Pour rappel, les normes Afnor NF DTU sont des documents de référence applicables aux marchés de travaux de bâtiment. Choix des matériaux, conditions de mise en oeuvre des procédés de construction ou encore règles de calcul : ces normes se présentent comme le fruit du retour d'expérience technique des professionnels en vue d'améliorer la qualité des ouvrages, de réduire les sinistres et de faciliter les relations contractuelles entre les acteurs. Les NF DTU peuvent faire partie des règles de l'art (sans pour autant constituer l'ensemble de ces règles) qui désignent le savoir-faire habituel que le maître d'ouvrage peut attendre d'un professionnel dans son champ d'activité. En pratique, nombre de règles de l'art sont codifiées au travers de NF DTU.
Avant d'envisager quelle utilisation les experts font des NF DTU, il convient de bien faire la distinction entre règlements et normes, ce qui n'est pas toujours évident. En effet, plusieurs situations peuvent alimenter la confusion. La réglementation relève des pouvoirs publics. Elle est l'expression d'une loi, d'un règlement (décret ou arrêté) et son application est imposée. Ne pas la respecter peut être sanctionné, notamment pénalement. A contrario, les normes Afnor sont d'application volontaire. Elles traduisent l'engagement contractuel des entreprises à satisfaire un niveau de qualité reconnu et approuvé. L'obligation de respecter une norme procède donc exclusivement de la force obligatoire du contrat dans lequel sa référence a été incluse.
Parfois, les normes volontaires peuvent soutenir la réglementation en étant citées comme documents de référence. De plus, certaines normes peuvent même être rendues d'application obligatoire pour appuyer les politiques publiques, via un décret ou un arrêté, par exemple dans le domaine de la sécurité incendie ou des travaux de traitement de l'amiante.Bien que dépourvues de valeur contraignante, les normes homologuées constituent une référence de fait dans les marchés publics . C'est la même chose dans les marchés privés, notamment vis-à-vis des assureurs, des experts, voire des juges en cas de litige.
En cas de procédure contentieuse et de nomination d'un expert judiciaire suite à un sinistre, celui-ci se réfère prioritairement aux exigences des réglementations obligatoires (sécurité des personnes ou incendie), mais il s'appuie aussi, en cas de nécessité, sur les normes et leur interprétation pour déterminer l'origine et la ou les causes des désordres. En effet, l'expert ne doit pas se reposer aveuglément sur la norme, mais toujours s'interroger sur la conformité de l'ouvrage aux règles de l'art, qui représentent le meilleur état de la science et de la technique accessible aux professionnels et réalisable économiquement.
Ainsi, il ne faut pas confondre autorité de fait d'un NF DTU et autorité de droit, notamment au plan des responsabilités. En effet, le caractère par nature non contraignant des normes a deux conséquences : le non-respect de la norme ne suffit pas à faire présumer la responsabilité, tandis que le seul respect d'une norme ne suffit pas à libérer automatiquement le cocontractant de sa responsabilité, au moins vis-à-vis du maître d'ouvrage. En revanche, il sera un élément important à prendre en compte dans la répartition de la responsabilité entre constructeurs.
Même si le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions de l'expert qu'il a mandaté pour l'éclairer sur l'origine des désordres, il s'en tient le plus souvent à son avis. L'expert d'ailleurs, n'est-il pas souvent présenté comme « l’œil » du juge??