce bâtiment exceptionnel accueille notamment un bassin de 70 m, pour la natation et le plongeon, qui dispose d’une capacité de 5.000 places assises.
Il se caractérise par un socle en béton, sur lequel repose une structure de halle sportive en bois, équipée de façades vitrées doublées de brise-soleil. Mais la principale innovation technique de cette structure réside dans sa toiture, composée d’un alignement de catènes en bois – des poutres articulées en lamellé-collé de forme concave – de 90 m de portée formant une nappe souple qui ferme cet immense volume, ce qui en fait la plus grande réalisation de ce type en Europe.
Il ne s’agit pas uniquement d’une prouesse architecturale : ce procédé permet d’obtenir une toiture incurvée avec, à la clé, une réduction du volume total à chauffer et donc une diminution drastique de la consommation énergétique du bâtiment. Les performances environnementales sont bien au rendez-vous. L’utilisation massive d’un matériau biosourcé – le bois – contribue à contenir le bilan carbone du Centre aquatique en dessous de 30.000 teqCO2, tandis que sa consommation n’excédera pas 4.700 kWh/an d’énergie primaire par mètre carré et par bassin.
D’autre part, les quelque 5.000 m2 de panneaux photovoltaïques installés sur le toit, soit l’une des plus grandes fermes solaires d’Île-de-France, fourniront 25 % des besoins en électricité du bâtiment, qui sera alimenté à 90 % par des énergies renouvelables ou de récupération. La sobriété en eau est assurée par une récupération de 50 % de l’eau utilisée, et une maîtrise de la consommation à hauteur de 85 l par baigneur.
Pour la couverture du Centre aquatique, des blocs d'isolant en verre cellulaire jouent également un rôle de pare-vapeur dans la masse et garantissent l’étanchéité à l’air.
Une solution technique sous ATEx pour la couverture et les façades
Pour que cette immense « couverture » très innovante puisse résister aux contraintes climatiques et en particulier au vent, elle a été solidarisée avec le reste de la structure au moyen de fixations mobiles qui lui permettent d’osciller verticalement avec un différentiel pouvant atteindre par endroits 0,50 m, ce qui a rendu plus complexe l’intervention des entreprises de façade et étanchéité.
Spécialisée dans la construction de façades vitrées et de verrières sur des ouvrages complexes, Mtechbuild, qui emploie une centaine de salariés à Luçon (Vendée), a su relever le défi : « La principale difficulté pour nous a été de concevoir, en collaboration avec Bouygues Bâtiment Île-de-France, un système qui permette de liaisonner le haut des façades, qui est fixe, avec la toiture mobile, tout en garantissant l’étanchéité à l’air et à l’eau du bâtiment », explique son directeur général, Franck Champain.
Dans les faits, une dizaine d’ingénieurs du bureau d’études de l’entreprise ont planché durant 15.000 heures de travail au total, dès la phase de conception, pour imaginer un système de coulisseau vertical, enveloppé dans des membranes souples : un procédé en dehors des techniques courantes, qui a fait l’objet d’une ATEx (appréciation technique expérimentale) du CSTB. D’une hauteur de 15 m, les façades en aluminium s’appuient sur une ossature en acier et sont réalisées avec un double vitrage technique qui affiche le meilleur compromis possible entre capacité d’éclairement bienvenue et filtrage des rayons producteurs de chaleur indésirables.
Enfin, le lot de Mtechbuild comprenait également les façades aluminium du rez-de-chaussée, les verrières de toiture qui permettent l’apport de lumière, la pose des brise-soleil, qui optimisent protection solaire en été et apports solaires en hiver, pour réduire encore la facture énergétique, ainsi que la réalisation de la casquette en « aile d’avion » qui suit les lignes organiques de la toiture et participe à la signature architecturale du bâtiment.
Étanchéité : un facteur de performance de l’enveloppe
L’immense couverture de 11.000 m2 du Centre aquatique, mise en œuvre sur la nappe mouvante composée de catènes, avec des parties en pente jusqu’à 38 %, a constitué à elle seule un chantier très complexe, nécessitant également une ATEx.
