Chartes promoteurs : Première annulation judiciaire d’une délibération approuvant une charte

De plus en plus de communes adoptent des chartes pour réguler, voire contrôler, les opérations visant à la production de logements. Ces chartes imposent des prescriptions aux promoteurs qui vont bien au-delà de ce que les communes peuvent intégrer dans leurs documents d’urbanisme. Un tribunal administratif vient d’annuler la délibération d’un Conseil municipal approuvant une charte de ce type et d’autres annulations pourraient suivre. 
17:2120/02/2023
Rédigé par FFB Nationale

 

La FFB, qui rappelle qu’elles ne sont aucunement obligatoires et qui estime qu’elles devraient faire l’objet d’une régulation, salue cette décision judiciaire.

 

« Charte de l’urbanisme et du cadre de vie », « charte pour la qualité des constructions », « charte de la construction pour une ville résiliente » … Derrière ces appellations diverses et variées, que l’on regroupe communément sous le terme de « chartes promoteurs », se cachent des outils de régulation et de contrôle, par les communes, des opérations de construction de logements. 

 

Les promoteurs voient ainsi fleurir des documents mis en place par les communes, dénués de toute base légale, leur imposant de nombreuses contraintes, qui vont bien au-delà de ce que les communes peuvent imposer via leurs documents d’urbanisme. On trouve ainsi dans ces chartes des procédures spécifiques d’instruction des demandes de permis, des règles relatives au choix de l’architecte, à la gestion du chantier, à la commercialisation des logements et à leur prix de vente, à la répartition et à la surface minimale des logements, à leur aménagement intérieur…

 

Les communes soutiennent que ces chartes ont pour but de favoriser le dialogue avec les promoteurs, mais en pratique elles sont bien souvent élaborées de manière unilatérale par les communes, sans phase de concertation avec les promoteurs. Elles sont ensuite proposées à la signature des promoteurs, qui n’ont pas d’autre choix que d’y souscrire afin de favoriser la réalisation de leur projet. 

Juridiquement, ces chartes ne sont pas opposables aux demandes de permis de construire. 

 

La Cour administrative d’appel de Bordeaux l’a d’ailleurs relevé dans un arrêt du 29 septembre 20161. Pour autant, la délivrance des permis et la réalisation des projets sont implicitement conditionnées à l’adhésion des promoteurs aux chartes et à leur respect.

Ces chartes sont généralement adoptées par délibération du Conseil municipal ou par arrêté du maire. Elles peuvent donc faire l’objet d’un recours contentieux.

 

C’est ainsi que le Préfet de Seine-Maritime a saisi le tribunal administratif de Rouen, à la suite de l’adoption par la commune de Bois-Guillaume d’une « Charte de l’urbanisme et du cadre de vie ».

Ce tribunal a récemment prononcé l’annulation de la délibération du Conseil municipal approuvant cette charte2, ce qui est une première.

Dans cette affaire, les juges retiennent que la commune n’est pas compétente pour adopter des prescriptions en matière d’urbanisme via cette charte, car cette compétence relève de l’intercommunalité dont elle est membre (la métropole Rouen Normandie).

Ils retiennent également que la délibération du Conseil municipal était illégale, car la charte avait pour objet d’imposer aux opérateurs immobiliers « des règles impératives relatives à la conception et à la réalisation de projets de construction, relevant, par leur nature, de la loi ou du règlement ».

Cette charte prévoyait notamment une phase de pré-instruction des demandes de permis, pendant laquelle le promoteur devait présenter à la mairie une étude de faisabilité, une évaluation des impacts du projet sur l’environnement et ses hypothèses de bilan financier, puis soumettre son projet architectural à un jury d’architectes auquel la mairie était associée.

Or, les juges rappellent que les demandes de permis de construire ne peuvent être instruites que dans les conditions fixées par le code de l’urbanisme, qui définit de manière limitative les informations ou pièces pouvant être exigées par les services instructeurs.

La FFB, qui appelle de longue date à une régulation de ces chartes, salue cette décision judiciaire et appelle les préfets à saisir les tribunaux pour faire annuler les chartes illégales.

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