Pionnière en Europe, la RE 2020 rompt avec le cycle des réglementations thermiques et ouvre celui des réglementations environnementales, spécialement par la prise en compte très novatrice du poids carbone des bâtiments. Réduire leur empreinte carbone (à l’origine de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France), poursuivre l’amélioration de leur performance énergétique et en garantir le confort d’été durant les épisodes caniculaires, appelés à être plus fréquents et intenses du fait du changement climatique : tels sont les trois objectifs majeurs poursuivis par cette réglementation.
Alors que son processus d’élaboration venait de franchir une nouvelle étape, à savoir la phase des simulations destinées à éclairer les choix d’indicateurs et de niveaux de performance pertinents pour concevoir et construire les bâtiments de demain, la pandémie de Covid-19 est venue complexifier l’organisation des concertations et consultations. Or, ce travail associant les pouvoirs publics et les acteurs de la filière, déjà à l’œuvre au cours de l’expérimentation E+C- préparant depuis 2017 les professionnels à la future réglementation, demeure indispensable pour achever ce vaste chantier systémique.
Les pouvoirs publics avaient prévu une application de la RE 2020 au 1er janvier 2021. Le dispositif ne sera finalement pas opérationnel avant l’été 2021, le temps de consulter les acteurs sur les indicateurs et les critères de performances définitifs, avant de publier les textes d’ici à la fin de l’année ou au tout début de l’année 2021. Ce décalage de quelques mois du calendrier d’élaboration et de mise en œuvre de la RE 2020 a été salué par l’ensemble des professionnels, pour qui l’appropriation d’un nouveau standard environnemental ambitieux des bâtiments ne doit pas se faire à marche forcée, a fortiori dans un contexte de reprise.
En attendant, le chantier de la RE 2020 n’est pas figé. Si la crise sanitaire retarde les processus décisionnels, elle interroge simultanément nos capacités de résilience et d’adaptation. Se protéger contre les aléas climatiques, sanitaires ou économiques devient plus que jamais une priorité gouvernementale. Aussi, l’ultime étape de concertation doit permettre de déterminer les indicateurs et niveaux de performances exigibles en énergie et en carbone, lors de la rédaction des textes réglementaires, ainsi que la méthode de calcul utilisée pour les atteindre, tout en tenant compte de la soutenabilité financière et technique des choix opérés.
Mais d’ores et déjà, il semble que toutes les ambitions initiales portées par la RE 2020 ne figureront pas dans cette première réglementation environnementale. En effet, bien que la RE 2020 semble s’inscrire dans la continuité de l’expérimentation E+C- sur le volet carbone, le Gouvernement a décidé de revoir les exigences sur le volet énergétique en écartant par exemple les critères incitant à la conception de Bepos (bâtiments à énergie positive). Dans la droite ligne de la stratégie nationale bas carbone 2050, la RE 2020 se concentre aujourd’hui sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un bâtiment, à toutes les étapes de son existence, de l’origine des matériaux utilisés jusqu’à la déconstruction, en passant par la construction et la phase d’exploitation, dans une logique d’analyse du cycle de vie, sachant que les matériaux ont un poids carbone prépondérant. Les industriels sont d’ailleurs appelés à renforcer les données environnementales de leurs produits et de leurs équipements, via les fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) et de profil environnemental produit (PEP).
Cette concertation finale pourrait également aboutir, dans un second temps, à la définition d’un label facultatif permettant aux maîtres d’ouvrage volontaires d’aller au-delà des exigences de la future RE 2020, tel le BBC qui avait précédé la RT 2012. La fonction de ce futur label sera de jouer un rôle prospectif, mais aussi d’anticiper l’étape réglementaire d’après et de compléter ainsi les règles du jeu de la RE 2020 en prenant en compte des sujets tels que la qualité de l’air intérieur, la gestion de l’eau, la biodiversité ou les mobilités.
Un tel changement ne s’improvise pas. Tous les acteurs de la construction vont être impactés par la production de bâtiments bas carbone (BBCA) avec une performance énergétique renforcée. Les maîtres d’ouvrage et d’œuvre devront, dès la phase de conception, intégrer cette problématique dans leurs choix constructifs, tandis que les entreprises en assureront la qualité de mise en œuvre, choisiront les assemblages de solutions bas carbone et conseilleront sur les nouveaux produits qui vont fleurir, à l’instar des matériaux biosourcés.
L’organisation des chantiers sera nécessairement ajustée, avec une interaction renforcée entre les acteurs, liée notamment à la présence d’un bureau d’études spécialisé qui devra vérifier que toutes les solutions techniques choisies sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment répondent bien aux exigences de la RE 2020.
Pour accompagner ces nouvelles façons de travailler et les nouvelles compétences qu’implique notamment le critère carbone, la FFB met déjà en place, avec l’aide de ses Unions et Syndicats de métiers, des actions de sensibilisation et d’information à l’intention de ses adhérents. Au sortir de la période de crise sanitaire, la RE 2020 va constituer dans les prochains mois un levier important de relance de l’activité pour le secteur du bâtiment. Il convient de s’en emparer dès à présent.
L’expérimentation E+C- en chiffres
En mai 2020, l’observatoire E+C- réunissait les analyses de cycle de vie de 1 151 bâtiments, dont 150 bâtiments tertiaires, 311 immeubles d’habitat collectif et 690 maisons individuelles.
De nouveaux usages évalués en vue de la RE 2020
Parmi les nouveaux usages pris en compte dans le calcul des consommations énergétiques et émissions carbone, on trouve notamment le fonctionnement des ascenseurs, les éclairages des parties communes, la ventilation des parkings ou encore la quantité de carbone biogénique stocké dans le bâtiment.