Cet ouvrage se compose d’un voligeage bois, recouvert de contrelattes entre lesquelles est posé un absorbant acoustique en laine minérale, contre les effets de réverbération à l’intérieur de la halle sportive, lui-même recouvert de bacs acier. Sur ce support complexe aux très grandes dimensions, l’entreprise BECI BTP, implantée à Montsoult (Val-d’Oise), a pu exprimer ses savoir-faire et sa maîtrise des ouvrages exceptionnels pour assurer l’étanchéité du bâtiment : « Le procédé retenu a été la pose – sur un lit pour les parties planes de la toiture et sur deux lits pour les parties courbes – de blocs d’isolant en verre cellulaire, qui jouent également un rôle de pare-vapeur dans la masse et garantissent l’étanchéité à l’air, explique Gilles Guyoton, le directeur général de l’entreprise.
Ces blocs ont été trempés dans le bitume et collés à chaud sur les bacs acier dans un alignement au millimètre. » Les étapes suivantes ont consisté à poser des plaquettes crantées métalliques dans la mousse de verre et à fermer le tout avec une membrane en EVA (éthylène-acétate de vinyle) collée en plein par marouflage sur une sous-couche bitumineuse. Plusieurs interventions du géomètre ont été nécessaires pour positionner au laser notamment des plaquettes crantées sur les zones de pente supérieures à 20 %, contribuant à la fixation des rails supports de panneaux photovoltaïques.
Grâce à ce chantier de haute précision, qui a exigé environ 11 500 heures de travail et la mise en œuvre de 40 tonnes de bitume et 1 600 m3 de mousse de verre, le Centre aquatique bénéficie d’une toiture d’une résistance thermique de 5,5 m2.K/W (lambda : 36 mW), participant activement aux performances thermiques de l’enveloppe, dont la qualité d’exécution sera garante d’une grande durabilité dans le temps.
Notre réponse a consisté à utiliser du béton ultra-bas carbone sur l’intégralité des radiers et planchers (soit 18 000 m3), permettant ainsi une parfaite mixité des matériaux.
Village des athlètes : le béton bas carbone allié du bois
Les ambitions d’excellence environnementale de la Solideo ont aussi trouvé une traduction dans les bâtiments construits pour le Village des athlètes de Saint-Denis. Au sein de ce vaste écoquartier de 50 ha au total, VINCI Construction et ses filiales Bateg et Dumez Île-de-France ont été retenus pour construire le projet Universeine, qui regroupe trois bâtiments neufs destinés à accueillir les athlètes pendant les épreuves, et à devenir des immeubles de bureau en phase « héritage », ainsi que pour réhabiliter la halle Maxwell – une ancienne centrale électrique – et le pavillon Copernic, qui hébergeront respectivement les fédérations sportives et les médias pendant les épreuves, avant de connaître une seconde vie sous forme de bâtiments tertiaires.
« Pour respecter le cahier des charges, qui exigeait un bilan carbone inférieur de 40 % par rapport à des bâtiments standards, en complément de la conception basée sur un système de poteaux-poutres et de façade en bois, notre réponse a consisté à utiliser du béton ultra-bas carbone sur l’intégralité des radiers et planchers (soit 18 000 m3), permettant ainsi une parfaite mixité des matériaux », déclare Sébastien Carminati, le directeur du projet pour Bateg.
Au début du projet, le constructeur avait prévu la mise en œuvre de seulement 30 m3 de béton ultra-bas carbone – qui produit moins de 100 kg de CO2/m3 contre 250 à 300 kg de CO2/m3 pour du béton standard. À l’avancée du chantier, le constructeur a capitalisé sur son retour d’expérience, afin d’améliorer l’appréhension de ce nouveau matériau, ce qui a permis d’utiliser le bon béton au bon endroit, aussi bien en matière de résistance que de poids carbone.
« À l’issue de ce chantier pilote, nous avons appris que le béton ultra-bas carbone reste complexe à mettre en œuvre, et qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur le matériau, mais aller vers un béton très bas carbone qui permet une bonne alternative entre le poids carbone et les contraintes de planning du chantier », ajoute le directeur de projet. D’autre part, ce béton moins impactant reste pertinent pour une alternative au plancher bois dans certains ouvrages qui peuvent, par exemple, exiger des épaisseurs excessives pour obtenir des performances acoustiques équivalentes. »
Sur le plan énergétique, le Village des athlètes sera alimenté par un réseau de géothermie qui fournira, uniquement en énergie renouvelable, 68 % des besoins énergétiques totaux, en garantissant notamment aux habitants un confort d’été sans recours à la climatisation.
