Dans le cadre de la RE 2020, la réduction de l’empreinte carbone du gros œuvre, responsable d’environ un tiers de celle d’un bâtiment – comptabilisée en kgeqCO2 – est un défi qui peut être relevé par les acteurs de la filière. De manière générale, il convient tout d’abord de sélectionner des produits ou systèmes constructifs qui font l’objet d’une fiche de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) collective ou individuelle – en consultant la base Inies, riche de 450 fiches pour la seule rubrique « structure » – car, dans le cas contraire, les données appliquées par défaut sont pénalisantes pour le bâtiment. Ensuite, les entreprises ont tout intérêt à utiliser des configurateurs – par exemple BETie pour les ouvrages en béton prêt à l’emploi (BPE) ou Environnement IB pour les éléments préfabriqués en béton – afin d’évaluer précisément l’impact carbone du mode constructif choisi. Cette approche permet notamment de s’orienter vers des bétons bas carbone, à base de ciment bas carbone, dont la composition comporte moins de clinker, en partie remplacé par des matériaux moins émissifs. Attention toutefois : en raison d’une montée en résistance plus lente au jeune âge, ces bétons exigent une vigilance supplémentaire en termes de temps de prise et de décoffrage, et ils ne sont pas encore disponibles pour couvrir la totalité du marché.
Surtout, on peut réduire l’impact carbone du gros œuvre sans changer de matériaux ni de mode de mise en œuvre, mais en rationalisant leur utilisation, ce qui permet aussi d’améliorer sa compétitivité économique. À titre d’exemple – et à condition que les études, notamment structure et acoustique, valident cette hypothèse –, diminuer l’épaisseur des voiles en béton armé de 20 à 18 cm permet de réduire de 10 % la quantité de béton et les émissions de CO2 associées. De même, dans le cas d’une structure en poteaux-poutres, il est envisageable de réduire la section des poteaux en élévation, à mesure que les charges se réduisent. Autre exemple, on peut choisir de réaliser les derniers étages en maçonnerie, dont l’impact carbone est deux fois moins élevé que celui d’un mur plein en béton armé. On peut aussi faire en sorte de prendre en compte la juste quantité d’armatures dès le stade de l’étude RE 2020, et la bonne classe d’exposition du béton en fonction de la partie de l’ouvrage, par exemple en différenciant le béton pour les extérieurs et celui pour les intérieurs, où du XC1 peut être suffisant. Pour un voile, en calculant au plus juste l’épaisseur, la quantité d’armatures et les performances du béton requis, il est possible de gagner en cumulé jusqu’à 15 kgeqCO2/m², soit 30 % de son impact total par rapport au même ouvrage non optimisé.
Il peut être intéressant, par ailleurs, de faire appel à des procédés mixtes, comme les planchers bois-béton ou préfabriqués en béton avec isolant en fibres de bois, qui permettent de diviser par deux le poids carbone par rapport à un plancher plein en béton. Le recours à des matériaux biosourcés (maçonnerie en blocs de béton de chanvre, chape fluide anhydrite plutôt que chape ciment, etc.) est une autre piste à explorer. Attention, la réduction de l’empreinte carbone ne doit pas se faire au détriment des règles de l’art et du recours aux techniques courantes : toutes les solutions mises en œuvre doivent être couvertes par une norme (NF DTU), par une règle professionnelle ou, pour les techniques innovantes, par une évaluation technique (Avis technique, DTA ou ATEx), sous peine de ne pas être assurées.
Pour s’adapter à la nouvelle réglementation, les entreprises de gros œuvre ont donc tout intérêt à monter en compétences en interne et à approfondir le dialogue avec les bureaux d’études chargés d’appliquer la RE 2020, ce qui les aidera à mettre le doigt sur les nombreux leviers existants permettant de réduire l’impact carbone de leurs constructions. Enfin, la vigilance est de mise concernant les variantes en cours de chantier, qui doivent être justifiées en termes de poids carbone.