Des normes européennes remplacent régulièrement les normes nationales; c'est une obligation lorsqu'il en existe déjà une sur le même sujet.Leurs valeurs sont reconnues : elles permettent d'échanger dans un langage technique commun. Mais les entreprises du bâtiment ne vivent pas toutes ce flux de textes de manière semblable. Rares sont celles qui peuvent s'impliquer dans leur rédaction pour anticiper les règles futures mais pour elles, leur utilisation est un atout sur les marchés. Pour la plupart des entreprises, moins investies dans cette discipline, ces normes peuvent représenter un coût et influer sur la productivité. L'arrivée de nouvelles normes introduit aussi des incertitudes. Recouvrent-elles les mêmes besoins?? Apportent-elles des améliorations ? Leur mode de production explique ces interrogations; il fournit aussi des réponses.
Mode d'emploi
Force est de constater que les normes européennes résultent de discussions entre industriels pour l'essentiel. Celles-ci se tiennent au sein du Comité européen de normalisation (CEN) basé à Bruxelles. Chaque sujet est traité à deux niveaux : le comité technique et, dans chaque pays participant, une commission « miroir ». Pendant que les premiers développent la future norme, les seconds font remonter avis et commentaires; ils sont aidés d'experts des bureaux de normalisation - pour le bâtiment, en France, le BNTEC apporte cet appui. Après enquête publique et vote, la norme adoptée est transmise aux organismes nationaux de normalisation - en France, à l'Afnor - qui la diffusent de façon payante. Le processus prend trois ans et mobilise plusieurs centaines de professionnels en Europe.
Une aventure humaine
Une telle procédure est sujette à des biais, qui tiennent à la qualité d'échange entre partenaires et à leur disponibilité. Les industriels sont plutôt bien représentés ; la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'œuvre et les entreprises, beaucoup moins. Les commissions miroirs françaises sont mieux suivies par ces dernières, mais l'animateur du CEN n'a pas à leur rendre compte directement du choix des commentaires qui lui sont soumis lors de l'enquête sur le document…
Les dérives de cette organisation se sont manifestées à travers quelques exemples. Ce fut le cas avec la norme sur les tuiles de terre cuite : principe du plus petit dénominateur commun entre pays oblige, leurs caractéristiques de base négligeaient les résistances mécaniques après gel et la porosité !
Pour parer les sinistres, en France, les difficultés ont été contournées soit en exploitant les classes d'usages, soit en ajoutant un essai de résistance mécanique après essai de gel, ce que la norme européenne n'avait pas prévu. Dans de nombreux cas, les entreprises ont recours aux clauses types de marchés que sont les documents techniques unifiés (DTU), ces derniers n'étant pas tenus d'utiliser toutes les classes d'usages d'une norme de produits. Si, au crédit de la normalisation, la simplification et l'aide à la concurrence sont évidentes, la hausse potentielle de la sinistralité et l'insécurité juridique figurent au revers de la médaille. Il reste un principe de base : les normes sont d'utilisation volontaire. En France, sur plus de 4 000 normes, seules 190 sont obligatoires, dont une petite partie seulement concerne le bâtiment.