© SIMONIN
La valeur ajoutée du bois 100 % français
Parmi ses objectifs de développement durable, la Solideo s’était fixé l’utilisation au minimum de 30 % de bois français. Un pourcentage qui a été battu à plates coutures par l’entreprise Simonin SAS, qui emploie 130 salariés à Montlebon (Doubs), où elle exerce une double activité de fabricant de composants bois et de constructeur bois.
L’entreprise a en effet réalisé dans le Village des athlètes, sur la commune de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), un immeuble en R+7 à structure en poteaux-poutres en épicéa et douglas, de 37 m de haut et 14 000 m2, dont la particularité est de comporter au 7e niveau un gymnase consacré aux entraînements de basket. Non loin de là, elle a aussi construit une passerelle de 100 m de long, composée de poutres en lamellé-collé de 50 m de portée libre reposant sur des piliers en béton, qui enjambe l’autoroute A1 au niveau du Bourget.
« Ces deux constructions ont été réalisées à 100 % avec du bois français, provenant du massif du Jura proche de nos établissements pour le bâtiment et du Morvan pour la passerelle, explique son directeur général, Christian Balanche. Par le passé, le bois français que nous proposions n’intéressait personne, mais tout a changé aujourd’hui, avec la perspective d’approvisionnements locaux qui améliorent le bilan carbone des bâtiments. »
Aussi bien le gymnase sommital, avec ses murs de 9 m de hauteur, réalisé avec des poutres treillis 3D et 2D, que la passerelle du Bourget, ont bénéficié du système d’assemblage exclusif développé par Simonin SAS, qui utilise des goujons collés avec de la résine époxy, une solution à la fois invisible et aux performances mécaniques élevées qui valorise l’architecture en construction bois.
Christian Balanche, directeur général de Simonin SAS, à Montledon (Doubs).
Réemploi : une filière en devenir
Les exigences environnementales du maître d’ouvrage public portaient aussi sur l’utilisation de matériaux issus du recyclage et du réemploi. À titre d’exemple, les 5 000 sièges du Centre aquatique de Saint-Denis sont composés à 100 % de plastiques recyclés, développés grâce au fonds d’innovation de la Solideo, de même que les 8 000 sièges qui garnissent les tribunes de l’Arena Porte de la Chapelle.
La construction du Village des athlètes a permis, pour sa part, de mettre en œuvre à grande échelle des produits de réemploi comme les faux planchers, les moquettes ou les gabions. Ce schéma a particulièrement bien fonctionné pour le lot revêtement de sol du projet Universeine, remporté par l’entreprise Saint Leu Revêt, positionnée notamment sur les sols souples, qui emploie une dizaine de salariés à Pierrelaye (Val-d’Oise).
« Il y a déjà longtemps que nous récupérons des moquettes usagées lorsqu’on nous confie la dépose des anciens revêtements pour les proposer sur d’autres chantiers. Nous faisions donc du réemploi sans le savoir, témoigne son dirigeant, Damien Dominois. Grâce à notre collaboration avec une société de nettoyage, Orak/Optimal Karpet, nous avons pu mettre en œuvre plusieurs milliers de mètres carrés de produits usagés, et répondre ainsi aux attentes du mandataire VINCI et de la Solideo. »
Le chef d’entreprise insiste cependant sur la nécessité d’établir une méthodologie sur ces marchés nouveaux, où beaucoup reste à faire : pour que la pose de moquette de réemploi soit rentable, il est essentiel que la ressource soit triée et nettoyée avant d’être déposée, afin que sa mise en œuvre soit simplifiée et sa propriété à l’usage garantie.
Grâce à notre collaboration avec une société de nettoyage, nous avons pu mettre en oeuvre sur le projet Universeine plusieurs milliers de mètres carrés de produits usagés, et répondre ainsi aux attentes du mandataire VINCI et de la Solideo.
