Sans crier gare, c'est un morceau d'environ 4 m sur 4 du mur porteur sud de l'édifice qui s'est écroulé, à la jonction entre la partie basse de cette église, édifiée au XIIe siècle à Collan (Yonne), et la partie haute rajoutée au XVIIe. Contacté en urgence par le maire de la commune pour étayer la structure, Benoît Dulion, dirigeant d'une entreprise de restauration de charpentes en monuments historiques, qui emploie une quinzaine de compagnons à Ancy-le-Franc (Yonne), mesure immédiatement la gravité de la situation. « Le mur partiellement écroulé supportait le clocher, ce qui mettait en péril l'ensemble de la structure, raconte-t-il. De plus, le mur sud était longé par des tombes, créant des cavités sur lesquelles il était impossible de prendre appui pour nos batteries d'étaiement. Il a donc fallu échafauder une solution d'étaiement spécifique. »
Après la mise en place d'un périmètre de sécurité interdisant l'accès autour de l'éboulement, quatre jours de réflexion et d'analyse des risques ont été nécessaires au charpentier, en relation avec l'architecte en chef des monuments historiques, pour faire surgir un principe d'étaiement en trois temps. En premier lieu, il était exclu d'évacuer les matériaux éboulés au pied du mur, car les vibrations occasionnées auraient pu faire écrouler tout le bâtiment. La décision a été prise, au contraire, de combler : une enceinte en blocs béton, reposant sur une semelle en béton, a été créée et remplie de graviers à la base du mur écroulé. Recouvert de plaques d'acier de 3 cm d'épaisseur, ce parterre et cette structure en béton ont servi de base solide pour poser une première batterie d'étaiement en bois à l'angle de l'église, afin de reprendre les efforts latéraux. En complément, un portique métallique a été fabriqué sur mesure par un métallier et positionné contre le pignon ouest, pour ceinturer la partie haute du bâtiment et prévenir un effondrement vertical.
Enfin, le plus délicat était de soutenir la partie de mur demeurée dans le vide au sommet de l'ouverture, sans pouvoir travailler en dessous, compte tenu du risque d'éboulement. Pour ce faire, le charpentier a imaginé la mise en place de tours d'étaiement en appui sur les plaques d'acier, au sommet desquelles on a fait glisser horizontalement des poutrelles métalliques de 9 m de longueur jusqu'à 1,50 m à l'intérieur du bâtiment, tout en les maintenant par des tirants à l'autre extrémité pour faire contrepoids. Un « tunnel » en bois posé sur les poutres a permis aux compagnons de passer les étais en toute sécurité.
Pour Benoît Dulion, la priorité absolue sur un tel chantier est la sécurité des compagnons. « Il faut bien penser que ces opérations successives se font dans la plus grande précaution, le plus loin possible du bâtiment susceptible de s'écrouler, en partant du moins dangereux pour aller vers le plus dangereux. Le tout devant être fait dans l'urgence : quatre jours pour trouver le principe, puis trois semaines pour fabriquer les étaiements et trois semaines de mise en œuvre. » L'entreprise a signé un contrat avec le maître d'ouvrage qui comprend la réalisation des travaux, puis une surveillance du comportement de l'édifice.
Comme l'explique le chef d'entreprise, le charpentier bois est amené à réaliser des étaiements pour ses propres chantiers ; c'est cette expérience qui doit être mise à profit pour prendre en charge des chantiers d'étaiement d'urgence de plus en plus complexes. Dans ce domaine, il existe deux qualifications Qualibat 1 qui permettent de valoriser ces compétences auprès des maîtres d'ouvrage.
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Les qualifications 1442 « Technicité confirmée » et 1443 « Technicité supérieure ».