Travailler en BIM n'est pas l'apanage des seuls grands groupes. À condition d'agir avec méthode, le Building Information Modeling (BIM), ce modèle informatique de conception, construction et exploitation d'un bâtiment à partir d'une maquette numérique en trois dimensions, est tout à fait accessible aux PME.
Créée en 1932 par des maçons d'origine italienne, installée à Gap dans les Hautes-Alpes et employant 49 salariés pour un chiffre d'affaires annuel avoisinant les 16 millions d'euros, la société Ragoucy en est un parfait exemple. Lauréate d'un concours de conception-réalisation de 35 logements à Manosque, organisé par le bailleur social Habitations de Haute Provence, l'entreprise a décidé de profiter de ce succès pour expérimenter une démarche BIM. Dessiné en maquette 3D, l'ensemble résidentiel, dénommé Les Roses de Provence, sera livré en juillet 2017. Pourquoi s'être lancé dans cette aventure qui n'était pas imposée par le client?? « Je suis convaincu qu'il ne faut pas tergiverser sur le BIM, il faut y aller. Or, la relative simplicité des bâtiments à construire était l'occasion rêvée de nous faire la main sur cet outil », répond Nicolas Chabrand, le dirigeant de Ragoucy. Pour lui, faire en sorte que l'entreprise maîtrise rapidement le BIM ne représente en fait qu'une nouvelle étape dans une longue série de démarches de progrès. Diplômé en 1987 de l'Institut national des sciences appliquées de Toulouse, cet ingénieur travaux fait ses premières armes chez Bouygues Construction, avant, deux ans plus tard, d'être appelé par la famille Ragoucy - avec laquelle il a des liens de parenté. Sous l'autorité de Pascal Ragoucy, qui avait pris en 1985 les rênes de l'entreprise fondée par son grand-père, Nicolas Chabrand élargit alors l'activité de gros œuvre aux contrats d'entreprise générale et de conception-réalisation.
Il lance en 1995 une démarche qualité. En 2004, Pascal Ragoucy décide de se retirer et propose à Nicolas Chabrand de reprendre l'entreprise. En 2010, il lance Ragoucy dans une démarche environnementale. « C'était la suite logique de nos efforts en matière de sécurité », explique-t-il.
Tablettes numériques dès 2010
Une fois maîtrisé ce nouvel objectif, restait une autre étape à franchir : préparer l'entreprise à la révolution numérique. Au début des années 2010, quelques chefs de chantier volontaires se voient attribuer des tablettes numériques leur permettant de réduire au maximum les documents papier sur le terrain (notices de matériel, pointages d'heures, contrats d'intérim…).
Et en 2015, leurs autres collègues passent à la tablette. Pourquoi ce décalage dans le temps?? « Le numérique représentait une révolution pour les chefs de chantier, constate Nicolas Chabrand. Il fallait les laisser se familiariser avec cet outil. » Ce préalable acquis, le dirigeant a alors pu allumer « le deuxième étage de la fusée » que représente la conception en BIM du lotissement des Roses de Provence. Pour ce faire, Ragoucy a financé la formation de ses équipes en charge du gros œuvre, à laquelle ont participé les deux cabinets d'architectes et les bureaux d'études structure et fluides du projet.
Il a aussi été inclus dans le cahier des charges des entreprises sous-traitantes une formation de deux demi-journées financées par l'IRFB PACA, afin de sensibiliser l'ensemble des acteurs à la démarche BIM.
Enfin, Nicolas Chabrand a confié à l'un des deux architectes, en le rémunérant, la gestion de la maquette numérique du projet. Quel premier bilan en tire-t-il ? « Le temps investi en amont, nous le récupérons déjà en aval car la maquette numérique nous permet d'anticiper beaucoup de problèmes sur le terrain et d'harmoniser le travail des différents intervenants. » Fidèle à sa règle d'avancer pas après pas, Nicolas Chabrand ne généralisera cependant le BIM qu'après avoir tiré tous les enseignements de ce chantier. Ce qui ne l'empêche pas de réfléchir d'ores et déjà à la prochaine révolution : l'arrivée des robots dans les métiers du BTP.