De façon générale, il semble que les attentes de la Solideo ont mis en évidence le manque de structures spécialisées dans la récupération, le stockage et la fourniture de produits de réemploi dans le bâtiment. « Les circuits existants sont plus ou moins au point. Au début de la phase “héritage”, au moment de convertir les bâtiments d’Universeine en bureaux, nous disposerons de 40.000 m2 de cloisons en plâtre et de 300 salles de bains complètes issues des chambres des athlètes, pour lesquelles il est encore difficile de trouver une seconde vie », relève Sébastien Carminati.
À l’issue des épreuves de deux fois deux semaines, Saint-Leu Revêt procédera à un nouvel audit de potentiel de réemploi pour estimer un nouveau réemploi des moquettes. Si l’entreprise peut, avec Optimal Karpet, proposer des garanties pour certains produits de réemploi, de façon plus générale, la question de la garantie reste posée pour la majorité des produits de réemploi, ce qui explique la légitime frilosité des maîtres d’ouvrage à engager leur responsabilité dans leur mise en œuvre.
Enfin, les constructions réalisées en vue de ce grand rendez-vous sportif comportent aussi un important volet de végétalisation, qui se traduit par un verdissement des ouvrages olympiques, à l’image du terrain des Essences, de l’Arena Porte de la Chapelle ou du Village des athlètes, dont le projet Universeine est traversé par un véritable corridor de biodiversité. La présence de ces végétaux au sein des quartiers est un élément indispensable pour permettre la constitution d’îlots de fraîcheur et de lieux de détente agréables pour les futurs usagers, qui préfigure la ville de 2030, en droite ligne avec la vision de la Solideo.
Une problématique nouvelle : la réversibilité
Soucieuse de ne pas reproduire les erreurs des olympiades passées, dont les équipements n’ont pas trouvé de seconde vie après l’événement, la Solideo a inscrit dans son cahier des charges la réversibilité des bâtiments, c’est-à-dire leur capacité à changer de destination. À titre d’exemple, les bâtiments de logement qui hébergeront les athlètes pendant les épreuves seront reconvertis en bâtiments tertiaires en phase « héritage ».
« Cette exigence a rendu plus complexe la conception des bâtiments neufs que nous avons construits à Universeine, commente Sébastien Carminati, directeur de projet pour Bateg. Ces bâtiments ont fait l’objet d’un double permis de construire, doivent répondre aux deux réglementations qui s’appliquent au logement et au tertiaire, et être faciles à convertir de l’un à l’autre sans travaux lourds. » Une vocation multiple intégrée dès la conception par le maître d’ouvrage Vinci Immobilier, qui devient ainsi un argument en faveur d’un allongement de la vie des bâtiments, et du « zéro artificialisation nette ».
L’économie sociale et solidaire associée au projet
Au début de la livraison des différents ouvrages, en décembre dernier, la Solideo se réjouissait d’avoir dépassé un autre de ses objectifs majeurs : associer les territoires et l’économie solidaire aux retombées de l’événement.
En effet, 2.691.804 heures de travail ont été effectuées par 3.780 personnes en insertion sur les chantiers des ouvrages olympiques, ce qui représente 108,8 % de l’objectif fixé. L’objectif a également été dépassé en ce qui concerne les marchés attribués à des TPE/PME (2 241 au total) et structures de l’économie sociale et solidaire (119), soit un volume global de 780 millions d’euros.
« Uniquement pour la phase JO, et grâce au dialogue entre VINCI Insertion Entreprises et une structure dédiée mise en place par la Solideo, nous avons pu embaucher 38 personnes en insertion et dépasser les 200.000 heures de travail sur le chantier d’Universeine, au lieu des 178.000 prévues, un volume très élevé par rapport à un chantier standard », ajoute Sébastien Carminati, directeur du projet Universeine pour Bateg (VINCI).
Contenu réservé aux adhérents FFB
- Profitez aussi de conseils et de soutien
Des services de qualité, de proximité, avec des experts du Bâtiment qui connaissent vos enjeux métier et vous accompagnent dans votre quotidien d'entrepreneur.
- Intégrez un réseau de 50 000 entreprises
La FFB est fière de représenter toutes les entreprises du bâtiment, les 2/3 de nos adhérent(e)s sont des entreprises artisanales.
- Bénéficiez des dernières informations
Recevez Bâtiment actualité 2 fois par mois pour anticiper et formez-vous aux évolutions des métiers ou de la législation.